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Ces troncs d’arbres que l’on voit sur la plage : pourquoi ils sont en train de détruire nos écosystèmes côtiers
Crédit: lanature.ca (image IA)

Le mythe du bois flotté ‘inoffensif’

Si vous avez déjà visité les magnifiques plages de l’île de Vancouver ou de Haida Gwaii, vous connaissez sûrement ce spectacle familier : des troncs d’arbres, souvent immenses, qui s’échouent sur le sable ou les rochers. Nous les voyons parfois comme des atouts, n’est-ce pas ? On s’en sert de banc pour admirer la mer, ou bien ils aident à stabiliser les berges. C’est une image ancrée dans notre paysage côtier.

Mais, non, attendez. Une nouvelle étude de l’Université de Victoria (UVic) vient jeter un pavé dans la mare en nous expliquant que ces « billes de bois flotté » — c’est le terme que l’on utilise — sont loin d’être inoffensives. En réalité, elles seraient en train de causer des dommages considérables aux communautés rocheuses qui vivent juste là, où la mer monte et descend.

Un mouvement incessant : le vrai danger

credit : lanature.ca (image IA)
Le biologiste Tom Reimchen, de l’UVic, et deux de ses étudiants ont publié leurs découvertes dans la revue Marine Ecology. Ils ont étudié deux choses : l’impact écologique précis et, surtout, le mouvement de ce bois au fil du temps. Et croyez-moi, les résultats sont inquiétants.

Pour nous, promeneurs occasionnels, ces troncs peuvent sembler stables, figés là pour toujours. Mais c’est une illusion. L’étude révèle que plus de 90 % de ces billes de bois sont déplacées chaque année ! Et lors des tempêtes, ce mouvement est constant et très étendu. Imaginez des milliers de masses lourdes qui roulent et frottent contre les rochers à chaque marée.

C’est ce mouvement incessant qui bouleverse ce qu’on appelle la zone intertidale, c’est-à-dire cette bande de plage vitale qui est alternativement recouverte par la marée haute et exposée à la marée basse. C’est là que la vie marine, si fragile, essaie de s’accrocher.

Les bernacles : les premières victimes

credit : lanature.ca (image IA)
La vie dans la zone intertidale dépend d’espèces clés, comme les bernacles (ces petits crustacés à coquille conique collés aux rochers). Ces créatures ne sont pas seulement intéressantes à observer ; elles forment un habitat essentiel pour toutes sortes de petits invertébrés qui vivent dans les interstices entre leurs coquilles. C’est tout un petit monde qui fourmille là-dessous.

Malheureusement, les chercheurs ont observé que, là où ces troncs d’arbres flottés passent, la population de bernacles chute drastiquement. Sur les surfaces exposées aux mouvements des troncs, on constate une baisse de 20 à 80 % des populations par rapport aux crevasses protégées. C’est énorme.

Même si de nouvelles bernacles s’installent chaque année, elles sont régulièrement emportées ou écrasées par le mouvement saisonnier des billes de bois. On parle d’abrasion, un frottement destructeur qui ne permet pas à l’écosystème de se rétablir correctement. C’est un cercle vicieux, n’est-ce pas ?

L’effet domino sur les oiseaux de rivage

credit : lanature.ca (image IA)
Et comme souvent dans la nature, quand une espèce souffre, d’autres suivent. De nombreux oiseaux de rivage dépendent de cette nourriture riche que sont les bernacles et les petits invertébrés de la zone intertidale.

Pensez par exemple aux huîtriers noirs, aux bécasseaux des roches, aux tournepierres noirs… Ces espèces comptent sur ces bancs de bernacles pour se nourrir. L’étude soupçonne fortement que la perte de cet habitat, provoquée par l’abrasion des troncs, a contribué au déclin de leurs populations. Franchement, c’est logique : moins de nourriture, moins d’oiseaux.

Les chiffres sont là, froids et nets : depuis 1970, on observe une chute de 50 % chez certaines de ces espèces d’oiseaux. C’est dramatique, et le biologiste Reimchen est catégorique : les billes de bois causent des dommages persistants et cycliques le long de la côte de la Colombie-Britannique.

Une augmentation de 520 % : le rôle de l’industrie forestière

credit : lanature.ca (image IA)
Mais d’où viennent tous ces troncs ? Et pourquoi le problème semble-t-il empirer ? C’est là que l’étude, menée avec les étudiants Esteban Pérez Andresen et Melanie Marchant, apporte des éléments précis, en utilisant des photos d’archives et de l’imagerie satellite pour quantifier l’abondance du bois.

Leur découverte la plus saisissante est qu’il y a eu une augmentation de 520 % du bois flotté depuis la fin du XIXe siècle. Cinq cent vingt pour cent ! C’est hallucinant.

On pourrait croire que les zones reculées s’en sortent mieux, mais non : même les rivages les plus éloignés affichent une abondance comparable à celle des zones plus développées. L’industrie forestière a joué, sans surprise, un rôle majeur dans cette prolifération. Plus de 60 % des billes analysées portent des marques d’origine humaine. Et même celles classées comme ‘naturelles’ pourraient, à la réflexion, être indirectement liées à nous, par exemple via des glissements de terrain provoqués par l’exploitation forestière.

Reconnaître et agir face à cette perturbation

Ce que nous révèle cette recherche, c’est que nous devons cesser de considérer ces troncs simplement comme des éléments de décor de plage. Selon M. Reimchen, il est temps de « reconnaître les billes de bois flotté comme une perturbation écologique significative », au même titre que le décapage par la glace ou les vagues de chaleur extrêmes. C’est une perspective totalement nouvelle pour beaucoup d’entre nous, je suppose.

Il est donc « critique », selon l’équipe de l’UVic, de commencer à prendre des mesures pour réduire la quantité de bois flotté qui finit dans l’environnement marin. Il faut également, bien sûr, introduire des mesures de conservation efficaces pour protéger les organismes fragiles de la zone intertidale qui, après tout, sont un maillon indispensable de notre écosystème côtier.

Le défi est de taille, mais les dégâts chiffrés sur les bernacles et le déclin des oiseaux de rivage (50 % !) nous rappellent, avec urgence, l’importance d’agir rapidement.

Selon la source : phys.org

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