Un astronome nous explique pourquoi on ne peut pas simplement lancer des objets dans le Soleil
Auteur: Mathieu Gagnon
Une idée qui nous a tous traversé l’esprit

On s’est tous déjà posé la question, peut-être en plaisantant : serait-il si compliqué de se débarrasser de quelque chose, ou même d’un ennemi de film, en le catapultant directement dans le Soleil ? Après tout, notre étoile est immense, elle représente 99,8 % de la masse de tout notre système solaire. On pourrait croire que sa force d’attraction ferait tout le travail. Eh bien, un professeur d’astronomie nous explique que c’est bien plus sorcier que ça. Oublions les questions de morale un instant, c’est la physique elle-même qui nous met des bâtons dans les roues.
Le principal obstacle : la vitesse de la Terre

Le premier problème, et c’est un sacré morceau, c’est que nous ne sommes pas immobiles. La Terre fonce à une vitesse folle, environ 107 000 kilomètres par heure (ou 67 000 miles par heure), mais ce mouvement est principalement latéral par rapport au Soleil. Imaginez que vous êtes sur un manège qui tourne très vite et que vous essayez de lancer une balle vers le centre. La balle ne va pas aller tout droit, n’est-ce pas ? Elle va conserver la vitesse du manège. C’est exactement ce qui se passe avec une fusée lancée depuis la Terre.
Pour atteindre le Soleil, il ne suffit pas de viser et de pousser. Non, il faut d’abord réussir à annuler cet énorme mouvement de côté que la Terre nous a transmis.
Un tir qui manquerait sa cible de très loin
Alors, que se passerait-il si on ignorait ce détail et qu’on tirait quand même ? Selon Michael J. I. Brown, professeur associé en astronomie à l’Université Monash, le résultat serait un échec cuisant. La fusée, en quittant la Terre, se déplacerait bien plus vite sur le côté que vers le Soleil. Elle se rapprocherait un peu au début, certes, mais la combinaison de sa vitesse latérale et de la gravité du Soleil la placerait sur une orbite elliptique. Au final ? Elle manquerait sa cible de près de 100 millions de kilomètres. Pas vraiment ce qu’on appelle un tir de précision.
Pour que ça marche, il faudrait une vitesse de lancement ahurissante de 7 000 kilomètres… par seconde ! Pour vous donner une idée, l’humain le plus rapide a atteint environ 40 000 kilomètres par heure. On est donc très, très loin du compte.
La méthode théorique pour un plongeon réussi
La solution, sur le papier, serait de contrer la vitesse de la Terre. Il faudrait lancer la fusée depuis une orbite terrestre basse à 32 kilomètres par seconde, mais dans la direction opposée au mouvement de notre planète. Si le Soleil était juste au-dessus de nos têtes, cela reviendrait à lancer la fusée presque horizontalement vers l’est. Une fois sortie de l’influence terrestre, sa vitesse par rapport au Soleil serait quasiment nulle. À ce moment-là, et seulement à ce moment-là, la gravité du Soleil prendrait le relais et attirerait la fusée (et son passager malchanceux) inexorablement vers elle.
Ce petit voyage durerait environ 10 semaines. De quoi avoir le temps de réfléchir à ses erreurs avant une fin, disons, pour le moins chaleureuse.
L’astuce de la NASA : l’assistance gravitationnelle

Bon, en pratique, on n’a pas la technologie pour de telles vitesses. Fait amusant, il faudrait en réalité moins de carburant pour expulser un objet hors du système solaire que pour le faire tomber dans le Soleil. Alors comment fait la NASA pour envoyer des sondes comme la Parker Solar Probe étudier la couronne solaire ?
Ils utilisent une technique incroyablement intelligente appelée l’assistance gravitationnelle. C’est un peu comme utiliser la gravité d’une planète pour freiner. La sonde s’approche de la planète, comme Vénus par exemple, et utilise son attraction pour ralentir sa course, un peu comme si elle nageait à contre-courant. À chaque passage, la sonde perd une partie de son élan et modifie son orbite pour se rapprocher un peu plus du Soleil.
Conclusion : une question de patience et de physique, pas de force brute

Pour la sonde Parker, lancée par une puissante fusée Delta IV Heavy, le plan de vol est un marathon. Sur une mission de sept ans, elle doit effectuer sept passages près de Vénus pour ralentir suffisamment. Chaque assistance gravitationnelle la rapproche un peu plus, jusqu’à atteindre une distance de seulement 6,1 millions de kilomètres de la surface du Soleil. C’est une prouesse qui demande une planification minutieuse et beaucoup de patience.
En résumé, envoyer quelque chose dans le Soleil n’est pas une affaire de puissance, mais de finesse. Il ne s’agit pas de foncer tout droit, mais de savoir danser avec les lois de la physique orbitale. C’est un ballet cosmique bien plus complexe qu’on ne pourrait l’imaginer. Et puis, entre nous, il y a sans doute de meilleures façons de régler ses différends.