L’épreuve au-delà de la chirurgie

Chaque année en France, près de 22 000 femmes font face à la mastectomie, l’ablation d’un ou des deux seins. Si cette chirurgie est vitale dans la lutte contre le cancer, elle représente aussi un bouleversement intime et existentiel qui dépasse largement l’acte médical.
La perte physique ébranle l’image de soi, la féminité, l’intimité et la confiance. Face à cette épreuve, le chemin de la réappropriation corporelle est unique. Voici les témoignages de Manon, Fabienne et Florence, qui racontent comment elles ont apprivoisé leur nouveau corps et redéfini leur identité.
Le choc psychologique et le besoin de se sentir entière

Vivre avec un sein absent n’est pas simple, et il n’existe pas de «bonne» manière d’accepter cette transformation. Sophie Lantheaume, psycho-oncologue, insiste sur l’ampleur du traumatisme : «C’est aussi l’image de soi, la féminité, la maternité parfois, l’intimité et la confiance qui sont touchées».
Si environ 30% des patientes optent pour la reconstruction chirurgicale classique, beaucoup d’autres se tournent vers des solutions alternatives. Ces chemins, souvent basés sur un travail de résilience profond, peuvent passer par des rituels créatifs ou un accompagnement thérapeutique pour retrouver l’harmonie intérieure.
Fabienne, 52 ans: quand l’art efface la balafre
Pendant deux ans, le matin était une épreuve pour Fabienne. Voir les «deux balafres» dans la glace était insoutenable. Elle a trouvé son salut dans le tatouage artistique, transformant la cicatrice en œuvre d’art. «Avec le tatouage, c’est l’inverse ! Maintenant, quand je me douche, je vois quelque chose de beau : des fleurs entrelacées ! Ça a tout simplement changé ma vie», confie cette habitante de Bergerac.
Le changement a été radical : la honte s’est muée en fierté. Elle ne se cache plus lors de ses cours de danse et l’intimité avec son compagnon, qui avait du mal à toucher ses cicatrices, est devenue plus fluide. Pour elle, le travail réalisé par des artistes spécialisées comme Pia (Soeurs d’Encre) est une véritable «réparation» psychique. Elle prend soin de ce tatouage «comme de vraies fleurs».
Le tatouage, vecteur de réappropriation et de sensualité
L’impact du tatouage sur le processus de guérison est souvent sous-estimé. Sophie Lantheaume souligne à quel point l’esthétique et le symbolique se rencontrent ici. La cicatrice est une marque imposée, souvent vécue comme une douleur ou une honte. L’acte de se faire tatouer, lui, est un choix.
«En transformant cette marque imposée en œuvre choisie, [le tatouage] redonne un sentiment de maîtrise et ouvre à une véritable renaissance», explique la psycho-oncologue. Ce support artistique facilite le regard de l’autre et réinscrit la vie, la beauté et potentiellement la sensualité là où la perte s’était manifestée.
Manon, 36 ans : prévenir pour vaincre l’angoisse génétique
Le parcours de Manon est celui d’un choix préventif face à l’épée de Damoclès génétique. Porteuse du gène PALB2, le même qui a touché sa mère, l’anxiété était quotidienne. Plutôt que d’opter pour un suivi annuel d’IRM et de mammographies, elle a choisi la double mastectomie prophylactique. Un choix guidé par le besoin de sécurité, surtout avec deux jeunes enfants.
«Plus de risque de cancer du sein ! Ça m’enlève un poids», affirme la jeune femme. Son intervention, réalisée sous endoscopie à Bordeaux, illustre les progrès chirurgicaux majeurs : le chirurgien est passé sous le bras pour enlever la glande et poser les prothèses, laissant aucune cicatrice visible. La technique a permis de préserver l’image corporelle, transformant un geste lourd en une source de sérénité retrouvée.
Florence, 47 ans : redéfinir la féminité au-delà de la forme
La bataille de Florence, une Lilloise de 47 ans, fut d’abord identitaire. Ayant mis du temps à accepter sa féminité, la perte d’un sein l’a plongée dans un gouffre : «J’étais perdue, je ne savais plus qui j’étais…».
Elle a repris le travail thérapeutique pour briser le lien entre sa valeur personnelle et ses attributs physiques. Sa conclusion est libératrice : «Ma féminité ne se résume pas à mes seins». Son chemin a consisté à s’autoriser la douceur, à être plus «maternante» envers elle-même, attentive à ses propres besoins. La mastectomie a rappelé à Florence que la féminité est une construction intime et mouvante, qui se nourrit de l’attention que l’on se porte et de la qualité des liens.
Le courage d’habiter son corps autrement

Ces expériences démontrent qu’il existe autant de manières de traverser l’épreuve de la mastectomie qu’il y a de femmes concernées. Qu’elle passe par le tatouage, l’anticipation chirurgicale ou l’introspection profonde, la clé reste la même : trouver sa propre façon de continuer à habiter son corps et à se sentir pleinement femme.
L’accompagnement psychologique, le soutien des proches, et la possibilité d’exprimer ses émotions (par l’art ou la parole) sont des ressources précieuses. La mastectomie, loin d’être un effacement, révèle, à travers chaque parcours, des formes singulières de créativité et de courage. (Source : HAS, 2023)
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