Vivre plus longtemps ne signifie pas vieillir moins vite, alertent les chercheurs
Auteur: Mathieu Gagnon
La grande illusion de la jeunesse éternelle ?
On entend partout parler de ralentir le vieillissement, de rajeunir, de remonter le temps. C’est une idée qui fait rêver, n’est-ce pas ? On s’imagine vivre plus longtemps, en pleine forme, avec une apparence plus jeune. La victoire, quoi. Mais voilà, et si tout ça n’était qu’une façade ?
Une nouvelle étude scientifique vient jeter un pavé dans la mare. Elle suggère que beaucoup d’outils que l’on utilise pour crier victoire contre le vieillissement ne mesurent pas vraiment le vieillissement lui-même. Non, ils mesureraient plutôt des changements liés à des maladies ou des symptômes. C’est une nuance de taille. Les chercheurs nous invitent à regarder de plus près ce qui se cache derrière ces belles promesses.
La question qui dérange : de quoi parle-t-on vraiment ?
Cette analyse vient de deux spécialistes de la biologie du vieillissement, le Dr Dan Ehninger et le Dr Maryam Keshavarz. Ils ont passé au crible des tas d’études sur les animaux et les humains. Leur question est simple mais percutante : quand on dit qu’un traitement « ralentit le vieillissement », qu’est-ce que ça veut dire, au fond ?
Selon eux, on confond souvent deux choses bien distinctes. D’un côté, il y a le fait de ralentir le rythme auquel notre corps vieillit avec le temps. De l’autre, il y a le fait de simplement modifier l’état général de notre corps, d’une manière qui n’a pas forcément de rapport avec l’âge. Pensez-y : ce n’est pas du tout la même chose.
Vivre plus longtemps, oui, mais vieillir moins vite… pas si sûr
Regardons les faits. Chez l’homme, les maladies cardiovasculaires sont responsables de 35 à 70 % des décès chez les personnes âgées. Même les centenaires qui semblent en parfaite santé finissent par mourir de maladies bien identifiées, pas de « vieillesse » pure. Une étude sur des personnes de 97 à 106 ans a montré que les problèmes vasculaires restaient la cause principale de décès. Cela prouve bien que même une vie très longue se termine à cause de pathologies précises.
L’espérance de vie humaine a bondi ces deux derniers siècles. Autrefois, on mourait de la peste, de la variole, de la tuberculose. Grâce aux vaccins, aux antibiotiques et à l’hygiène, on a repoussé ces menaces. Mais les chercheurs soulignent que ce progrès a surtout changé de quoi on meurt et quand on meurt. Ça ne veut pas dire que notre biologie a commencé à vieillir plus lentement. En gros, si on élimine une cause majeure de décès, on vit plus longtemps, c’est logique. Mais les processus profonds du vieillissement, eux, peuvent continuer leur bonhomme de chemin au même rythme.
Ce qui est vrai pour la souris ne l’est pas forcément pour l’homme
Le tableau est d’ailleurs très différent selon les espèces. Chez les souris de laboratoire, c’est le cancer qui est la cause principale de mortalité liée à l’âge (entre 84 et 89 % des cas). Chez les chiens, près de la moitié des plus âgés meurent aussi d’un cancer. Chez les singes en captivité, comme le macaque rhésus, ce sont les maladies cardiovasculaires qui dominent, comme chez nous. Pour les insectes et les vers, c’est encore autre chose : problèmes intestinaux, infections…
Cette diversité montre bien une chose : les interventions qui prolongent la vie en ciblant une maladie spécifique ne ralentissent pas forcément le processus global du vieillissement. Elles s’attaquent juste au maillon faible, au « goulot d’étranglement » qui limite la survie d’une espèce donnée.
Les horloges du vieillissement : un outil à prendre avec des pincettes

Vous avez peut-être entendu parler des « horloges épigénétiques ». Ce sont des tests basés sur notre ADN qui sont censés estimer notre « âge biologique ». C’est devenu très à la mode pour tester des stratégies de rajeunissement. Le problème, avertissent les chercheurs, c’est que ces horloges sont surtout basées sur des corrélations. Elles identifient des marqueurs qui changent avec l’âge, mais ça ne prouve pas que ces marqueurs sont la cause du vieillissement. Ce sont peut-être juste des conséquences, des signaux secondaires.
Il en va de même pour les « indices de fragilité » utilisés chez les animaux. On note la qualité du pelage, la courbure du dos, la présence de tumeurs… Mais si un traitement réduit juste les tumeurs, le score global de fragilité va baisser, donnant l’impression d’une action anti-âge générale. Alors qu’en réalité, l’effet est très ciblé et ne dit rien sur le reste de l’organisme.
Même les fameux « piliers du vieillissement » sont remis en question

La recherche sur le vieillissement s’appuie beaucoup sur un cadre théorique appelé les « piliers du vieillissement ». Il s’agit d’une liste de processus clés comme l’instabilité génomique, l’usure des télomères ou la sénescence cellulaire. L’idée est que si on cible ces piliers, on devrait pouvoir agir sur le vieillissement lui-même.
Mais en retournant aux études originales, les chercheurs ont découvert quelque chose de troublant. Pour la plupart des piliers, les expériences ont été menées sur des animaux âgés, mais sans groupe de contrôle d’animaux jeunes recevant le même traitement. Et quand il y avait un groupe jeune, dans 72,4 % des cas, le traitement avait aussi un effet sur eux ! Autrement dit, ces interventions semblent avoir des effets physiologiques généraux, plutôt que d’être de véritables mécanismes anti-âge qui n’agiraient que sur le déclin lié à l’âge. C’est une critique assez fondamentale.
Un appel à l’humilité et à la prudence

Alors, que retenir de tout ça ? Surtout que le vieillissement est un phénomène incroyablement complexe, et peut-être bien plus qu’on ne l’imaginait. Nos tissus ne vieillissent pas tous à la même vitesse, et les espèces meurent de causes très différentes. Il n’y a probablement pas de programme de vieillissement universel unique.
Cette étude est un rappel salutaire à la prudence. Elle ne dit pas que la recherche n’avance pas, loin de là. Mais elle nous met en garde contre les conclusions hâtives et les titres accrocheurs. Une durée de vie plus longue est une bonne nouvelle, c’est certain. Mais cela ne signifie pas automatiquement que nous avons trouvé le secret pour ralentir la course du temps dans nos cellules. Le chemin est encore long, et il demande de la nuance et beaucoup d’honnêteté intellectuelle.
Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.