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Des réseaux de neurones humains transformés en puces de calcul : l’ordinateur biologique est-il déjà là ?
Crédit: lanature.ca (image IA)

Quand le laboratoire crée des machines vivantes

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L’idée de transformer des tissus biologiques en outils informatiques relevait, il y a peu, de la science-fiction. Pourtant, elle prend aujourd’hui une forme bien concrète dans les laboratoires du monde entier. Des chercheurs sont parvenus à faire croître des réseaux de cellules cérébrales humaines, non pas pour la transplantation, mais pour en faire de véritables outils de calcul. Ce phénomène inédit est en train de bousculer les frontières entre intelligence artificielle et biologie, suscitant une fascination égale à l’inquiétude.

Ces systèmes hybrides, souvent appelés ordinateurs biologiques, utilisent des organoïdes cérébraux. Il s’agit de micro-structures vivantes, cultivées à partir de cellules souches, qui sont désormais capables de montrer des comportements adaptatifs face à des signaux électriques. Nous entrons dans une nouvelle ère de la computation.

Un mini-cerveau déposé sur un circuit d’électrodes

Dans les centres de recherche, de Melbourne à San Diego, la technique s’affine : les scientifiques font s’auto-organiser des neurones humains pour former des assemblages tridimensionnels. Ces micro-organes miment, certes partiellement, certaines propriétés fondamentales de notre cerveau. Le cœur de l’innovation réside dans leur interface : ces structures sont déposées sur de fines grilles d’électrodes.

Ce dispositif permet aux chercheurs de communiquer avec le tissu vivant. Ils envoient des impulsions pour le stimuler, et observent les réponses électriques. Les cellules peuvent alors recevoir des signaux, y répondre, et surtout, elles peuvent apprendre. En d’autres termes, elles font preuve d’une plasticité qui rappelle furieusement celle du cerveau humain.

Le test du jeu Pong comme preuve d’apprentissage

La preuve de concept la plus spectaculaire a eu lieu en 2022. Une équipe de Cortical Labs est parvenue à entraîner ces neurones à jouer au célèbre jeu Pong, un classique minimaliste des années 1970. L’expérience a démontré que ces réseaux cellulaires étaient capables d’adopter des règles d’apprentissage élémentaires.

Comment ? C’est un système de récompense et de punition qui a été mis en place. Quand les organoïdes réussissaient à renvoyer la raquette virtuelle, ils recevaient un signal électrique régulier et prévisible. En cas d’échec, le système leur envoyait un « bruit » chaotique. En adoptant les actions qui déclenchaient les stimulations stables, les cellules ont appris à privilégier le bon comportement. Ces travaux ont marqué un véritable tournant dans l’exploration de l’interface entre le biologique et le numérique.

L’attrait de la sobriété énergétique et l’essor commercial

Si l’exploit de Pong peut sembler anecdotique, il témoigne d’un potentiel technique vertigineux. L’architecture des neurones permet un traitement parallèle de l’information et, surtout, une consommation d’énergie incroyablement basse. Là où un supercalculateur classique peut exiger plusieurs mégawatts, notre cerveau gère des calculs complexes avec moins de 20 watts. L’objectif est simple : concevoir des machines ultra-efficaces en s’inspirant directement du vivant.

Ce marché naissant attire déjà les entreprises. La société suisse FinalSpark, par exemple, a commencé à commercialiser l’accès à ses organoïdes via une plateforme en ligne. Des laboratoires et des sociétés privées déboursent jusqu’à 5 000 dollars par mois pour exploiter ces capacités. Certains projets visent même à utiliser ces organes semi-vivants pour des tâches inattendues, comme la modélisation de trajectoires complexes, illustrant la diversité des applications envisagées.

Le long chemin vers une intelligence cohérente

credit : lanature.ca (image IA)
Cependant, il faut tempérer cet enthousiasme par la réalité du laboratoire. Les limites techniques restent nombreuses. Les résultats obtenus sont encore notoirement instables et difficiles à reproduire d’un organoïde à l’autre. Surtout, ils demeurent très éloignés de nos capacités cognitives humaines.

Comme l’a souligné une étude récente publiée dans Nature Reviews Bioengineering, l’activité électrique de ces systèmes est pour l’heure très rudimentaire. Les signaux émis s’apparentent davantage à des réflexes nerveux qu’à une pensée cohérente ou une conscience embryonnaire. Si l’ambition de les utiliser comme substituts informatiques crédibles est réelle, elle reste, pour l’instant, largement dans le domaine spéculatif.

Intelligence organoïde : le dilemme éthique

credit : lanature.ca (image IA)
Ce qui fascine et dérange dans cette recherche, ce n’est pas uniquement sa performance technique. C’est la remise en question fondamentale qu’elle implique. En forçant des cellules humaines à exécuter des calculs, nous brouillons la frontière entre l’organique et l’artificiel, entre le vivant programmé et le non-vivant.

Le simple fait d’utiliser des expressions comme « intelligence organoïde » ou « sentience embarquée » a déclenché des débats houleux dans la communauté scientifique. Faut-il craindre une surestimation médiatique de leurs capacités, qui pourrait mener à des fantasmes contre-productifs ? Ou, à l’inverse, une réglementation trop hâtive qui entraverait des travaux essentiels pour la recherche biomédicale ? Ces deux craintes sont légitimes, comme le relève notamment la revue Nature.

Penser les règles d’un jeu nouveau

Une question morale persiste derrière l’effervescence scientifique : à quel moment un assemblage de cellules cultivées en laboratoire mérite-t-il une forme de considération éthique ? Si ces réseaux montrent des signes d’apprentissage autonome et d’adaptation, comment devrions-nous les traiter ?

La perspective d’ordinateurs qui traitent l’information sans circuits imprimés, mais avec du tissu vivant, n’est plus un mythe lointain. Cette convergence force à repenser nos cadres moraux et légaux. Il est urgent d’établir, dès aujourd’hui, les règles d’un jeu scientifique qui promet de dépasser les codes habituels de l’informatique.

Selon la source : science-et-vie.com

Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.

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