La saison des neiges et des dégâts : quand les chenillettes brisent vélos et clôtures à montréal
Auteur: Adam David
Le coût caché du déneigement

L’hiver montréalais est une mécanique bien huilée, mais dont le passage laisse chaque année un sillage de destruction souvent ignoré. Ce ne sont pas seulement les clôtures arrachées ou les plates-bandes éventrées qui font les frais du déneigement des trottoirs : les chenillettes, ces engins indispensables, ont une fâcheuse tendance à s’en prendre aux biens des citoyens, notamment leurs vélos.
D’un coin à l’autre de la métropole, les dommages collatéraux se multiplient. Une facture salée pour la municipalité qui dépasse allègrement les 100 000 dollars par an pour la seule indemnisation, sans compter le temps et la frustration des résidents.
La « crise » du vélo écrasé

Le 29 novembre dernier, la surprise fut amère pour Philippe Paquette. En sortant de son domicile, dans le Plateau-Mont-Royal, il a découvert son vélo, celui de sa conjointe et celui de sa voisine « complètement brisés ». Pourtant, les trois bicyclettes étaient soigneusement alignées devant la clôture.
« C’était incompréhensible pour moi. Comment peut-on accidentellement écraser trois vélos d’affilée sur 15 mètres sans s’arrêter ? », s’interroge-t-il, certain que l’incident est l’œuvre d’une chenillette fraîchement passée. Il faut dire que le deux-roues est une cible de choix, même quand il est attaché aux supports municipaux. Marion Nuss, par exemple, a reçu une indemnisation de 300 $ de la Ville en 2024, mais cinq mois se sont écoulés avant de régler l’affaire.
Manque d’espace ou excès de vitesse ?

Du côté des opérateurs, on admet que les vélos posent un défi majeur. « Les vélos, c’est un gros problème », reconnaît Claude Péloquin, président de l’entreprise Pépinière Michel Tanguay inc., qui déneige plusieurs secteurs. Il pointe du doigt le manque d’espace : lorsque la machine occupe 60 pouces de largeur sur des trottoirs étroits, l’accrochage devient quasi inévitable.
« On ne veut pas briser les vélos, ce n’est pas du tout notre intention. En plus, ça brise nos machines », se défend-il. Pour lui, la responsabilité revient en partie aux propriétaires : « À un moment donné, si on tient à son vélo, il faut le mettre en sécurité ».
Quand le slalom se termine mal pour la propriété

Mais les bicyclettes ne sont pas les seules victimes. L’hiver dernier, à Villeray, Victor Poudelet a vu le passage d’une chenillette « faire trembler tout le bloc » vers 3 h 30 du matin. Le lendemain, la barrière en fer forgé devant son immeuble était « complètement défoncée ». Il soupçonne un « slalom qui s’est mal terminé », après que le conducteur ait heurté un bac à fleurs.
Même refrain chez Nathalie Savard, qui doit chaque printemps réparer son terrain avant, arraché sur près d’un mètre par les débordements des engins. « Je suis sortie promener mon chien et je me suis dit : voyons donc, c’est ben dégueulasse ! », raconte-t-elle, lassée de devoir remettre de la terre et des semences de gazon tous les ans.
Un processus d’indemnisation épuisant

Faire valoir ses droits face à ces dégâts relève souvent du parcours du combattant. En 2024, la Ville a enregistré plus de 1000 plaintes pour des dommages matériels. Pourtant, seuls 109 dossiers ont finalement donné lieu à une indemnisation de la part de la Ville. L’étape de la réclamation est longue et laborieuse, que la demande soit transmise à l’entrepreneur ou traitée par la municipalité.
Fiona Gandar, dont le cadre de vélo a été plié l’an dernier, attend toujours d’être remboursée. Elle déplore le manque de suivi et le silence de l’entreprise concernée. « J’aurais pu déposer une plainte aux petites créances, mais je n’en ai franchement pas eu le courage. » C’est pourtant la voie qu’a choisie Francis Plante, qui, après cinq années de démarches, a gagné sa cause contre un déneigeur en 2023.
Au-delà de la tôle, le risque corporel
Pour Francis Plante, le problème va bien au-delà des dommages matériels. En décembre 2018, par une nuit de pluie verglaçante, un chauffeur de chenillette « qui semblait plus ou moins l’avoir vu » a foncé vers lui. M. Plante a glissé et est tombé en tentant de s’écarter, se fracturant le péroné et le tibia, nécessitant opération et arrêt de travail. La chenillette ne s’est jamais arrêtée.
L’homme a dû poursuivre en justice. Condamné à lui verser près de 5000 $ en dédommagement, le sous-traitant a finalement été forcé de répondre de sa négligence. M. Plante insiste sur l’importance de ces démarches judiciaires : c’est le « seul langage que comprennent certains sous-traitants… et parfois même la Ville ! », pour les forcer à corriger des fautes graves.
Entre formation et urbanisme : la responsabilité partagée

Pour Mario Trudeau, président de l’Association des entrepreneurs de déneigement du Québec (AEDQ), ces incidents sont inévitables. Par forte chute de neige, les déneigeurs peinent à identifier le mobilier urbain comme les lampadaires. « C’est normal que ça arrive, après un faux mouvement, une lame s’accroche dans un trottoir et change la trajectoire », argumente-t-il, comparant cela aux accidents d’auto.
Il pointe du doigt la Ville, qui devrait mieux prendre en compte le déneigement lors de l’installation des saillies, bancs et arbres. Cependant, M. Trudeau rappelle aussi que les chauffeurs ont une part de responsabilité. L’équipement peut donner une sensation de puissance — « Dans une chenillette, on se sent comme dans un go-kart. Ça donne envie de zigzaguer. » L’entrepreneur doit donc s’assurer d’offrir une formation rigoureuse pour éviter les risques inutiles.
quinze jours pour agir

La tension est palpable chaque hiver entre la nécessité de dégager rapidement les trottoirs et l’impératif de préserver les biens. Pour les citoyens qui se retrouvent lésés, il est essentiel de connaître la procédure : il faut présenter un avis de réclamation à la Ville dans les 15 jours suivant l’évènement. Si le secteur était géré par un sous-traitant, le dossier lui sera transféré, lançant alors le long processus de demande d’indemnisation.
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