Cette différence cachée entre dinosaures et mammifères change notre compréhension du passé
Auteur: Mathieu Gagnon
Une solitude précoce au temps du Mésozoïque

Imaginez un instant la scène. Vous observez un jeune Brachiosaure, pas plus gros qu’un golden retriever, en train de chercher sa nourriture tout en jetant des regards inquiets autour de lui, guettant le moindre prédateur. C’est touchant, non ? Mais regardez plus loin. Ses parents, des colosses de plus de 12 mètres de haut, vaquent à leurs occupations, totalement indifférents au sort de leur progéniture vulnérable. Cette image, un peu cruelle pour nos cœurs de mammifères, est au centre d’une nouvelle étude fascinante.
Pendant des décennies, Thomas R. Holtz Jr., maître de conférences au département de géologie de l’Université du Maryland, a scruté les écosystèmes préhistoriques. Et il a mis le doigt sur quelque chose que nous avions tendance à ignorer. Selon ses recherches récentes, publiées le 6 novembre 2025 dans l’Italian Journal of Geosciences, les dinosaures vivaient dans des mondes très différents des nôtres, non pas juste à cause de leur taille, mais à cause de la façon dont ils élevaient — ou n’élevaient pas — leurs petits.
On a souvent tendance à projeter nos propres comportements sur ces géants disparus. Holtz nous met en garde : « Beaucoup de gens pensent aux dinosaures comme à des équivalents mammifères de l’ère mésozoïque ». C’est une erreur. Il y a une différence critique, un fossé même, dans les stratégies de reproduction et de parentalité qui change tout à la diversité écologique de l’époque.
Parents hélicoptères contre enfants livrés à eux-mêmes

Chez nous, les mammifères, c’est tout l’inverse. Holtz utilise une expression amusante mais très juste : nous sommes des « parents hélicoptères ». Pensez-y. Une maman tigre chasse pour ses petits qui font presque sa taille. Les éléphanteaux, qui sont pourtant déjà des géants à la naissance sur les plaines du Serengeti, collent aux basques de leur mère pendant des années. Et nous, les humains ? On s’occupe de nos bébés jusqu’à l’âge adulte (et parfois même un peu après, avouons-le).
Cette dépendance prolongée signifie que les enfants mammifères occupent le même rôle écologique que leurs parents. Ils mangent la même chose, vivent au même endroit. Mais pour les dinosaures ? C’est une tout autre histoire. C’étaient ce qu’on pourrait appeler des « enfants à la clé », ces gamins qui rentrent seuls de l’école et se débrouillent. Holtz explique que même s’il y avait un peu de soin parental au début, les jeunes dinosaures devenaient indépendants très vite. Quelques mois, peut-être un an, et hop, dehors !
Les preuves fossiles sont là, et elles ne mentent pas. On a retrouvé des squelettes de jeunes regroupés en « pods », sans aucune trace d’adultes à proximité. Ces bandes de jeunes voyageaient ensemble, chassaient leur propre nourriture et se défendaient seuls. C’est un peu Sa Majesté des mouches version jurassique. Holtz compare cela aux crocodiliens actuels, nos meilleures références vivantes. J’ai d’ailleurs vu une photo de lui tenant un bébé crocodile ; ces animaux protègent le nid un moment, mais très vite, les petits se dispersent. Ils mettent des années à atteindre la taille adulte, vivant leur propre vie loin des jupes de leur mère.
Cette stratégie de « parentage en plein air » était logique pour eux. Les dinosaures pondaient des œufs, beaucoup d’œufs. De grandes couvées, fréquentes. Contrairement aux mammifères qui investissent énormément d’énergie dans peu de descendants, les dinosaures pariaient sur le nombre pour assurer la survie de la lignée sans s’épuiser à materner.
Une diversité cachée : la théorie des « espèces fonctionnelles »

C’est ici que l’étude devient vraiment intéressante pour comprendre leur monde. Cette séparation précoce a eu des conséquences écologiques profondes. Holtz insiste sur ce point : un bébé et un adulte sont biologiquement la même espèce, oui, mais écologiquement ? Pas du tout. Ils sont ce qu’il appelle des « espèces fonctionnelles » différentes. Prenez ce jeune Brachiosaure de la taille d’un mouton dont on parlait. Il ne peut pas brouter la cime des arbres à 10 mètres de haut comme ses parents. Il doit manger autre chose, ailleurs.
Il fait face à des prédateurs qui n’oseraient jamais s’attaquer à un adulte de 40 tonnes. Au fil de sa croissance — passant de la taille d’un chien à celle d’un cheval, puis d’une girafe, pour finir en titan — son rôle dans la nature change continuellement. C’est fascinant quand on y pense. Si on recalcule la diversité de l’époque en comptant ces jeunes comme des entités fonctionnelles distinctes, on réalise que les communautés de dinosaures étaient en moyenne plus riches en « espèces actives » que nos communautés de mammifères actuelles.
Mais comment la Terre pouvait-elle nourrir tout ce monde ? Holtz avance deux pistes plausibles. D’abord, le climat du Mésozoïque : plus chaud, plus de dioxyde de carbone. Les plantes poussaient probablement à une vitesse folle, fournissant une énergie abondante. Holtz suggère même que notre monde actuel pourrait être « affamé » en productivité végétale comparé au leur. Ensuite, il est possible que les dinosaures aient eu un métabolisme moins gourmand que les mammifères de taille équivalente, nécessitant moins de carburant pour fonctionner.
Conclusion : Revoir nos certitudes

Au final, cette étude, référencée sous le DOI 10.3301/IJG.2026.09, ne dit pas forcément que leur monde était « meilleur » ou radicalement plus complexe, mais que la diversité s’y exprimait d’une manière que nous avons du mal à percevoir avec nos lunettes d’humains du XXIe siècle. Holtz prévoit de continuer à creuser cette notion de diversité fonctionnelle à travers les différents âges des dinosaures.
Comme il le dit si bien en conclusion : « Nous ne devrions pas penser que les dinosaures sont juste des mammifères déguisés avec des écailles et des plumes ». Ce sont des créatures distinctes, et nous commençons à peine à saisir l’image complète de leur existence. C’est une belle leçon d’humilité, je trouve. Le passé est un pays étranger, et ses habitants avaient des coutumes bien à eux.
Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.