Une guerre chimique plutôt qu’une crise sanitaire

C’est un tournant radical, et franchement, on ne l’avait pas forcément vu venir sous cette forme. Lundi, le président américain Donald Trump a signé un décret exécutif qui change complètement la donne : il a déclaré le fentanyl comme étant une arme de destruction massive. Oui, vous avez bien lu. Ce n’est plus simplement une histoire de santé publique ou de lutte contre la toxicomanie, c’est désormais traité avec le même sérieux qu’une guerre chimique.
Cette décision, totalement inédite pour un stupéfiant, donne un coup de fouet à l’autorité du gouvernement américain. L’idée ? Combattre cet opioïde synthétique, responsable de dizaines de milliers de morts par overdose chaque année, avec des moyens colossaux. Trump ne mâche pas ses mots : pour lui, le fentanyl illicite est « plus proche d’une arme chimique que d’un narcotique ». C’est fort. En classant cette drogue ainsi, il intensifie l’assaut contre ce qu’il appelle des gangs déterminés, « hell-bent » comme on dit là-bas, à inonder les États-Unis de drogues.
Concrètement, qu’est-ce que ça change ? Eh bien, ça ouvre la porte au Pentagone pour assister les forces de l’ordre. Mieux encore — ou pire, selon le point de vue —, cela permet aux agences de renseignement d’utiliser contre les trafiquants les mêmes outils que ceux réservés d’habitude à la lutte contre la prolifération des armes. Lors d’un événement à la Maison Blanche honorant les militaires à la frontière mexicaine, Trump a martelé : « Nous classons officiellement le fentanyl comme une arme de destruction massive, ce qu’il est. Ils essaient de droguer notre pays. »
Réactions épidermiques : entre contradictions et abus de pouvoir

Forcément, une telle décision ne fait pas l’unanimité. Loin de là. Du côté des Démocrates, ça grince des dents. Le représentant Jim McGovern, du Massachusetts, n’a pas tardé à critiquer la manœuvre en pointant une ironie assez mordante. Il a rappelé que plus tôt cette année, Trump avait gracié Ross Ulbricht, le fondateur du marché noir Silk Road. Pour rappel, les procureurs avaient allégué que ce site avait servi à vendre pour plus de 200 millions de dollars US de drogues sur une période de deux ans. McGovern a posté sur les réseaux sociaux ce petit rappel cinglant : « Rappel : Trump a gracié le fondateur d’un marché noir qui importait du fentanyl de Chine vers les États-Unis. » Ça fait désordre.
Et il n’est pas le seul à s’insurger. Justin Amash, un ancien membre républicain du Congrès, a exprimé son inquiétude sur X (anciennement Twitter). Pour lui, c’est « juste le dernier exemple en date de l’État qui déforme le sens premier des mots pour étendre son pouvoir ». Il met ça dans le même sac que des termes comme « urgence », « terroriste » ou « défensif », qui sont selon lui « étirés jusqu’à une portée quasi illimitée pour justifier presque n’importe quel excès de l’exécutif ». On sent bien la méfiance face à ce qu’il considère comme une dérive sémantique dangereuse.
Designating fentanyl as a “weapon of mass destruction” is just the latest example of the state twisting the plain meaning of words to expand its power.
Like “emergency,” “terrorist,” and “defensive”—all stretched to near-limitless scope to justify almost any executive overreach.
— Justin Amash (@justinamash) December 16, 2025
Sur le terrain : frappes militaires, bateaux détruits et questions légales

Mais revenons au terrain, car c’est là que ça devient vraiment violent. La désignation par Trump, plus tôt cette année, des cartels de la drogue comme « organisations terroristes étrangères » avait déjà ouvert la brèche pour une action militaire. Et ils n’y sont pas allés de main morte. Depuis début septembre, l’administration Trump a mené pas moins de 25 frappes connues contre des navires soupçonnés de transporter de la drogue dans les Caraïbes et le Pacifique. Bilan ? 95 morts.
L’armée américaine a d’ailleurs confirmé lundi avoir attaqué trois bateaux accusés de contrebande dans le Pacifique oriental. Le décompte est précis et macabre : trois morts dans le premier navire, deux dans le second et trois dans le troisième. Le hic ? Ils n’ont fourni aucune preuve du trafic de drogue allégué. Ils ont juste posté une vidéo d’un bateau avançant sur l’eau avant d’exploser. C’est… expéditif, dirons-nous.
Les experts juridiques tirent la sonnette d’alarme : ces frappes pourraient bien être illégales. Il y a peu ou pas de preuves rendues publiques montrant que ces bateaux transportaient effectivement de la drogue, ou qu’il était absolument nécessaire de les faire sauter plutôt que de les intercepter, de saisir la cargaison et d’interroger les occupants. Mais Trump ne semble pas s’embarrasser de ces détails. Il a menacé à plusieurs reprises de mener des frappes terrestres au Venezuela, en Colombie et au Mexique. Dans un document stratégique publié la semaine dernière, il a affirmé que la politique étrangère de son administration se concentrerait sur la réaffirmation de la domination américaine dans l’hémisphère occidental. Les Démocrates, et même certains Républicains, tentent de freiner cette ardeur guerrière, arguant que la Maison Blanche a besoin de l’autorisation du Congrès pour ces frappes.
Les chiffres et la géopolitique du fentanyl : qui produit quoi ?
Il faut dire que la situation est dramatique. Les overdoses d’opioïdes tuent au moins 68 000 Américains chaque année depuis 2020. C’est une hécatombe silencieuse. Le Mexique reste la plus grande source de fentanyl illicite à destination des États-Unis, mais c’est une chaîne complexe. Beaucoup des produits chimiques utilisés pour fabriquer la drogue proviennent de Chine. C’est un point crucial.
Quant au Venezuela ? Les avis divergent. Selon les experts politiques d’Insight Crime et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, le pays produit un peu de cocaïne, certes, mais il est surtout connu comme un point de transit pour la cocaïne produite en Colombie, au Pérou et en Bolivie. Ce n’est pas forcément le cœur du problème du fentanyl.
D’ailleurs, Jake Auchincloss, un membre du Congrès démocrate, a tenu à remettre les pendules à l’heure le mois dernier sur la chaîne MS Now. Il sait de quoi il parle, ayant servi dans des missions d’interdiction de drogue en Amérique centrale avec l’armée américaine et siégé au comité spécial sur la Chine. « Je peux dire avec assurance que 99 % des précurseurs de fentanyl proviennent de Chine, et non du Venezuela », a-t-il déclaré. Une précision qui montre bien que cibler le Venezuela pourrait être un coup d’épée dans l’eau si l’objectif est vraiment le fentanyl.
Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.