Humain et IA : Quand nos pensées convergent, notre perception change radicalement
Auteur: Mathieu Gagnon
L’étincelle du « Corridor Cognitif »

Vous connaissez sans doute ce moment frustrant où l’on tourne en rond sur un problème complexe. Parfois, il suffit d’un simple échange, d’un autre cerveau pour faire rebondir nos idées, et hop, tout se débloque en quelques minutes. Mais voilà… que faire quand on est seul, sans personne pour ce brainstorming salutaire ? C’est là que la frontière devient floue.
John Nosta, un futuriste reconnu et fondateur du think tank de technologies de la santé NostaLabs, s’est penché sur la question. Selon lui, même si la pensée humaine et celle de l’IA ne fusionneront jamais en une harmonie parfaite, leurs chemins se croisent de plus en plus souvent. Dans un article publié dans Psychology Today en novembre dernier, Nosta a théorisé ce qu’il appelle le « Corridor Cognitif ». C’est un terme un peu technique pour décrire quelque chose que vous avez peut-être déjà ressenti : cette brève étincelle, ce moment d’épiphanie soudain où un chatbot creuse plus loin que votre question initiale et, je cite, « allume une idée que vous ne réalisiez même pas être en train d’explorer ».
Pour bien comprendre, imaginez-vous au volant d’une voiture en pleine nuit. C’est l’analogie préférée de Nosta. Assis à la place du conducteur, vous ne voyez que ce que vos phares éclairent faiblement juste devant vous ; c’est votre connaissance actuelle, limitée. Soudain, un autre faisceau lumineux traverse la route. Pendant une fraction de seconde, vous apercevez un détail sur le bas-côté — les volets d’une maison, un journal dans une allée — qui était hors de portée l’instant d’avant. Cette illumination brève, c’est exactement ce qui se produit lorsqu’une réponse d’IA élargit votre requête, mettant en lumière une perspective que vous n’auriez jamais remarquée seul.
L’illusion de la maîtrise : De la baleine bleue au piège de la facilité

Pour illustrer ce phénomène, prenons un exemple concret tiré de l’expérience d’Emma Frederickson, qui rapportait ces faits le 17 décembre 2025. Elle a posé une question simple à ChatGPT : « Pourquoi les baleines bleues peuvent-elles plonger si profondément ? ». Au début, la réponse était banale, le genre de choses qu’une recherche Google de base vous donnerait — poumons efficaces, rythme cardiaque ralenti, tout ça. Rien de bien impressionnant pour quelqu’un qui n’utilise pas souvent l’IA. Mais c’est la fin du message qui a tout changé.
Le bot a glissé une suggestion inattendue : « Si vous voulez, je peux comparer les baleines bleues avec les cachalots, qui plongent encore plus profondément ». Et voilà, sans prévenir, on tombe dans le terrier du lapin blanc. D’un coup, d’autres questions surgissent, et après quelques échanges, on a presque l’impression d’être devenu un expert en biologie marine. C’est grisant, cette immédiateté. C’est comme si on vous tendait le livre parfait sans avoir à fouiller dans les rayonnages poussiéreux d’une bibliothèque. Cette nouvelle conscience débloquée, c’est ce fameux Corridor Cognitif — un couloir métaphorique que l’on traverse pour aller d’une pensée à l’autre.
Cependant, Nosta tire la sonnette d’alarme. Si le corridor n’est pas dangereux en soi, le risque est de confondre cette perception accrue et momentanée avec une véritable compréhension profonde. L’IA nous évite les étapes rugueuses de la pensée humaine, les erreurs nécessaires. On s’habitue à cette gratification instantanée, à apprendre sans effort, sans friction. Et les chiffres sont là : selon une enquête d’Adobe menée plus tôt cette année auprès de 1 000 personnes aux États-Unis, un répondant sur quatre préfère désormais utiliser ChatGPT plutôt que Google pour ses questions quotidiennes.
Si l’on regarde plus large, OpenAI rapporte que ChatGPT reçoit 2,5 milliards de requêtes par jour. C’est énorme, même si Google Search en traite encore environ 16,4 milliards quotidiennement. Mais attention, Google a eu des décennies pour s’installer, et même ses résultats incluent maintenant des résumés générés par son modèle Gemini. Donc, même en restant sur Google, si vous lisez juste le résumé IA, vous avez probablement déjà un pied dans ce corridor.
Atrophie cognitive : Quand l’outil remplace le cerveau

Le vrai problème, c’est que cette facilité pourrait bien être en train de ruiner notre capacité à apprendre. C’est du sérieux : une étude récente du MIT, publiée sur le site de préimpression arXiv, suggère que s’appuyer sur les Grands Modèles de Langage (LLM) — comme ChatGPT, Gemini ou Claude — pourrait contribuer à une forme d’« atrophie cognitive ».
L’équipe de recherche a surveillé l’activité neuronale de trois groupes de test distincts pendant la rédaction d’essais. Le premier groupe n’utilisait que son cerveau, le deuxième des moteurs de recherche (Google, modifié pour exclure les réponses IA), et le troisième utilisait des LLM. Les résultats sont assez effrayants. Le groupe « cerveau seul » a montré la connectivité cérébrale la plus forte, tandis que le groupe utilisant l’IA montrait la plus faible.
Le pire est arrivé dans la deuxième partie de l’étude, quand les groupes ont dû changer d’outils. Lorsque ceux qui avaient utilisé l’IA ont été forcés d’utiliser uniquement leur cerveau pour un nouvel essai, ils ont encore montré un sous-engagement et une connectivité plus faible. Plus inquiétant encore : le groupe LLM était moins capable de citer avec précision les essais qu’ils venaient pourtant d’écrire quelques minutes plus tôt. Pour les chercheurs, cela indique une probable « baisse des compétences d’apprentissage ». En gros, l’usage fréquent de l’IA pourrait entraver notre capacité à apprendre au lieu de la favoriser.
Conclusion : Un cadeau, pas un habitat

Alors, faut-il tout jeter et bannir l’IA de nos vies ? John Nosta ne va pas jusque-là. Il ne pense pas que nous devrions totalement exclure l’intelligence artificielle de nos parcours d’apprentissage. Ce qu’il suggère, c’est de faire preuve d’intentionnalité. L’idée est d’utiliser l’IA comme un outil occasionnel, et non comme une béquille indispensable à la moindre pensée.
Pour reprendre ses mots exacts, qui résonnent presque comme une philosophie de vie moderne : « Le Corridor est un cadeau et non un habitat. C’est un moment fugace d’illumination partagée que vous emportez avec vous lorsque vous retournez dans votre propre esprit. » Une belle façon de dire qu’il faut savoir éteindre l’écran pour recommencer à penser par soi-même.
Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.