Ce ver vivait incognito dans un laboratoire depuis des décennies : son âge réel a stupéfié les chercheurs
Auteur: Mathieu Gagnon
Un sauvetage inattendu pour un compagnon pas comme les autres

C’est l’histoire d’un biologiste qui, franchement, a un faible pour les invertébrés que la plupart des gens ignoreraient royalement. Jon Allen, qui est aujourd’hui professeur associé au Collège de William & Mary en Virginie, s’occupe d’un ver assez discret dans son laboratoire depuis des lustres. Ce n’est que très récemment qu’il s’est dit qu’il serait temps de vérifier l’âge de cet animal de compagnie improbable. Et croyez-moi, le résultat l’a agréablement surpris, c’est le moins qu’on puisse dire.
Tout a commencé en 2005. À l’époque, Allen terminait son doctorat en biologie à l’Université de Caroline du Nord à Chapel Hill. Il a appris que des rénovations dans le bâtiment allaient laisser plusieurs spécimens d’invertébrés sans domicile fixe. Plutôt que de les voir à la rue — ou pire, jetés à la poubelle comme de vulgaires déchets — Allen a décidé de les prendre sous son aile. Un geste touchant, non ? Parmi ces orphelins adoptés se trouvait un ver rubané (ou némertien) de 90 centimètres, soit environ 3 pieds de long.
Ce ver, qu’on appelle désormais « Baseodiscus the Eldest » ou simplement « B » pour les intimes, avait été collecté dans un plan d’eau à la fin des années 1990. Depuis, il a suivi Allen dans tous ses périples et vit tranquillement dans un réservoir à William & Mary. C’est une vie plutôt douce, je suppose.
Une simple question d’étudiante mène à une découverte record

La vie de « B » est généralement un long fleuve tranquille au laboratoire. Enfin, sauf à l’automne. Chaque année à cette période, Allen le sort de son réservoir pour le faire se dandiner devant ses étudiants lors d’une démonstration. C’est un peu son moment de gloire annuel. Et c’est justement lors d’une de ces sessions qu’une ancienne étudiante, Chloe Goodsell, a posé la question qui tue : quel âge a ce ver, au juste ? Allen savait que la bestiole avait plusieurs décennies au compteur, c’était évident, mais cette curiosité l’a poussé à lancer une enquête bien plus rigoureuse. On ne se contente pas d’à-peu-près en science, après tout.
Il a donc fallu passer aux choses sérieuses. Un tout petit morceau de tissu a été prélevé sur le ver rubané — rien de grave, rassurez-vous — et envoyé illico à l’Institut de Biologie Marine de l’Oregon pour analyse. Les résultats sont tombés, et ils sont assez bluffants. Les tests ont d’abord identifié « B » comme appartenant à une espèce de ver rubané appelée Baseodiscus punnetti. Mais ce n’est pas tout.
L’analyse a confirmé que ce ver spécifique est âgé d’au moins 23 ans, bien qu’il soit probablement plus proche des 30 ans. Imaginez un peu… Cela fait de « B » le plus vieux ver rubané jamais enregistré. C’est une preuve concrète que ce genre peut vivre des vies exceptionnellement longues, bien plus qu’on ne le pensait.
Ce que cela change pour la science (et une pensée pour Ming)
Jon Allen ne s’y trompe pas sur l’importance de cette trouvaille. Comme il l’a déclaré, les vers rubanés constituent un phylum incroyablement diversifié et répandu, et pourtant, on ne sait quasiment rien de leur longévité naturelle. C’est un peu le grand flou. « Cette découverte comble une véritable lacune dans nos connaissances, augmentant leur durée de vie connue d’un ordre de grandeur », a-t-il expliqué. Cela change complètement notre compréhension de tout un groupe majeur de prédateurs marins. Il espère d’ailleurs que les recherches futures pourront s’appuyer là-dessus pour développer des estimations de durée de vie et mieux comprendre leur impact écologique.
Quand on y regarde de plus près, comparés à leurs cousins épineux, beaucoup d’animaux invertébrés sont connus pour vivre des vies incroyablement longues. D’ailleurs, impossible de ne pas mentionner l’un des plus vieux : une praire d’Islande géante (Arctica islandica), découverte au large de l’Islande en 2006. Née aux alentours de l’année 1499, elle avait été surnommée « Ming » par les médias, car elle avait vu le jour sous la dynastie Ming en Chine. Une antiquité vivante !
Malheureusement — et c’est là toute l’ironie tragique de la science parfois — cette ancienne palourde a connu une fin prématurée en 2006, justement entre les mains de scientifiques un peu trop curieux. Oups. Espérons que « B » connaisse un sort plus heureux. Pour ceux qui veulent creuser le sujet, l’étude complète sur notre ami le ver a été publiée dans le Journal of Experimental Zoology.
Conclusion
Au final, cette histoire nous rappelle à quel point la nature peut être surprenante, même là où on ne l’attend pas, comme dans un bocal oublié au fond d’un laboratoire de Virginie. « B » continue tranquillement sa vie de patachon, ignorant probablement qu’il est devenu une petite célébrité scientifique. C’est rassurant, quelque part, de savoir que des créatures aussi modestes peuvent traverser les décennies, témoins silencieux de notre propre agitation.
Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.