Une découverte inattendue qui bouscule nos certitudes
C’est souvent quand on cherche quelque chose de précis qu’on tombe, presque par hasard, sur une découverte qui change la donne. C’est exactement ce qui vient d’arriver à une équipe de chercheurs au Facility for Rare Isotope Beams (FRIB). Pour la toute première fois, ils ont observé une émission de neutrons retardée par bêta provenant du fluor-25. C’est un nucléide instable, plutôt rare, dont on pensait connaître le comportement… enfin, c’est ce qu’on croyait. En utilisant un instrument de pointe, le FRIB Decay Station Initiator (FDSi), l’équipe a mis en lumière des contradictions flagrantes avec des résultats expérimentaux précédents. C’est fascinant, n’est-ce pas ? Cela ouvre une toute nouvelle piste de réflexion sur la manière dont les particules restent liées dans ces isotopes exotiques, surtout quand les conditions deviennent extrêmes.
L’équipe derrière cette prouesse est dirigée par Robert Grzywacz, professeur de physique à l’Université du Tennessee à Knoxville (UTK). Mais la science, c’est avant tout une aventure collective. Il était épaulé par Jack Peltier, un étudiant de premier cycle à l’UTK – c’est formidable de voir des étudiants impliqués à ce niveau –, ainsi que Zhengyu Xu, chercheur postdoctoral à l’UTK. Du côté du FRIB, on retrouve Sean Liddick, professeur de chimie et président par intérim du département de chimie de l’Université d’État du Michigan (MSU), et la scientifique Rebeka Lubna. Ils ont publié leurs résultats, qui feront date, dans la revue Physics Letters B. Robert Grzywacz a d’ailleurs commenté cette étrange divergence avec les études passées : « Les différents résultats sur la durée de vie de la désintégration que nous avons obtenus pour le fluor-25 étaient similaires à ceux mesurés précédemment pour l’oxygène-24. Et bien que nous ne soyons pas entièrement certains de la raison pour laquelle nous avons trouvé cette différence… nous avons effectué de nombreuses vérifications et sommes confiants dans nos conclusions. » Une belle preuve d’humilité scientifique face à l’inconnu.
La magie des nombres et l’île d’inversion

Pour comprendre pourquoi cette découverte est si importante, il faut faire un petit détour par la théorie. Imaginez les électrons d’un atome comme des passagers qui doivent s’asseoir sur des sièges bien précis, formant des « coquilles » autour du noyau. Le nombre de places est limité, et quand une coquille est pleine, l’atome est stable, tranquille. Eh bien, il se passe un peu la même chose à l’intérieur du noyau, avec les protons et les neutrons. Eux aussi ont leurs propres coquilles. Au fil du temps, les chercheurs ont remarqué que certains nombres spécifiques de protons ou de neutrons – qu’ils ont baptisés « nombres magiques » – renforcent la stabilité du noyau. C’est un peu comme si le noyau se verrouillait. Parfois, on a même des noyaux « doublement magiques », où les protons et les neutrons ont tous deux rempli leurs coquilles respectives. C’est le Graal de la stabilité.
Cependant, la théorie a ses limites, surtout quand on s’aventure dans les zones inexplorées de la carte atomique. Dans les années 1970, des physiciens étudiant des isotopes exotiques de lithium et de sodium ont découvert ce qu’ils ont appelé une « île d’inversion ». Dans cette zone étrange, certains nucléides, qui auraient dû être chaotiques et éphémères, montraient une stabilité remarquable, défiant un peu la logique de leurs voisins. Depuis, on utilise ces exceptions pour mieux comprendre la règle. Mais voilà, ces dernières années, les chercheurs ont commencé à voir des signes que ces fameux nombres magiques ne sont peut-être pas aussi immuables qu’on le pensait. Récemment, Grzywacz et ses collègues avaient déjà repéré une anomalie avec l’oxygène-24. On s’attendait à ce qu’il soit instable, au bord de cette île d’inversion, et pourtant… surprise ! Il se comportait comme un noyau doublement magique lors d’études au National Superconducting Cyclotron Laboratory, le prédécesseur du FRIB.
Une expérience qui contredit le passé : le cas du Fluor-25

C’est en poursuivant ces recherches au FRIB que l’équipe est tombée, un peu incidemment, sur le cas du fluor-25. Sean Liddick l’explique très bien : « Lorsque nous menons des expériences au FRIB, nous générons généralement de nombreux isotopes en même temps… Dans ce cas, non seulement nous pouvions regarder l’oxygène-24, mais aussi observer la désintégration d’autres isotopes. » C’est souvent ça, la recherche : on lance un filet et on regarde tout ce qu’on ramène. En utilisant le fameux détecteur FDSi, ils ont étudié la désintégration bêta du fluor-25, un isotope qui possède 16 neutrons. Ils ont observé sa « fille », le néon-25, éjecter un neutron. C’est la première fois que cela est observé expérimentalement de cette manière.
Ce qui est troublant, et excitant à la fois, c’est que cette expérience contredit directement des expériences de réaction menées en 2020. Non seulement cela remet en cause ce qu’on pensait savoir, mais cela renforce aussi la probabilité que le chiffre 16 puisse servir de nouveau « nombre magique » robuste pour les neutrons dans les isotopes proches de l’oxygène-24. Zhengyu Xu résume bien la situation : « Ce travail montre qu’il y a peut-être plus à découvrir ici que ce que nous pensions à l’origine. » En publiant ces résultats, leur but était clair : alerter la communauté scientifique. Il se passe des choses dans cette « région frontalière » de l’île d’inversion que nous ne comprenons pas encore totalement. Il va falloir continuer à marier travail expérimental et théorique pour percer ce mystère. C’est un peu comme assembler un puzzle dont les pièces changent de forme quand on les regarde de trop près.
Une collaboration humaine avant tout
Il ne faudrait pas croire que ces découvertes se font par un génie solitaire enfermé dans son labo. Loin de là. Sean Liddick a tenu à souligner que si l’utilisation du FDSi au FRIB a été cruciale, l’instrument lui-même a été conçu et mis en œuvre grâce à une vaste collaboration. On parle ici d’une alliance entre le FRIB, l’UTK, le Laboratoire national d’Argonne et le Laboratoire national d’Oak Ridge. « Mon rôle… est d’agir comme contact local du FRIB », précise Liddick. Il doit s’assurer que tout ce beau monde est sur la même longueur d’onde. Ces grandes collaborations demandent énormément de gens et d’expertise pour fonctionner. Chaque institution apporte ses propres systèmes de détection et engage ses étudiants dans le développement.
Pour Jack Peltier, l’étudiant de premier cycle, cette expérience a été bien plus qu’une ligne sur un CV. Collaborer avec une équipe multi-institutionnelle a non seulement abouti à une publication dans un journal prestigieux au début de sa carrière, mais cela a aussi tracé sa voie pour l’avenir. Il confie avec enthousiasme : « Cette expérience a à la fois affiné ma concentration sur un domaine d’étude et élargi le monde au sein de ce domaine. » Il sait maintenant qu’il veut se consacrer à la physique nucléaire. C’est touchant de voir comment une découverte scientifique peut aussi être une découverte de soi pour un jeune chercheur. Finalement, au-delà des neutrons et des isotopes, c’est aussi une histoire de transmission et de passion partagée.
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