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Ils ont bâti un cerveau fonctionnel : entre vertige technologique et promesses infinies
Crédit: lanature.ca (image IA)

Une cathédrale de calcul au cœur du Japon

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Imaginez un instant la scène. Nous sommes sur une île artificielle à Kobe, au Japon. À l’intérieur du supercalculateur Fugaku, c’est une véritable cathédrale silencieuse dédiée au calcul pur. Des rangées d’armoires noires, grosses comme des réfrigérateurs, bourdonnent dans une activité quasi constante. Et là, au milieu de ces circuits, quelque chose d’incroyable se produit : dix millions de neurones numériques commencent à s’activer. Des signaux électriques se propagent en cascade à travers des milliards de connexions. Ce n’est pas de la science-fiction, c’est un cortex de souris entièrement numérique qui s’éveille.

Ce qui est fascinant, c’est le contrôle absolu que les chercheurs ont sur cette « chose ». Ils peuvent mettre la simulation en pause, la rembobiner, modifier le câblage et relancer la machine. C’est un peu comme avoir une vidéo au ralenti des pensées d’une souris, sans jamais avoir besoin de toucher l’animal réel. On peut zoomer sur des synapses uniques, rejouer des moments d’activité neurale et observer comment les décisions et les perceptions se déploient à travers 86 régions cérébrales qui fonctionnent de concert. Pour réussir cet exploit, Fugaku ne chôme pas : il doit écraser quelque chose comme 400 quadrillions de calculs par seconde pour imiter le bourdonnement incessant des circuits cérébraux. C’est vertigineux, non ?

Plus qu’une simple animation : une réplique biologique fidèle

credit : lanature.ca (image IA)

Dans un article récemment publié et évalué par des pairs dans les ACM Proceedings of the International Supercomputing Conference (SC), ces scientifiques ont démontré qu’il est désormais techniquement possible de reproduire un cortex cérébral entier. Et quand je dis entier, je parle d’aller jusqu’au comportement électrique des cellules individuelles, le tout au sein de l’un des ordinateurs les plus rapides du monde. L’équipe a utilisé des cartes biologiques ultra-détaillées fournies par l’Allen Institute pour reconstruire le cortex, couche par couche, type de cellule par type de cellule. Ils ont ensuite fait tourner ce modèle complet sur le supercalculateur japonais Fugaku pour littéralement lui « donner vie » dans le silicium. Pour couronner le tout, des chercheurs de l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign ont construit les visualisations qui permettent aux scientifiques de plonger jusqu’aux synapses individuelles et de regarder les neurones faire leur travail.

Mais attention, ne nous y trompons pas. Selon Anton Arkhipov, docteur et enquêteur à l’Allen Institute et coauteur de l’étude, cette percée ne concerne pas seulement l’échelle brute du projet. La véritable avancée, insiste-t-il, c’est que le modèle préserve le véritable câblage biologique du cerveau. Il respecte la façon dont des types de cellules spécifiques se connectent, interagissent et façonnent l’activité à travers le cortex. Cette fidélité est cruciale. Pourquoi ? Parce que des simulations plus petites parviennent parfois à reproduire des modèles similaires, mais pour de mauvaises raisons physiques. Ce travail marque donc une étape significative : construire des modèles qui se comportent comme de vrais cerveaux, et pour les bonnes raisons. Arkhipov précise que c’est bien moins vague que le terme « cerveau virtuel ». Il préfère parler de « simulation biologiquement réaliste ». Ce n’est pas de l’abstraction, c’est de la donnée anatomique et électrique réelle tirée de tissus vivants. Quand ce cerveau numérique tourne, son activité ne part pas en vrille et ne s’effondre pas dans le silence ; elle s’installe dans des rythmes stables qui ressemblent étrangement à ceux mesurés dans un véritable cortex de souris.

Des applications médicales aux vertiges philosophiques

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Bien sûr, le modèle reste une preuve de concept plutôt qu’une réplique finie. Son activité s’aligne globalement avec les données réelles des souris, mais des comparaisons rigoureuses sur la durée — et d’autres raffinements à venir — nécessiteront encore beaucoup plus de temps de calcul. Arkhipov ne saurait trop insister là-dessus : la taille seule n’est pas la percée ; le but réel est de capturer le vrai câblage biologique. « Les possibilités sont infinies », dit-il. Chez les animaux, les chercheurs n’aperçoivent que de minuscules fenêtres sur l’activité neurale. Dans la simulation ? Rien n’est caché. Une application immédiate réside dans la maladie. Imaginez que certains composants du réseau cortical commencent à changer tôt dans une pathologie, comme pour Alzheimer, l’épilepsie ou l’autisme. Peut-être que certains types de cellules commencent à disparaître ou que la connectivité est altérée. « Nous pouvons implémenter de tels changements dans la simulation et demander quel effet ils ont », explique Arkhipov. Des changements infimes qui ne se manifestent jamais extérieurement font quand même surface dans le cortex numérique, permettant aux scientifiques de voir quels changements comptent vraiment — et lesquels pourraient devenir des cibles précoces pour un traitement.

C’est l’objectif pragmatique de l’outil pour l’instant. Mais Arkhipov pense qu’il pourrait éventuellement aller bien plus loin, vers des terrains beaucoup plus philosophiques, peut-être même toucher du doigt la conscience. « La question de savoir d’où viennent la conscience ou l’attention est très profonde », dit-il. « Notre projet peut contribuer de manière importante à comprendre les mécanismes associés ». Techniquement, la plateforme est déjà capable de recréer des modèles de signaux cérébraux associés à la perception, aux idées ou à la conscience — et ensuite de tester ce qui les régit. Si un sosie virtuel fonctionnait un jour sur sa propre impulsion et mémoire, l’esprit aurait-il encore besoin de carbone — ou le silicium suffirait-il ? Arkhipov n’hésite pas : le silicium pourrait être « très naturel ». « Tous les phénomènes mentionnés sont des processus physiques », affirme-t-il. « Je ne connais aucune loi de la nature qui exige qu’ils ne surviennent que dans des systèmes biologiques ». Il ajoute même : « Je penserais qu’il est tout à fait possible qu’un morceau de matériel soit une entité pensante et sensible ».

Conclusion : Scepticisme et réalité de la conscience

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Cependant, il y a un hic. Arkhipov ajoute cette mise en garde cruciale : « Selon les théories, de nombreux types de matériel pourraient être capables de simuler l’activité, mais seuls certains généreront la conscience ». Autrement dit, ce n’est pas le schéma de déclenchement seul qui compte, c’est la machinerie physique qui le produit. Deux systèmes peuvent montrer des rythmes neuraux correspondants, pourtant un seul peut avoir la bonne architecture causale pour soutenir l’expérience consciente. Le modèle biophysique de la souris a tourné sur du matériel informatique général standard, pas sur des puces construites pour imiter un cerveau vivant. Pour Peter Coppola, chercheur invité en neurosciences à l’Université de Cambridge, ce n’est pas de la sémantique, c’est le problème central. « Nous n’avons pas de mesure concluante de la conscience », rappelle Coppola. « Aucun test ne peut nous dire que X éprouvait quelque chose ». Il doute aussi que les esprits puissent simplement abandonner le carbone.

Coppola souligne qu’il est difficile de penser à un modèle vraiment complet et précis d’un cortex qui n’a pas de sous-cortex et de corps. Ses recherches suggèrent que l’incarnation physique pourrait être une condition nécessaire à la conscience. Il pointe aussi des lacunes biologiques : le modèle manque encore de caractéristiques essentielles comme la plasticité (comment les neurones changent avec l’expérience) et la neuromodulation (le système de réglage chimique). « Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles », dit Coppola, citant le statisticien George E. P. Box. Pour l’instant, ce cerveau de souris numérisé reste fermement ancré dans le pratique : étudier la maladie et tester des médicaments. En faisant cela, il pourrait devenir un pont vers la compréhension de la nature de la conscience — ou peut-être pas. Mais si la conscience laisse un jour sa marque sur un esprit numérique, ce serait, avouons-le, rien de moins que merveilleux.

Selon la source : popularmechanics.com

Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.

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