« L’Homme Dragon » et « L’Homme à la Grosse Tête » : une colocation préhistorique en Chine il y a 150 000 ans ?
Auteur: Mathieu Gagnon
Une réunion de famille inattendue

L’arbre généalogique de l’humanité ressemble de plus en plus à un buisson touffu et mal taillé, vous ne trouvez pas ? On vient d’ailleurs d’y ajouter une nouvelle branche, ou plutôt, de confirmer une cohabitation pour le moins surprenante. Le dernier venu dans la famille, nommé d’après sa boîte crânienne inhabituellement massive, parcourait le nord de la Chine exactement à la même époque que les mystérieux Dénisoviens. C’est ce que révèlent de nouvelles analyses.
Selon une datation par les séries de l’uranium, l’espèce connue sous le nom de Homo juluensis aurait existé il y a entre 140 000 et 230 000 ans. Cela fait de lui un contemporain direct de Homo longi, dont le nom signifie littéralement « Homme Dragon ». C’est fascinant d’imaginer ces différents ancêtres humains se croiser, peut-être même échanger, dans ces paysages anciens.
Le « fouillis du milieu » et le casse-tête des dates

Le Pléistocène moyen en Chine, c’est un véritable casse-tête pour les paléontologues. On appelle souvent cette période le « muddle in the middle » (le fouillis du milieu), car les archives fossiles y sont peuplées d’un méli-mélo de restes humains qu’on n’arrive pas vraiment à classer. C’est un melting-pot flou d’hominines ambigus. Parmi ces spécimens énigmatiques figurait donc H. juluensis — ou « l’Homme à la Grosse Tête », si on veut être moins formel — découvert dans la province du Hebei dans les années 1970. Incroyable, non ? Il a fallu attendre 2024 pour que des chercheurs suggèrent enfin qu’il pourrait représenter une nouvelle espèce humaine.
Depuis sa découverte, ce vieux « Grosse Tête » a subi toute une série de tentatives de datation, avec des résultats franchement contradictoires. Imaginez un peu : la datation magnétostratigraphique des minéraux sédimentaires lui donnait environ un demi-million d’années. À l’inverse, la luminescence stimulée par infrarouge parlait de seulement 69 000 ans. Un écart énorme ! C’est comme hésiter entre la Renaissance et l’Égypte antique pour dater un vase…
Pour dissiper ce brouillard, les auteurs d’une nouvelle étude publiée dans Quaternary Science Reviews ont utilisé la datation par les séries de l’uranium sur cinq fossiles de H. juluensis, ainsi que sur des os d’autres mammifères trouvés dans la même couche, comme des chevaux. Le verdict semble cette fois sans appel : l’espèce était présente sur le site quelque part entre 138 000 et 228 000 ans.
Cousins éloignés ou voisins de palier ?

Ce qui rend cette découverte particulièrement piquante, c’est qu’elle prouve que H. juluensis vivait à la même époque que l’Homme Dragon (H. longi), qui occupait le nord de la Chine il y a environ 150 000 ans. Les auteurs de l’étude sont formels : « Ces résultats indiquent qu’au moins deux taxons d’hominines morphologiquement distincts ont probablement coexisté dans le nord de la Chine ».
Mais à quel point étaient-ils proches ? C’est là que ça se complique. Il existe des preuves solides suggérant qu’ils pourraient tous deux appartenir à une lignée sœur de l’homme moderne. On a récemment confirmé que H. longi avait un héritage dénisovien, et on soupçonne fortement H. juluensis de faire partie de cette même branche de l’arbre familial. C’est un peu comme découvrir des cousins oubliés lors d’une réunion de famille.
Par exemple, des similitudes frappantes entre ce spécimen à large dôme et un autre fossile dénisovien trouvé au fond du détroit de Taïwan ont été interprétées comme la preuve d’un lien familial étroit. Cependant — et c’est souvent le cas en paléontologie — tant que nous n’aurons pas trouvé et analysé davantage de spécimens de H. juluensis, nous ne saurons pas avec certitude s’il tombe dans le catalogue sans cesse croissant des fossiles dénisoviens. Le mystère reste entier.
Conclusion : Un monde plus peuplé qu’on ne le croyait

Au final, cette étude nous rappelle avec humilité que l’histoire de notre évolution n’est pas une ligne droite, mais plutôt un réseau complexe d’interactions. Savoir que le « Grosse Tête » et l’« Homme Dragon » se partageaient peut-être les mêmes territoires de chasse change notre vision de cette époque lointaine. Nous n’étions pas seuls, et la diversité humaine d’alors était bien plus riche que notre solitude actuelle ne le laisse supposer.
Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.