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Pour la première fois, des scientifiques récupèrent de l’ARN d’un animal éteint
Crédit: Université de Melbourne

Une résurrection biologique inattendue

credit : Université de Stockholm/Emilio Mármol Sánchez/Panagiotis Kalogeropoulos

C’est une nouvelle qui, je dois l’avouer, m’a laissé un peu pantois. On pensait que c’était impossible, ou du moins, hautement improbable. Pourtant, des scientifiques basés en Suède ont réussi un véritable tour de force : ils ont récupéré de l’ARN à partir d’un tigre de Tasmanie, aussi appelé thylacine, éteint depuis plus d’un siècle. Vous vous rendez compte ? Un spécimen vieux de 130 ans, conservé dans un musée, a encore des choses à nous dire.

Pour bien comprendre l’exploit, il faut se rappeler une différence fondamentale. L’ADN, c’est un peu comme le manuel d’instructions complet de notre corps ; il nous dit quels gènes existent. Mais l’expression des gènes, c’est-à-dire quels gènes sont réellement actifs et au travail dans un tissu donné, ça, c’est le rôle de l’ARN dans les cellules vivantes. C’est beaucoup plus fugace.

Cette étude fascinante a été dirigée par le Dr Marc R. Friedländer de l’Université de Stockholm, en Suède, avec l’appui de centres de recherche voisins. Son travail se concentre habituellement sur la biologie de l’ARN et la régulation des gènes, en particulier ces minuscules régulateurs qui façonnent le développement. D’habitude, l’ARN se dégrade bien plus vite que l’ADN. C’est pour cela que la plupart des vieux échantillons perdent leur « transcriptome », c’est-à-dire l’ensemble complet des messages ARN de ces tissus. C’est fragile, ces petites choses-là.

Mais voilà, il semblerait que le stockage au sec puisse ralentir les réactions chimiques qui détruisent l’ARN. Les peaux conservées dans les musées en gardent parfois plus qu’on ne le croit. Une étude de 2019 avait déjà montré que l’ARN pouvait survivre dans le pergélisol ou dans de vieilles peaux de loups assez longtemps pour conserver des signaux tissulaires. Mais là, on parle d’une espèce éteinte, ce qui change tout.

Des tissus qui parlent encore : muscles et peau sous le microscope

credit : lanature.ca (image IA)

Revenons un instant sur la fin tragique de cet animal. Le thylacine était un prédateur marsupial doté d’une poche, qui a disparu après une chasse intense et la perte de son habitat. C’est triste, n’est-ce pas ? Selon les registres du Musée national d’Australie, le tout dernier thylacine connu s’est éteint le 7 septembre 1936 au zoo de Beaumaris à Hobart. Mais le spécimen utilisé par l’équipe suédoise, lui, séchait tranquillement à température ambiante dans un musée en Suède depuis 130 ans.

C’est de là qu’ils ont tiré des tissus de peau et de muscle pour le séquençage. Pour éviter toute contamination moderne (ce serait dommage de séquencer l’ADN du chercheur !), l’équipe a travaillé dans des salles blanches spécialement construites pour les molécules anciennes et a traqué la moindre trace de manipulation humaine. Mais comment être sûr que l’ARN venait bien du thylacine ? Eh bien, la plupart des lectures correspondaient au génome du thylacine, tandis que les séquences humaines apparaissaient à des niveaux très faibles, typiques d’une manipulation muséale classique.

Ils ont aussi utilisé ce qu’on appelle la métatranscriptomique. C’est un mot compliqué pour désigner une méthode qui scanne tout l’ARN pour identifier les espèces et les microbes, permettant ainsi de séparer les fragments de thylacine des contaminants. Ils ont aussi repéré des « cicatrices chimiques », appelées désamination. C’est un dommage qui change une lettre de l’ARN en une autre et qui augmentait près des extrémités des fragments, exactement comme on s’y attendait avec le temps.

Parlons du muscle maintenant. Les signaux les plus forts provenaient de gènes liés à la contraction et à l’utilisation de l’énergie, y compris l’énorme protéine titine. Le profil ARN indiquait des fibres musculaires lentes. Et devinez quoi ? Cela correspond parfaitement à l’endroit où les chercheurs ont prélevé le tissu, près de l’omoplate. Ils ont aussi détecté des messages impliqués dans le stockage de l’oxygène et le recyclage du carburant. C’est fou, on a des indices sur la façon dont ces cellules fonctionnaient quand l’animal respirait encore.

Du côté de la peau, les échantillons portaient de nombreux fragments d’ARN de gènes de kératine, ce qui colle avec la couche externe résistante qui protège les animaux de l’usure. Deux sections de peau contenaient même de l’ARN d’hémoglobine, signe qu’il restait du sang dans le tissu lors de la préparation du spécimen. Bien sûr, comme la peau est à l’extérieur, elle peut attraper des microbes, mais les lectures du thylacine dominaient toujours les données. En comparant ces profils avec des marsupiaux vivants et des chiens, la peau ressemblait bien à de la peau, et le muscle à du muscle.

Régulateurs génétiques, virus et cartographie : les détails cachés

credit : lanature.ca (image IA)

L’étude ne s’est pas arrêtée aux gros morceaux. Ils sont allés chercher les microARN, ces petits régulateurs. Ce sont des ARN courts, d’environ 22 blocs de construction, qui règlent la quantité de protéine qu’un gène fabrique. Les preuves ont confirmé une forme de microARN spécifique au thylacine. Cela nous montre à quel point la régulation des gènes peut différer, même entre des proches parents. Ces petits régulateurs variaient nettement entre la peau et le muscle, une preuve supplémentaire que les séquences provenaient bien des bons tissus.

Ce travail permet aussi de corriger la carte. Les scientifiques utilisent l’annotation – c’est-à-dire l’étiquetage des gènes sur une carte du génome – pour transformer l’ADN brut en une référence utilisable. Comme l’ARN provient de messages finis, il peut exposer les exons manquants et combler les lacunes qui embrouillent les listes de gènes basées uniquement sur l’ADN. Chez le thylacine, les données ARN ont indiqué l’emplacement probable des gènes d’ARN ribosomique qui étaient absents des assemblages précédents.

Une meilleure carte du génome, c’est crucial. Cela aide les chercheurs à comparer les animaux éteints avec les vivants et réduit les faux signaux pour les futures études. Mais attendez, il y a un détail intrigant : l’équipe a aussi détecté des traces de virus à ARN, ces virus qui stockent leurs gènes sous forme d’ARN, dans le matériel du thylacine. Ces signaux étaient minces, et les auteurs appellent à la prudence, mais le résultat laisse penser que les spécimens de musée pourraient préserver une histoire virale.

Si des travaux futurs confirment ces indices, les chercheurs pourraient comparer les virus apparentés à travers le temps et suivre leur évolution. Bien entendu, ce genre de travail exige des contrôles de laboratoire minutieux, car l’ARN viral moderne peut se faufiler par les réactifs ou le contact humain. C’est un travail de détective, vraiment.

Conclusion : Ce que l’avenir nous réserve

credit : lanature.ca (image IA)

En somme, ce travail pousse la paléotranscriptomique – l’étude de l’ARN ancien pour connaître l’activité passée des gènes – au-delà du pergélisol, jusque dans les tiroirs secs de nos musées. Les profils d’ARN peuvent révéler les types de cellules, les dommages et même des signes de maladie, offrant aux espèces éteintes un dossier beaucoup plus détaillé. Cependant, il ne faut pas s’emballer trop vite.

Différents conservateurs peuvent changer ce qui survit, donc les conservateurs et les scientifiques auront besoin de règles communes pour l’échantillonnage, histoire de ne pas ruiner les spécimens. L’étude n’a porté que sur un seul animal préservé ; elle ne peut donc pas capturer la variation selon l’âge, la saison, la santé ou l’histoire de vie. De plus, les fragments d’ARN étaient courts et inégaux, ce qui rend difficile la mesure des gènes de bas niveau ou la reconstruction de messages complets. Mais avec plus d’échantillons d’autres animaux éteints, couplés à l’ADN et aux protéines, on devrait voir jusqu’où cette approche peut aller.

Selon la source : earth.com

Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.

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