Une observation inédite : trois galaxies en pleine fusion, chacune pilotée par son propre trou noir vorace
Auteur: Mathieu Gagnon
Une danse cosmique rarement observée

Les galaxies, voyez-vous, ne grandissent pas toutes seules dans leur coin. C’est un processus lent, incroyablement long même, qui s’étale sur des milliards d’années. Les petites galaxies se rapprochent, s’attirent mutuellement et finissent par fusionner. C’est un peu la loi de l’univers. Et durant ces rencontres titanesques, les trous noirs géants qui dorment souvent au centre de ces galaxies ont tendance à se réveiller et à se mettre à table.
Récemment, des astronomes ont confirmé un cas tout à fait exceptionnel, un de ceux qui vous font lever un sourcil d’étonnement : un système où non pas deux, mais trois galaxies fusionnent ensemble. Et le plus fou dans cette histoire ? Les trois trous noirs supermassifs logés en leur cœur se nourrissent en même temps, brillant intensément dans le domaine des ondes radio. Ce système, connu sous le nom un peu barbare de J1218 1219+1035, nous offre une fenêtre unique, une vue imprenable sur la manière dont les galaxies et leurs trous noirs évoluent de concert. C’est fascinant.
La mécanique céleste : croissance galactique et fusion en trio

Pour comprendre ce qu’il se passe, il faut revenir aux bases de l’astronomie moderne. On utilise ce qu’on appelle un modèle hiérarchique pour expliquer la croissance des galaxies : les petites se forment en premier et s’assemblent ensuite pour créer des systèmes plus vastes. Presque chaque grande galaxie abrite un trou noir supermassif, pesant des millions, voire des milliards de fois la masse de notre Soleil. Quand une fusion démarre, la gravité et le mouvement des gaz poussent la matière vers le centre galactique. Le gaz perd de l’énergie via les collisions et la friction, coule vers l’intérieur, et hop… le trou noir reçoit son carburant.
En se nourrissant, ces monstres relâchent des quantités d’énergie phénoménales, formant ce qu’on appelle des noyaux galactiques actifs, ou AGN. Cette activité lie intimement la croissance du trou noir aux changements dans la formation des étoiles et la forme de la galaxie. Les simulations informatiques prédisaient bien que des « triples AGN » devraient se former quand plusieurs galaxies interagissent, mais entre la théorie et la pratique… les observations capturent rarement ces moments.
Revenons à notre système J1218 1219+1035. Il contient trois galaxies liées par la gravité. C’est là que les chiffres deviennent vertigineux tout en restant précis : deux des galaxies se trouvent à environ 22 000 années-lumière l’une de l’autre, tandis que la troisième se situe un peu plus loin, à environ 97 000 années-lumière. Les mesures de vitesse montrent qu’elles bougent de façon similaire, ce qui prouve qu’il s’agit bien d’une interaction physique réelle et non d’un simple alignement dû au hasard, une illusion d’optique si vous voulez. De longues structures de marée, faites d’étoiles et de gaz, s’étirent à travers l’espace, marquant les effets gravitationnels puissants. Ces distances correspondent d’ailleurs parfaitement aux prédictions des simulations, où les galaxies s’éloignent après une rencontre rapprochée avant de retomber ensemble.
L’enquête : comment débusquer des trous noirs cachés ?

Trouver ce système n’a pas été une mince affaire. Tout a commencé avec les données du Wide-field Infrared Survey Explorer de la NASA. Pourquoi l’infrarouge ? Eh bien, la poussière chaude près des trous noirs en train de manger brille fortement dans cette lumière. Les motifs de couleur dans l’infrarouge moyen ont aidé les astronomes à sélectionner des paires possibles d’AGN à l’intérieur de galaxies perturbées. Cette sélection a révélé deux trous noirs probables dans une paire de galaxies en fusion. Les données optiques ont confirmé un AGN clair et une source au signal mixte. Mais pour la troisième galaxie… c’était flou. La formation d’étoiles peut parfois imiter les signaux des AGN en lumière visible, donc on ne pouvait pas être sûr.
C’est là que la radio entre en jeu pour trancher le débat. Les astronomes ont utilisé le Very Large Array (VLA) de la Fondation nationale pour la science des États-Unis (NSF) pour observer les émissions radio à plusieurs fréquences. Et là, bingo ! Des sources radio compactes sont apparues au centre des trois galaxies. Une telle émission compacte pointe fortement vers une activité pilotée par un trou noir plutôt que par la naissance d’étoiles.
L’émission radio a montré ce qu’on appelle un rayonnement synchrotron. C’est ce qui se crée quand des particules rapides tourbillonnent à travers des champs magnétiques ; ça se forme généralement près des jets et des écoulements des trous noirs. Deux des galaxies montraient des spectres radio typiques de trous noirs actifs. La troisième, curieusement, montrait un spectre encore plus raide, suggérant une activité de jet cachée sous les limites de résolution. De plus, les mesures de température de brillance ont permis d’exclure la formation d’étoiles comme source : les niveaux d’énergie dépassaient ce que les processus stellaires peuvent produire.
Conclusion : Pourquoi cette découverte change la donne

Les systèmes de triples AGN restent extrêmement rares. Il n’existe que deux systèmes similaires à proximité. J1218 1219+1035 se distingue car les trois trous noirs émettent des ondes radio en même temps. Comme l’a si bien dit le Dr Emma Schwartzman du laboratoire de recherche navale des États-Unis, qui a dirigé l’étude : « Des galaxies actives triples comme celle-ci sont incroyablement rares, et en attraper une au milieu d’une fusion nous donne une place au premier rang pour voir comment les galaxies massives et leurs trous noirs grandissent ensemble ».
Elle ajoute que le fait d’observer ces trois trous noirs brillants en radio et lançant activement des jets fait passer les triples AGN de la théorie à la réalité. Cela ouvre une nouvelle fenêtre sur le cycle de vie des trous noirs supermassifs. Les études radio jouent un rôle clé car les signaux optiques ou infrarouges restent souvent peu clairs dans ces systèmes complexes, traversant mal la poussière. Cette découverte soutient l’idée que plusieurs trous noirs peuvent se nourrir pendant les étapes précoces et intermédiaires de la fusion, sans attendre la coalescence finale. L’énergie libérée par ces jets peut chauffer le gaz, ralentir la formation d’étoiles ou remodeler les galaxies. À l’avenir, des enquêtes combinant la sélection infrarouge et l’imagerie radio profonde pourraient bien nous révéler d’autres systèmes triples cachés, nous aidant à prédire les événements d’ondes gravitationnelles.
Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.