Elle pensait avoir Alzheimer, ses pertes de mémoire cachait en fait une simple carence en vitamine
Auteur: Simon Kabbaj
Imaginez. C’est un soir d’hiver sombre et froid. Vous rentrez d’une longue journée de travail et, fatigué(e) et confus(e), vous vous trompez de train. Pas une fois, mais trois soirs de suite. Le troisième soir, vous vous retrouvez seul(e) sur un quai désert, à des kilomètres de chez vous, complètement perdu(e). C’est le début du cauchemar qu’a vécu Katrina Burchell, une avocate britannique. Elle craignait le pire : une tumeur au cerveau, ou la maladie d’Alzheimer. La réalité était tout autre, mais le chemin pour le découvrir a été un véritable combat.
Les mots d'un inconnu qui ont tout changé
Ce soir-là, sur ce quai de gare, c’est le conducteur du train qui a tout changé. En voyant le désarroi de Katrina, il a tout de suite compris que quelque chose n’allait pas. Elle lui a expliqué ses symptômes : la fatigue, la confusion, les fourmillements dans les mains et les pieds. L’homme, inquiet, lui a posé une question simple : pourquoi ne se faisait-elle pas soigner ? Et il a ajouté ces mots, qu’elle n’oubliera jamais : « Vous méritez qu’on vous écoute. Ne quittez pas le cabinet du médecin avant qu’ils n’acceptent de vous aider. » Des mots qui lui ont donné la force de se battre.
Des années d'errance et d'incompréhension
Car le combat durait depuis des années. Katrina, aujourd’hui âgée de 60 ans, se souvient avoir été fatiguée depuis toujours. « Ma mère me disait que si je me couchais plus tôt, j’allais me croiser en me levant », raconte-t-elle. À 19 ans, son médecin lui diagnostique un syndrome du côlon irritable et lui dit qu’il faut ‘vivre avec’. Ses taux de vitamine B12 et de fer sont testés : ils sont bas, mais dans les limites de la ‘normale’ de l’époque. On ne cherche pas plus loin.
Vivre avec un masque, au bord de la rupture
Malgré une carrière d’avocate brillante, un mariage et deux enfants, ses symptômes persistent. « Je fonctionnais, mais j’étais constamment épuisée », explique-t-elle. Quand ses enfants sont nés, la situation a empiré. On lui disait que c’était normal : « Vous êtes fatiguée parce que vous êtes une mère », « C’est votre travail stressant ». Elle raconte : « Je devais lire chaque e-mail trois ou quatre fois à cause du brouillard cérébral. C’était une sorte de masque. J’avais souvent l’impression de tenir à un fil. » Elle s’isole, de peur que son entourage ne la juge sur ses difficultés à trouver ses mots. Une anecdote cocasse vient éclairer ce brouillard mental : la fois où, voulant dire ‘ananas’, elle a dit « vous savez, le fruit avec une crête d’Iroquois ! ».
Le diagnostic tombe enfin : l'anémie pernicieuse
Armée des paroles du conducteur de train, Katrina retourne chez un spécialiste, un hématologue, bien décidée à ne pas repartir sans réponse. Et enfin, le diagnostic tombe : une anémie pernicieuse. C’est une maladie auto-immune qui empêche le corps d’absorber correctement la vitamine B12, une vitamine essentielle pour nos cellules et notre système nerveux. La cause de tous ses maux était là, enfin identifiée.
Un traitement qui tarde et un état qui s'aggrave
Mais même avec un nom sur sa maladie, le calvaire n’est pas terminé. Le traitement initial, des injections de B12 toutes les 12 semaines, est insuffisant. Son état continue de se dégrader. Elle a des lésions nerveuses aux doigts et aux pieds, ce qui la rend maladroite. En 2010, elle fait une chute dans un bus et se casse la main. À l’hôpital, on lui donne du gaz hilarant pendant des heures pour la douleur, sans savoir que ce gaz… détruit les réserves de B12. Son état empire dramatiquement, elle se retrouve quasiment clouée au lit, incapable de rester éveillée plus de 7 heures par jour.
De patiente à militante : son combat aujourd'hui
Ce n’est qu’en 2018, après avoir vu l’hématologue furieux de la négligence de son médecin traitant, qu’elle reçoit enfin le bon traitement. Aujourd’hui, elle va mieux et a transformé sa terrible expérience en un combat. Elle est devenue la directrice de l’association Pernicious Anaemia Society. Elle se bat contre ce qu’elle appelle le ‘déni médical’, surtout envers les femmes. « Le problème, c’est que la carence en B12 n’est pas au programme des médecins généralistes », dénonce-t-elle. « Ils ne regardent pas le patient dans sa globalité. »
Conclusion : 'Si je peux sauver une seule personne...'
L’histoire de Katrina est un cri du cœur. Un rappel brutal que parfois, les médecins peuvent se tromper et que les symptômes ‘vagues’ comme la fatigue et le brouillard cérébral ne doivent jamais être pris à la légère. C’est un appel à s’écouter, à faire confiance à son instinct et à se battre pour être entendu. Comme le dit Katrina : « Si je peux éviter à une seule personne de vivre ce que j’ai vécu, ce serait tout pour moi. » Et si le plus grand expert de votre corps, c’était tout simplement vous ?
Selon la source : telegraph.co.uk