Un bébé né en Amérique est-il encore américain ? La justice face à une décision de Trump
Auteur: Mathieu Gagnon
Imaginez, depuis toujours ou presque, la règle était simple : un enfant qui naît sur le sol des États-Unis devient automatiquement américain. C’est ce qu’on appelle le droit du sol. C’est inscrit dans la Constitution, dans le fameux 14ème amendement. C’est un peu la règle du jeu depuis plus d’un siècle.
Mais voilà, le président Donald Trump a décidé de donner un grand coup de pied dans cette fourmilière. En janvier, il a signé un décret pour mettre fin à cette pratique pour les enfants nés de parents en situation irrégulière ou présents temporairement sur le territoire. Et c’est cette décision qui se retrouve aujourd’hui devant un juge du New Hampshire.
Derrière la loi, des visages et des peurs
Derrière ces grandes batailles juridiques, il y a des visages, des histoires, des peurs. La plainte a été déposée au nom de plusieurs personnes, dont une femme enceinte originaire du Honduras. Elle a fui son pays avec sa famille pour échapper à la violence des gangs et a demandé l’asile aux États-Unis. Son quatrième enfant doit naître en octobre.
« Je ne veux pas que mon enfant vive dans la peur et doive se cacher », a-t-elle écrit au tribunal. « J’ai peur que notre famille soit séparée ». Un autre plaignant est un homme brésilien, dont le beau-père est citoyen américain, et qui attend avec sa femme de régulariser sa situation. Leur premier enfant est né en mars. Pour eux, ce décret change absolument tout.
La bataille des avocats : une petite phrase au cœur du débat
Tout le débat tourne autour d’une petite phrase dans ce fameux 14ème amendement. Le texte dit que sont citoyens ‘toutes les personnes nées […] aux États-Unis, et soumises à leur juridiction‘. Pendant plus de cent ans, tout le monde a compris que si vous naissiez aux USA, vous étiez soumis à leurs lois, et donc à leur juridiction. Point.
Mais le gouvernement de Trump a une autre lecture. Pour eux, cette petite phrase veut dire que les enfants de clandestins, n’étant pas censés être là, ne sont pas vraiment ‘soumis à la juridiction’ américaine. Ils estiment que le droit du sol a créé un appel d’air pour l’immigration illégale. C’est cette interprétation que les avocats de la puissante association ACLU (l’Union américaine pour les libertés civiles) contestent avec force.
Une course contre la montre dans tout le pays
Et attention, cette bataille ne se joue pas seulement dans un seul tribunal du New Hampshire. C’est une véritable course contre la montre qui s’est engagée dans plusieurs États. Des juges avaient déjà bloqué la mesure de Trump, mais la Cour Suprême a récemment remis les compteurs à zéro, en donnant 30 jours aux tribunaux pour se prononcer à nouveau.
Du coup, les opposants au décret sont revenus à la charge partout. Dans le New Jersey, dans l’État de Washington, dans le Maryland… les procédures se multiplient. Tout le monde espère obtenir une décision avant la fin de ce délai de 30 jours pour empêcher que le décret ne soit appliqué, même temporairement.
Faut-il paniquer ? Les associations rassurent
Face à cette situation confuse, les associations de défense des immigrés tentent de rassurer les familles. « Personne n’a besoin de déménager d’un État à l’autre dans l’immédiat », explique Ama Frimpong, directrice juridique de l’organisation CASA. « Nous nous battons par différents moyens pour nous assurer que ce décret ne voie jamais le jour ».
L’urgence, pour ces avocats, c’est d’obtenir ce qu’on appelle une injonction, une sorte de ‘pause’ qui bloquerait la mise en place de la mesure le temps que la justice examine le fond de l’affaire. La décision du juge du New Hampshire est donc très attendue, car elle pourrait concerner des dizaines de milliers de bébés et leurs parents rien que dans les prochaines semaines.