Notre façon de parler pourrait révéler les premiers signes de déclin cognitif, selon des scientifiques
Auteur: Simon Kabbaj
On a tous connu ça. Ce mot, juste là, sur le bout de la langue, qui refuse de sortir. C’est agaçant, n’est-ce pas ? On a longtemps pensé que ces petits oublis étaient les premiers signes que notre mémoire nous jouait des tours en vieillissant. Mais des scientifiques sont en train de découvrir quelque chose d’encore plus intéressant. Et si ce n’était pas tant les mots que l’on oublie qui comptaient, mais plutôt la façon dont on parle ? Le rythme, la vitesse, les petites pauses… notre voix pourrait en dire bien plus long sur la santé de notre cerveau qu’on ne l’imaginait.
Ce mot que l'on cherche tous parfois
Rassurons-nous tout de suite : avoir un mot sur le bout de la langue, ça arrive à tout le monde, jeunes comme moins jeunes. C’est un phénomène tout à fait normal. Avec l’âge, c’est vrai, ça peut devenir un peu plus fréquent, surtout après 60 ans. Mais ce n’est pas forcément un signe de maladie. C’est simplement que notre ‘bibliothèque’ de mots est devenue immense avec les années, et parfois, on a un peu plus de mal à trouver la bonne ‘fiche’. Ce n’est donc pas sur ce point que les chercheurs se sont le plus concentrés.
Une étude canadienne met la puce à l'oreille
C’est une étude menée au Canada qui a vraiment changé la donne. Des chercheurs de l’Université de Toronto ont demandé à 125 adultes de 18 à 90 ans de faire un exercice simple : décrire une scène en détail. Ils ont mesuré la vitesse naturelle de leur parole. Ensuite, ils leur ont montré des images d’objets du quotidien, comme un balai, pour voir à quelle vitesse ils trouvaient le mot. Le résultat est sans appel : les personnes qui parlaient naturellement plus vite dans le premier exercice trouvaient les mots bien plus rapidement dans le second. La conclusion ? La vitesse à laquelle on parle serait un bien meilleur indicateur de la santé du cerveau que le simple fait de chercher ses mots.
La vitesse du cerveau, plus que celle de la mémoire
Pourquoi cette vitesse est-elle si importante ? Parce que cela suggère que le problème n’est pas seulement dans le ‘tiroir’ de la mémoire. C’est plutôt comme si tout le ‘moteur’ du cerveau ralentissait un peu. Les scientifiques appellent ça la ‘théorie de la vitesse de traitement’. En gros, ce n’est pas juste la mémoire qui flanche, c’est la capacité générale du cerveau à traiter les informations rapidement qui diminue. Et ça, bien sûr, ça se ressent quand on parle.
Les 'euh' et les 'hum' : des indices précieux
Ce ralentissement général explique aussi autre chose que l’on remarque souvent en vieillissant. On a tendance à faire plus de pauses quand on parle. On utilise plus de petits mots d’hésitation comme ‘euh’ ou ‘hum’. Ce ne sont pas des signes de distraction, mais plutôt le temps que prend le cerveau pour chercher l’information, l’organiser et la transformer en paroles. Ces petites pauses, qui nous semblent anodines, sont en réalité des indices très précieux pour les chercheurs.
Quand la parole trahit les signes physiques d'Alzheimer
Ce qui rend cette découverte encore plus sérieuse, c’est que ces changements dans la parole sont liés à ce que les médecins voient dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Des études ont montré que des pauses plus longues et une parole plus lente sont souvent associées à une plus grande quantité de plaques amyloïdes et de protéines tau emmêlées dans le cerveau. Ce sont les deux signes physiques les plus connus de la maladie.
L'intelligence artificielle à l'écoute de notre cerveau
Cette piste est tellement prometteuse que des chercheurs développent même des intelligences artificielles pour nous aider. Récemment, un programme informatique a réussi à prédire un diagnostic d’Alzheimer avec une précision de près de 80 %, simplement en analysant des enregistrements de la voix des patients. C’est une porte immense qui s’ouvre pour des diagnostics plus faciles et beaucoup plus précoces à l’avenir.
Des changements qui apparaissent très tôt
L’un des points les plus importants de ces recherches, c’est que ces changements dans la façon de parler peuvent apparaître bien avant les problèmes de mémoire évidents. Une étude de l’Université de Stanford l’a confirmé : la parole peut commencer à changer alors même que la personne n’a pas encore de troubles cognitifs manifestes. C’est comme si notre voix nous donnait un avertissement discret, bien en amont.
Conclusion : Faut-il s'inquiéter de chaque pause ?
Alors, faut-il paniquer à chaque fois que l’on fait une pause pour chercher un mot ? Absolument pas. Il est normal que notre rythme change un peu avec le temps. L’important, c’est de comprendre que la science avance à grands pas. Ces recherches sont une formidable source d’espoir. Elles ouvrent la voie à des outils qui permettront un jour de détecter les problèmes très tôt, et donc de mieux les prendre en charge. Pour l’instant, continuons simplement à parler, à échanger, à raconter nos histoires… c’est encore le meilleur exercice pour notre cerveau.
Selon la source : sciencealert.com