Tragédie de Camp Mystic : des bâtiments retirés de la zone inondable juste avant le drame
Auteur: Adam David
Avant l’aube du 4 juillet, des eaux déchaînées ont balayé le Camp Mystic, une prestigieuse colonie de vacances pour filles au Texas, emportant au moins 27 campeuses, moniteurs et même son propriétaire. Un drame effroyable, présenté comme une catastrophe naturelle imprévisible. Pourtant, une enquête de l’Associated Press révèle aujourd’hui un détail glaçant : des années avant la tragédie, les régulateurs fédéraux avaient, à plusieurs reprises, retiré des dizaines de bâtiments du camp des cartes officielles des zones à haut risque d’inondation.
Le tour de passe-passe réglementaire
En 2011, l’Agence fédérale de gestion des urgences (FEMA) avait classé le camp dans une « Zone Spéciale de Risque d’Inondation ». Concrètement, cela signifiait que la zone avait 1% de chance d’être submergée chaque année par une crue centennale, imposant une assurance inondation et des règles de construction strictes. Mais, suite à des recours déposés par le camp, la FEMA a fait marche arrière. En 2013, 15 bâtiments ont été retirés de la carte. Puis, entre 2019 et 2020, 15 autres structures, appartenant à une nouvelle extension du camp, ont également bénéficié de cette exemption. Le camp a ainsi pu s’agrandir avec une surveillance réglementaire allégée.
Une décision "particulièrement troublante" pour les experts
Pour Sarah Pralle, professeure à l’Université de Syracuse et spécialiste de la cartographie des inondations, cette situation est « particulièrement troublante ». Comment un camp responsable de la sécurité de centaines d’enfants a-t-il pu obtenir de telles dérogations ? « C’est un mystère pour moi qu’ils n’aient pas pris des mesures proactives pour éloigner les structures du risque, et encore moins qu’ils aient contesté ce qui semble être une carte très raisonnable », a-t-elle déclaré. Ces demandes visaient probablement à éviter les coûts d’assurance et à faciliter les constructions.
Le danger était visible pour qui voulait voir
Même si la FEMA a modifié ses cartes, le risque, lui, n’avait pas disparu. Une analyse menée par First Street, une société spécialisée dans la modélisation des risques climatiques, est sans appel. Leur modèle, plus complet que celui de la FEMA, montre que la quasi-totalité du site historique de Camp Mystic se trouvait en réalité dans la zone de crue centennale. Le nouveau site, bien que plus éloigné de la rivière principale, était lui aussi majoritairement exposé en raison de sa proximité avec un ruisseau que la FEMA n’avait pas considéré comme une menace. En d’autres termes, le danger était évident.
Un système d'appel qui favorise les plus riches ?
Contester une carte de la FEMA est un processus « assez ardu » et coûteux, qui nécessite d’engager des ingénieurs pour réaliser des contre-expertises. Selon les recherches de Sarah Pralle, la FEMA approuve environ 90% de ces demandes de modification. Son étude a montré que ces exemptions sont plus fréquentes dans des zones où la valeur des propriétés est élevée et où la population est majoritairement blanche. Un système qui pourrait donc favoriser les propriétaires riches et bien connectés, capables de financer ces démarches complexes.
L'expansion, envers et contre tout
Fort de ces exemptions, le Camp Mystic, considéré comme une institution pour les familles d’élite du Texas, a non seulement poursuivi ses activités, mais s’est considérablement agrandi. Un second site a ouvert en 2020 avec de nouvelles cabanes, une chapelle et un réfectoire. Deux jours avant le drame, le camp accueillait 557 campeuses et plus de 100 employés. Les autorités locales, qui n’ont pas souhaité commenter, ont autorisé cette expansion malgré la localisation en plein « couloir des crues éclair ».
Conclusion : quand la nature frappe, qui est responsable ?
La crue qui a frappé le Camp Mystic était d’une violence historique, bien supérieure à la crue centennale de référence. Certains diront, comme Chris Steubing de l’Association texane de gestion des plaines inondables, que « Mère Nature a établi une nouvelle norme ». Cependant, il est impossible d’ignorer la succession de décisions humaines qui ont placé des centaines d’enfants dans une situation de vulnérabilité accrue. Cette tragédie pose une question fondamentale : où s’arrête la fatalité et où commence la responsabilité, lorsque les avertissements sont ignorés et que les réglementations sont contournées ?
Selon la source : nypost.com