Imaginez un cours de danse pas comme les autres. À Toronto, Sarah Robichaud, une danseuse formée au prestigieux Bolchoï, guide un groupe de 80 élèves via Zoom. Vêtue de noir, elle exécute des mouvements amples et gracieux depuis son salon lumineux. Beaucoup de ses élèves sont assis et plus de la moitié souffrent de la maladie de Parkinson. Pourtant, en imitant ses gestes, leurs visages s’apaisent, leur difficulté à bouger semble s’évanouir un instant.
Ce n’est pas de la magie, mais bien le pouvoir de la danse. De plus en plus d’études montrent que danser peut réellement améliorer la vie des personnes atteintes de troubles comme Parkinson, la sclérose en plaques (SEP), Alzheimer ou même après un traumatisme crânien. C’est un phénomène si puissant que des programmes de danse adaptés voient le jour partout dans le monde, offrant un nouvel espoir et une meilleure qualité de vie à des millions de gens.
Le témoignage touchant d'une professeure dévouée
Pour Sarah Robichaud, cette mission est profondément personnelle. Fondatrice de l’organisation à but non lucratif « Dancing With Parkinson’s », elle offre des cours de danse gratuits, en ligne et en personne. Elle a été formée à New York en 2007, mais l’histoire a pris une tournure plus intime lorsque son propre grand-père a été diagnostiqué avec la maladie de Parkinson. Elle a dansé avec lui jusqu’à ses derniers jours en 2013.
Aujourd’hui, chaque cours ranime ces souvenirs. « La compassion et le soin que j’ai pour nos danseurs, c’est parce qu’ils sont tous mon grand-père », confie-t-elle, souvent au bord des larmes. Et les résultats sont là. Un de ses élèves, un homme dans la cinquantaine qui pensait que la danse n’était pas pour lui, lui a avoué : « Je ne peux pas nier à quel point cela change ma vie ». Il a remarqué plus de dextérité dans ses mains et une plus grande liberté de mouvement en général.
La danse, bien plus qu'un simple exercice physique
Mais qu’est-ce qui rend la danse si spéciale par rapport à une simple marche rapide ou à d’autres exercices ? Selon Helena Blumen, chercheuse au Albert Einstein College of Medicine, tout est une question de multitâche pour le cerveau. La danse sollicite en même temps l’équilibre, la coordination, la mémoire, la créativité et la flexibilité.
En gros, danser demande beaucoup plus de « puissance cérébrale » que des mouvements répétitifs. C’est une activité exigeante sur les plans social, cognitif et physique. Une étude de l’Université York en 2021 a d’ailleurs montré qu’un entraînement de danse hebdomadaire améliorait de manière significative la fonction motrice et la vie quotidienne des personnes atteintes de la maladie de Parkinson à un stade léger ou modéré. David Leventhal, du programme Dance for PD, ajoute qu’apprendre des séquences, penser de manière symétrique et asymétrique aide aussi dans la vie de tous les jours, transformant des tâches comme se déplacer dans sa cuisine en une sorte de chorégraphie maîtrisée.
Comment la danse agit-elle concrètement sur le cerveau ?
Les scientifiques commencent à comprendre ce qui se passe là-haut. En 2018, des chercheurs allemands ont fait des IRM sur des personnes âgées. Un groupe a suivi des cours de danse pendant six mois, l’autre un programme d’exercices classique (vélo, musculation). Si les deux groupes ont amélioré leur forme physique, seuls les danseurs ont vu leur cerveau changer : plus de matière grise et blanche dans les zones responsables de la mémoire, de l’attention et de la réflexion.
En plus, leur sang contenait plus de protéine BDNF, essentielle à la plasticité du cerveau. Imaginez votre cerveau comme une ville : la neuroplasticité, c’est sa capacité à construire de nouvelles routes et à en réparer d’anciennes. La danse aide la ville à rester dynamique ! Une autre étude de 2022 a montré que la danse de salon réduisait l’atrophie de l’hippocampe, la zone de la mémoire touchée par Alzheimer. Autrement dit, le centre de la mémoire des danseurs ne rétrécit pas aussi vite.
Accepter son corps et retrouver confiance en soi
Au-delà des bienfaits neurologiques, la danse aide aussi à faire la paix avec un corps qui change. Erica Hornthal, une thérapeute par la danse, explique qu’il ne s’agit pas de « réparer » son corps, mais plutôt de le redécouvrir et de bouger selon ses propres capacités, sans jugement.
C’est exactement ce qu’a vécu Dawnia Baynes, 44 ans, diagnostiquée avec la sclérose en plaques dans la vingtaine. Ses mains sont engourdies et elle a des problèmes d’équilibre. En rejoignant un programme de danse en ligne, non seulement sa coordination s’est améliorée, mais elle a aussi surmonté sa peur du regard des autres. « Voir d’autres personnes bouger comme moi, savoir que je n’ai pas besoin d’être une pro… ça m’a rendue à l’aise avec qui je suis en ce moment », dit-elle. C’est une véritable libération.
Créer une communauté pour briser l'isolement
L’un des plus grands cadeaux de la danse est sans doute le lien social qu’elle crée. Pour beaucoup, vivre avec une maladie chronique est synonyme de solitude. Danser en groupe aide à se sentir moins seul face à ses difficultés et à combattre l’isolement. C’est pourquoi de nombreux programmes s’ouvrent désormais à tous, pas seulement aux personnes malades.
David Leventhal raconte que pour beaucoup de participants, ces cours sont devenus une « bouée de sauvetage ». Son modèle, Dance for PD, a été adopté dans 300 communautés et 28 pays, s’adaptant même aux styles de danse locaux en Inde ou en Corée du Sud. Pour ces personnes, la danse n’est pas un simple loisir, c’est devenu une partie essentielle de la gestion de leur maladie et de leur bien-être.
Conclusion : un avenir plein de promesses et d'espoir
Même si la recherche n’en est qu’à ses débuts et que des études plus vastes sont nécessaires pour confirmer tous ces bienfaits, les témoignages et les premiers résultats sont extrêmement encourageants. Il reste à déterminer quels types de danse sont les plus efficaces, à quelle fréquence et pour qui.
Pour ceux qui n’aiment pas danser, le tai-chi ou le yoga peuvent être de bonnes alternatives. Mais pour ceux qui hésitent simplement à cause du regard des autres, les cours en ligne sont une solution parfaite pour danser chez soi, en toute tranquillité. La mission de Sarah Robichaud est claire : créer une communauté, une famille. Comme elle le dit, le message est un message d’espoir : « Nous voulons que vous ressentiez de la joie, que vous vous impliquiez davantage dans votre communauté, que vous exploriez les possibilités illimitées pour le reste de votre vie. »
Selon la source : readersdigest.ca