Les États-Unis rejettent les amendements de l’OMS : un choix risqué en cas de pandémie ?
Auteur: Adam David
Une porte vient de claquer au visage du monde. Un son sec, brutal, qui résonne depuis Washington et met fin à des années de murmures diplomatiques, de promesses chuchotées dans les couloirs des assemblées mondiales. Vendredi, l’Amérique de Donald Trump, revenue à la barre depuis janvier, a signifié son refus. Un refus net, sans appel, des garde-fous que la communauté internationale avait tenté de bâtir sur les ruines encore fumantes de la crise du Covid. Ces amendements, nés de la peur et de la raison, pensés pour que plus jamais le monde ne soit pris au dépourvu, sont désormais lettre morte pour la première puissance mondiale. L’Amérique a choisi la solitude.
Un serment dans le tonnerre
Le communiqué est tombé comme un couperet, porté par les voix du secrétaire d’État Marco Rubio et d’un ministre de la Santé, Robert Kennedy Jr., dont les échos de scepticisme vaccinal donnent à la décision une couleur particulière. Les mots sont pesés, martelés : « Nous placerons les Américains d’abord ». Chaque syllabe est une déclaration d’indépendance face à un ordre multilatéral jugé menaçant. Pour eux, ces règles, conçues à Genève dans le consensus de 194 nations, ne sont qu’une entrave, une menace pour le « droit souverain » de l’Amérique à tracer sa propre route, même au cœur de la tempête. Une politique qui, selon eux, porterait atteinte aux libertés les plus fondamentales, comme si le prochain virus pouvait être arrêté d’un simple décret protégeant l’individualisme.
Les murmures d’un monde encore fiévreux
Il faut se souvenir. Se souvenir des rues vides, du silence des capitales, des regards angoissés par-dessus les masques. C’est de ce traumatisme collectif qu’est né le Règlement sanitaire international (RSI) amendé en 2024. Il n’était pas un traité ambitieux, celui-là ayant échoué, mais un premier pas, un soupir de soulagement. Il introduisait la notion d’« urgence pandémique », un signal d’alarme mondial. Il parlait de « solidarité » et d’« équité », des mots qui sonnaient comme une promesse pour que les nations les plus fragiles ne soient plus les dernières servies. C’était une leçon tirée dans la douleur, une tentative de réparer une mécanique mondiale qui s’était grippée face à l’inconnu. Une leçon que Washington semble aujourd’hui vouloir oublier.
La forteresse de la souveraineté
Mais qu’est-ce que la souveraineté quand un ennemi invisible ignore les frontières ? Pour l’administration Trump, la réponse est un bouclier. L’Amérique se pense en forteresse, et chaque accord international est une brèche potentielle dans ses remparts. Le retrait de l’OMS, décidé dès janvier, n’était que le prélude. Ce rejet des amendements en est la conséquence logique. Il s’agit d’une vision du monde où la coopération est une faiblesse, où la main tendue risque la morsure. Peu importe que le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, se désole sur les réseaux sociaux, rappelant que jamais son organisation n’aurait pu imposer un confinement ou voler la souveraineté de qui que ce soit. Le dialogue est rompu. Le procès a été fait sans que l’accusé puisse plaider.
La page déchirée d’hier
Ce qui rend le geste plus vertigineux encore, c’est le souvenir d’un passé si proche. Hier, sous une autre présidence, une autre Amérique s’asseyait à la table des négociations. Certes, celle de Joe Biden avait bataillé, ferraillé sur la protection des brevets de ses vaccins, trésors de guerre technologiques. Mais elle était là. Son secrétaire d’État d’alors, Antony Blinken, avait même fini par saluer ces amendements, y voyant un « progrès ». Le mot flotte aujourd’hui dans l’air comme le fantôme d’une autre réalité. En quelques mois, la page a été non pas tournée, mais violemment arrachée. Le progrès d’hier est devenu l’hérésie d’aujourd’hui, illustrant la schizophrénie d’une nation en guerre avec elle-même autant qu’avec le reste du monde.
Conclusion : Le phare solitaire
Alors que le monde tente de cartographier les menaces de demain, l’Amérique a donc choisi d’éteindre sa lanterne et de naviguer à vue, seule. Cette décision n’est pas seulement une note de bas de page diplomatique ; c’est un pari sur l’avenir. Le pari que ses murs seront assez hauts, ses océans assez larges pour la protéger du prochain fléau. Est-ce un acte de force, l’affirmation ultime d’une liberté chérie ? Ou l’isolement tragique d’une nation qui, en voulant se protéger de tout, se condamne peut-être à affronter le pire, absolument seule ? La nuit tombe, et au loin, le phare américain, autrefois guide pour beaucoup, ne semble plus éclairer que ses propres rivages.
Selon la source : leparisien.fr