Lorsqu’une rage de dents fulgurante survient, souvent le soir ou durant un week-end, le recours aux remèdes naturels comme les huiles essentielles semble une solution providentielle. Prisées pour leurs vertus anesthésiantes, notamment celle de clou de girofle, elles promettent un soulagement rapide en attendant un rendez-vous chez le dentiste. Pourtant, derrière cette solution en apparence inoffensive se cache un danger bien réel. Selon plusieurs pharmaciens et toxicologues, cette pratique, loin d’être anodine, comporte des risques non négligeables si elle n’est pas strictement encadrée.
Une puissance anesthésiante à double tranchant
L’efficacité de l’huile essentielle de clou de girofle contre le mal de dents n’est pas un mythe. Elle est due à sa forte concentration en eugénol, une molécule aux propriétés anesthésiantes et antiseptiques puissantes. « C’est cette même molécule qui est utilisée de manière synthétisée dans certains pansements dentaires professionnels », explique Dr. Alain Fournier, pharmacien et toxicologue au CHU de Lyon. « Cependant, sa puissance est aussi son principal risque. Utilisée pure, elle peut provoquer des brûlures sur les muqueuses de la bouche et de la gencive, et son usage prolongé est fortement déconseillé sans avis médical. » Le soulagement immédiat peut ainsi masquer une aggravation ou une irritation locale sévère.
Le clou de girofle : des contre-indications strictes chez l’adulte
Avant d’appliquer la moindre goutte, il est impératif de connaître les contre-indications formelles. Les professionnels de santé alertent sur plusieurs profils à risque pour qui l’huile essentielle de clou de girofle est proscrite :
- Les femmes enceintes et allaitantes : en raison de risques potentiels pour le fœtus et le nourrisson.
- Les enfants de moins de 12 ans : leur organisme est trop fragile pour supporter une molécule aussi active.
- Les personnes sous traitement anticoagulant : l’eugénol peut interagir avec ces médicaments et augmenter les risques de saignement.
- Les personnes présentant des troubles de la coagulation : pour les mêmes raisons, l’automédication est ici dangereuse.
Ne jamais l’utiliser plus de cinq jours consécutifs est une règle d’or, même pour un adulte en bonne santé.
Un danger particulier pour les tout-petits
Face aux poussées dentaires de bébé, la tentation d’utiliser une solution naturelle est grande. L’huile essentielle de camomille romaine, plus douce, est souvent recommandée. Mais là encore, la vigilance est de mise. « On ne badigeonne jamais la gencive d’un nourrisson sans précaution », insiste Sophie Lemaire, pédiatre et auteure d’ouvrages sur la santé infantile. « L’huile essentielle de camomille doit être impérativement diluée dans une huile végétale comme l’huile d’olive, et ne doit jamais être utilisée chez un enfant de moins de trois mois. Le dosage doit être infime, car un surdosage peut provoquer des réactions cutanées ou des troubles digestifs. » Un test d’allergie préalable dans le pli du coude est également indispensable.
Les bons réflexes à adopter en attendant le dentiste
Si, et seulement si, vous ne présentez aucune contre-indication, les experts s’accordent sur des protocoles sécurisés pour un usage ponctuel. Ces gestes ne remplacent en aucun cas une consultation, mais peuvent offrir un répit temporaire.
Pour un adulte (rage de dents) :
- Mélangez 1 goutte d’huile essentielle de clou de girofle dans 4 gouttes d’huile végétale (tournesol, olive).
- Appliquez ce mélange sur un Coton-Tige, puis tamponnez délicatement la zone douloureuse, sans déborder sur la gencive saine.
- Ne pas renouveler plus de 4 fois par jour, et pas plus de 3 jours d’affilée.
Pour un bébé de plus de 3 mois (poussée dentaire) :
- Diluez 1 goutte d’huile essentielle de camomille romaine dans l’équivalent d’une cuillère à café d’huile végétale (environ 5ml).
- Appliquez 1 à 2 gouttes de ce mélange sur votre doigt propre et massez très doucement la gencive de bébé.
- Maximum 2 fois par jour, pendant 4 à 5 jours.
la priorité reste l'avis médical
Les huiles essentielles sont des concentrés de principes actifs puissants, pas de simples parfums. Leur utilisation en santé bucco-dentaire doit être considérée comme un acte thérapeutique qui exige connaissance et prudence. Le premier réflexe face à une douleur dentaire ne doit pas être le flacon d’huile essentielle, mais le téléphone pour prendre rendez-vous chez son dentiste. Lui seul pourra poser un diagnostic précis et proposer un traitement de fond. En matière de santé, le naturel n’est pas synonyme d’inoffensif, et la prudence doit toujours primer sur la précipitation.
Selon la source : passeportsante.net