C’est une bombe à retardement sanitaire. Alors qu’il compte déjà parmi les cancers les plus mortels, le cancer du foie pourrait voir son nombre de nouveaux cas quasiment doubler d’ici 2050. Ce scénario sombre, esquissé par une étude de la prestigieuse revue The Lancet, n’a pourtant rien d’une fatalité : il est la conséquence directe de facteurs de risque que l’on pourrait largement éviter.
Une vague mondiale qui enfle
Les chiffres ont de quoi donner le vertige. Actuellement sixième cancer le plus fréquent, le cancer du foie se hisse sur la troisième marche du podium en termes de mortalité. Une triste performance. Selon les projections du Global Cancer Observatory, si rien ne change, on passera de 870 000 nouveaux cas annuels à 1,52 million en 2050. Dans le même temps, le nombre de décès pourrait atteindre 1,37 million. Une hécatombe annoncée.
Sur le banc des accusés, un trio bien connu
Pas de coupable mystérieux derrière cette explosion. Sur le banc des accusés, on retrouve des facteurs de risque bien identifiés : la consommation de boisson festive, les infections virales chroniques comme les hépatites B et C, et la maladie stéatosique du foie liée au dérèglement métabolique (MASLD), nouveau nom de la « maladie du foie gras » souvent associée au surpoids et au diabète. Un cocktail détonnant qui ronge cet organe vital, souvent en silence.
Le paradoxe : un mal largement évitable
C’est peut-être le point le plus rageant de ce rapport. La commission du Lancet estime que trois cas sur cinq pourraient tout simplement être évités grâce à des politiques de santé publique adaptées. « Nous risquons de voir presque un doublement des cas et des décès (…) sans action urgente », prévient le professeur Jian Zhou de l’Université Fudan, à Shanghai, l’un des auteurs. Le drame, c’est que nous avons une partie des cartes en main.
Des causes en pleine mutation
Le visage de la maladie est aussi en train de changer. Si les efforts de vaccination et de traitement devraient faire légèrement reculer la part des hépatites B et C dans les décennies à venir, d’autres menaces prennent le relais. Les projections indiquent une hausse des cas liés au boisson festive (de 19 % à 21 % d’ici 2050) et, surtout, une augmentation de ceux liés à la maladie métabolique du foie (de 8 % à 11 %). Le reflet de nos modes de vie contemporains.
Alors, que faire ?
Face à ce mur, la commission ne se contente pas de sonner l’alarme ; elle esquisse une feuille de route. Concrètement, cela passerait par une meilleure couverture vaccinale contre l’hépatite B, la mise en place d’un dépistage universel pour identifier les porteurs de virus, mais aussi par des mesures plus coercitives. On pense notamment à la réglementation de boisson festive et du sucre, via des taxes et des messages d’avertissement clairs sur les produits.
L'urgence de la détection précoce
Le professeur Matt Hoare, de l’Université de Cambridge, met le doigt sur un autre point sensible : « La mortalité du cancer du foie continue d’augmenter, contrairement à d’autres cancers ». Pourquoi ? Parce qu’il est souvent diagnostiqué trop tard, lorsque les options thérapeutiques sont limitées. Renforcer les stratégies de détection précoce, notamment chez les populations à risque, devient donc un enjeu absolument capital pour inverser la tendance.
Un appel à une prise de conscience collective
« Avec des efforts conjoints et continus, nous pensons que de nombreux cas de cancer du foie peuvent être évités », affirme avec espoir la professeure Valérie Paradis de l’hôpital Beaujon, à Paris. Le rapport du Lancet n’est pas une prophétie, mais un avertissement. Il nous place face à nos responsabilités, individuelles et collectives. Des millions de vies dépendront des décisions, ou des non-décisions, que nous prendrons aujourd’hui.
Selon la source : passeportsante.net