Jusqu’à 30% du salaire en moins ? le projet choc du gouvernement pour loger les travailleurs migrants

Auteur: Mathieu Gagnon

2025-07-30 10:33:34

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Crédit: freepik

Les mots sont forts, et ils viennent du cœur. Un travailleur agricole migrant en Ontario, qui a préféré rester anonyme par peur de perdre son emploi, n’a pas mâché ses mots pour qualifier une nouvelle proposition du gouvernement fédéral. La source de sa colère ? L’idée que les employeurs puissent déduire jusqu’à 30 % du salaire de leurs employés pour couvrir les frais de logement.

C’est l’Alliance des travailleurs migrants pour le changement qui a tiré la sonnette d’alarme en partageant un document de travail du ministère de l’Emploi et du Développement social du Canada. Un document qui, pour beaucoup, a l’air d’une véritable provocation.

Un projet qui sème la discorde

Alors, de quoi parle-t-on exactement ? Le gouvernement envisage de créer un nouveau programme pour les travailleurs temporaires dans l’agriculture et la transformation du poisson. Sur le papier, une bonne nouvelle : les permis de travail ne seraient plus liés à un seul employeur, mais à un secteur d’activité. Sauf que ce programme ne verrait pas le jour avant 2027, au plus tôt.

Et c’est dans les détails que le bât blesse. Le document propose une fourchette pour les déductions de logement. Dans le pire des cas, un employeur pourrait prélever jusqu’à 30 % du revenu avant impôts d’un travailleur. Pour mettre les choses en perspective, cela représenterait environ 1 000 dollars par mois. Une somme colossale quand on connaît les salaires de ces travailleurs.

La parole d'un travailleur à bout

Le travailleur jamaïcain qui a témoigné est direct. « Je gagne 17,23 $ de l’heure », dit-il. Une fois les impôts payés, il lui reste environ 600 $ par semaine. Si on lui enlève encore une grosse partie pour le logement, que restera-t-il ?

« On dirait qu’ils veulent rendre le programme encore plus difficile », confie-t-il. « Si on me prend autant d’argent, je n’aurai plus rien à envoyer à ma famille ou même pour acheter à manger ici, juste pour survivre. » C’est une angoisse bien réelle. D’autant plus qu’on lui rappelle constamment qu’il est remplaçable, qu’il y a « 10 autres Jamaïcains qui attendent pour prendre [son] poste ». Difficile de se plaindre dans ces conditions.

Le gouvernement se défend, les associations s'insurgent

Du côté du gouvernement, on assure avoir mené de « vastes consultations » avec tout le monde : partenaires internationaux, industrie, et même les groupes de soutien aux travailleurs. Le processus de consultation est maintenant terminé et les fonctionnaires étudient les retours.

Mais cette défense ne convainc pas du tout les associations. Syed Hussan, directeur de l’Alliance des travailleurs migrants, qualifie cette proposition de « vol massif » de salaires « sans aucune amélioration de leurs conditions de vie ». Pour lui, c’est « incroyablement hypocrite », surtout quand on sait qu’un rapport de l’ONU a récemment qualifié le système canadien de « terreau pour les formes contemporaines d’esclavage ».

Des logements qui posent question

Payer cher pour un logement, c’est une chose. Mais pour quel type de logement ? C’est là que l’inquiétude grandit encore. Syed Hussan dénonce des normes de logement vagues et difficiles à faire respecter. Le document parle de ventilation « suffisante » ou de plomberie « adéquate ». Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? On est loin d’une proposition de 2020 qui exigeait, par exemple, une température intérieure entre 20 et 25 degrés.

Le témoignage du travailleur jamaïcain est d’ailleurs glaçant. Il raconte que lui et ses colocataires sont souvent obligés de rester dehors jusqu’à 22 ou 23 heures le soir pour que leur dortoir surchauffé puisse enfin refroidir. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de climatisation. Et le pire dans tout ça, c’est que c’est parfaitement légal, car les logements sont inspectés et approuvés en début de saison.

Conclusion : une fausse bonne idée ?

La promesse d’un permis de travail par secteur, qui permettrait de changer d’employeur, pourrait sembler être une avancée. Mais là encore, les militants sont sceptiques. Est-ce vraiment une solution ? Syed Hussan explique que non. Le nombre d’employeurs qualifiés est limité, et les travailleurs sont souvent dans des zones rurales avec une mauvaise couverture internet ou cellulaire. Comment un travailleur au Nouveau-Brunswick pourrait-il trouver un emploi en Colombie-Britannique ?

« Si on voulait une vraie mobilité, on leur dirait simplement : ‘Vous pouvez travailler où vous voulez’ », explique-t-il. Comme n’importe quel citoyen canadien. Pour l’Alliance des travailleurs migrants, la seule véritable solution pour que ces hommes et ces femmes puissent défendre leurs droits sans crainte est de leur accorder la résidence permanente. Une solution simple qui changerait tout.

Selon la source : thecanadianpressnews.ca

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