On la croyait endormie pour l’éternité, ou presque. Une cicatrice géologique de 40 millions d’années, figée dans l’immensité du nord canadien. Pourtant, la faille de Tintina, ce monstre qui sommeillait sous le territoire du Yukon, pourrait être sur le point de se réveiller et de déclencher un séisme majeur, changeant radicalement notre perception du risque dans cette région du monde.
Une certitude vieille de plusieurs décennies qui s'effrite
Imaginez une ligne de fracture de près de 1000 kilomètres, courant du Yukon jusqu’en Alaska. Pendant des décennies, le consensus scientifique la considérait comme une relique du passé, une faille inactive et donc inoffensive. Une simple note en bas de page sur les cartes sismiques, un risque quasi nul pour les quelques communautés vivant dans ces territoires reculés. Cette certitude vient pourtant de voler en éclats, sous l’œil de nouvelles technologies.
Quand la technologie révèle les cicatrices du passé
Tout a basculé grâce au travail d’une équipe de chercheurs canadiens. En combinant des images satellites à très haute résolution avec le Lidar, ce laser aéroporté capable de cartographier le relief avec une précision millimétrique, ils ont pu lire le sol comme un livre ouvert. Leurs analyses ont révélé des traces insoupçonnées : des déplacements de terrain significatifs, témoins de puissants séismes survenus il y a 2,6 millions d’années, puis de nouveau il y a 132 000 ans. La preuve que la faille n’était pas si endormie que ça.
12 000 ans de silence : le calme avant la tempête ?
Mais le plus troublant, ce n’est pas tant ce passé agité que le silence assourdissant qui a suivi. Car depuis environ 12 000 ans, plus rien. Du moins, aucune secousse majeure n’a été enregistrée le long de ce segment de faille. Or, en géologie, un long silence sur une faille active n’est jamais bon signe. Cela signifie que l’énergie, au lieu de se libérer par petites secousses, s’accumule inexorablement. La tension monte, millimètre par millimètre.
Un risque sismique désormais pris très au sérieux
Les scientifiques estiment que cette pression s’accumule à un rythme de 0,2 à 0,8 millimètre par an. Un chiffre qui peut paraître dérisoire, mais qui, sur des milliers d’années, prépare le terrain pour un événement brutal. Dans leur publication, parue dans la revue *Geophysical Research Letters*, les chercheurs ne mâchent pas leurs mots : ‘Si 12 000 ans ou plus se sont écoulés depuis le dernier grand séisme, la faille pourrait en être à un stade avancé d’accumulation de contraintes’. En clair, le risque d’une rupture est bien réel.
sous la taïga, la terre ne dort que d'un œil
Face à cette nouvelle menace, l’heure n’est plus au déni mais à l’action. Les chercheurs appellent à intensifier les recherches dites ‘paléosismiques’ pour mieux sonder le passé de la faille et déterminer la fréquence de ses colères. Il faut retourner sur le terrain, explorer ces immenses forêts qui pourraient cacher d’autres indices. Car sous le calme apparent de la taïga canadienne, la terre, elle, ne dort peut-être que d’un œil, et personne ne sait quand elle décidera de l’ouvrir complètement.
Selon la source : geo.fr