Longtemps considérée avec scepticisme, voire déniée par une partie du corps médical, l’encéphalomyélite myalgique, plus connue sous le nom de syndrome de fatigue chronique (SFC), vient de recevoir une validation scientifique de taille. Une vaste étude britannique a en effet identifié pour la première fois des marqueurs génétiques spécifiques chez les personnes atteintes. C’est un tournant qui pourrait bien changer la vie de millions de malades.
Une validation qui redonne de la crédibilité aux malades
Pour ceux qui vivent avec la maladie, cette nouvelle est bien plus qu’une simple avancée scientifique. « C’est énorme pour la communauté des patients », confie Andy Devereux-Cooke, lui-même atteint depuis 45 ans. Beaucoup ont dû affronter l’incrédulité, les remarques blessantes, le fameux « c’est dans votre tête ».
Cette étude apporte une « validité et une crédibilité » indispensables, comme le souligne Sonya Chowdhury de l’association Action for ME. Elle offre enfin une preuve tangible que non, leur mal n’est pas imaginaire. C’est une première victoire, symbolique mais essentielle, contre des décennies de scepticisme.
Dans les coulisses de l'étude DecodeME
L’étude, baptisée DecodeME, n’a pas fait les choses à moitié. Les chercheurs de l’Université d’Édimbourg ont mené une analyse d’une ampleur sans précédent. Ils ont comparé l’ADN d’un peu plus de 15 500 personnes diagnostiquées avec le SFC à celui de près de 260 000 personnes non malades, toutes d’ascendance européenne et basées au Royaume-Uni.
Le résultat est sans appel. « Nous avons trouvé huit signaux génétiques », explique le professeur Chris Ponting, qui a dirigé les travaux. Concrètement, cela signifie que huit régions précises du génome humain présentent des différences significatives chez les malades, indiquant une prédisposition génétique au développement du syndrome.
Le cerveau et le système immunitaire en première ligne
Alors, que nous disent ces signatures génétiques ? En creusant un peu, l’équipe a identifié 43 gènes potentiellement impliqués, dont 29 semblent particulièrement prometteurs. Et leur rôle n’est pas anodin. « On y trouve des gènes liés à la fois au système immunitaire et au système nerveux », précise Chris Ponting. L’activité de ces gènes semble particulièrement concentrée dans les tissus cérébraux, ce qui pointe vers une implication neurologique forte.
Un gène, en particulier, a attiré l’attention : RABGAP1L, lié au système immunitaire. Cette découverte fait écho à ce que rapportent la majorité des patients : le début de leurs symptômes a souvent suivi une infection, parfois banale en apparence. Pour Jackie Cliff, de l’Université Brunel de Londres, cela confirme une intuition partagée par de nombreux chercheurs : « J’ai toujours pensé qu’il y avait quelque chose de différent dans le système immunitaire des personnes atteintes du SFC. »
Des questions en suspens et le nerf de la guerre
Si cette étude est un pas de géant, le chemin reste long. Une énigme de taille demeure : pourquoi la maladie touche-t-elle bien plus les femmes que les hommes ? Pour l’heure, l’analyse n’a pas révélé de différences de risque génétique entre les sexes, mais les chromosomes sexuels X et Y n’ont pas encore été étudiés en détail.
La prochaine étape est claire : disséquer ces huit régions du génome pour comprendre comment ces variations génétiques se traduisent en mécanismes cellulaires. C’est la voie royale vers de potentiels outils de diagnostic et, un jour, des traitements. Mais le nerf de la guerre, comme souvent, c’est l’argent. « Il y a une pénurie absolue de financement », déplore Jackie Cliff, un constat amer pour une maladie aux conséquences si lourdes.
une maladie enfin sortie de l'ombre
L’enjeu est mondial. On estime que 67 millions de personnes souffrent du SFC à travers le monde. Rien qu’au Royaume-Uni, le coût pour l’économie est évalué à 3,3 milliards de livres sterling par an. « C’est une maladie oubliée et délaissée », martèle le professeur Ponting, « et qui, par conséquent, mérite toute notre attention et nos investissements. »
Le traitement n’est sans doute pas pour demain. Mais cette étude marque un avant et un après. Elle sort enfin la fatigue chronique de l’ombre pour la placer là où elle aurait toujours dû être : sur le terrain de la science. Pour des millions de personnes, l’espoir, lui, est déjà bien réel.
Selon la source : newscientist.com