La tétine pour adultes, surprenant remède anti-stress qui inquiète les médecins

Il suffit de quelques clics sur les géants du e-commerce chinois comme Taobao ou JD.com pour constater l’ampleur de l’offre. Vendues comme des aides au sommeil, des réducteurs de stress ou même des substituts à la cigarette, ces tétines pour adultes s’affichent à tous les prix. On en trouve pour quelques yuans à peine (un peu plus d’un euro) jusqu’à près de 70 euros pour les modèles les plus sophistiqués.

Et ça marche. Selon le South China Morning Post, certaines boutiques en ligne en écouleraient plusieurs milliers chaque mois, preuve d’une demande bien installée. Les arguments marketing sont simples, directs, et visiblement efficaces.

Mais pourquoi un tel engouement ? Les témoignages d’utilisateurs se ressemblent et dessinent le portrait d’un objet-doudou. Pour beaucoup, la succion procurerait un apaisement quasi immédiat, une sorte de bulle de tranquillité dans un quotidien stressant. Certains affirment que cela calme leurs nerfs au travail, d’autres que ça les aide enfin à trouver le sommeil.

« Je me sens à l’aise en la suçant », peut-on lire dans un commentaire d’acheteur. « Ça m’apporte un confort psychologique et ça m’évite d’être agité. » Un autre évoque un « sentiment de sécurité retrouvé, celui de l’enfance », lorsqu’il se sent sous pression. C’est simple, presque primaire.

Ce besoin de réconfort a un nom pour les psychologues : le phénomène de régression. Quand le présent devient trop lourd à porter, l’esprit peut se replier sur des comportements ou des objets associés à la sécurité et à l’insouciance de l’enfance. C’est une stratégie de défense, en somme.

La tétine n’est alors plus un simple objet en silicone, mais un raccourci symbolique vers une époque sans factures, sans réunions anxiogènes et sans insomnies. Un moyen de se déconnecter, même pour quelques instants, des responsabilités écrasantes du monde adulte.

Pourtant, le corps médical, lui, tire la sonnette d’alarme. Le Dr Tang Caomin, un dentiste de la province du Sichuan interrogé par la presse locale, rappelle une évidence : la bouche d’un adulte n’est pas celle d’un bébé. Les tétines, même de grande taille, ne sont pas conçues pour une dentition adulte.

Les risques sont loin d’être anodins. Une utilisation prolongée peut altérer l’occlusion dentaire, c’est-à-dire la façon dont les dents s’emboîtent, mais aussi provoquer des dommages aux articulations de la mâchoire. Plus inquiétant encore, dormir avec une tétine en bouche pourrait, selon le médecin, perturber la respiration. Dans le pire des cas, le risque d’étouffement n’est pas à écarter.

Le phénomène, d’abord cantonné à la Chine, commence à franchir les frontières, porté par la culture virale d’internet. Sur le réseau social TikTok, des vidéos émergent, montrant de jeunes adultes américains suçant leur tétine pour gérer un pic de stress au volant, pendant une journée de télétravail éprouvante ou simplement face à un sentiment d’épuisement.

Ce qui n’était qu’un outil de niche en Asie s’insinue peu à peu dans la culture mondiale du stress. Un micro-signal de plus que le mal-être des jeunes générations est un problème global qui cherche ses propres solutions, aussi étranges soient-elles.

Si la pratique peut prêter à sourire, elle en dit sans doute long sur notre époque. Elle illustre la quête parfois désespérée de soulagement dans un monde où la pression à la performance et l’anxiété sont devenues la norme pour beaucoup. Quand tout semble ingérable, on se raccroche à ce qui peut offrir ne serait-ce qu’une seconde de répit.

Parfois, c’est une grande respiration. Et parfois, visiblement, c’est un morceau de silicone.