Cela commence souvent par une simple ordonnance, un soulagement bienvenu pour une douleur tenace. Pourtant, derrière des médicaments aussi courants que le tramadol, la codéine ou la morphine, peut se cacher un véritable piège. Sans même s’en apercevoir, des milliers de patients basculent chaque année dans une dépendance qui dépasse largement le cadre du traitement. Un chiffre de l’OMS glace d’ailleurs le sang : à peine 10 % des personnes qui auraient besoin d’aide pour s’en sortir en bénéficient réellement. Savoir repérer les signaux d’alerte n’est donc plus une option, mais une nécessité.
Le premier signe : quand une dose n'est plus suffisante
Le premier indice est souvent discret, presque logique. Le comprimé qui suffisait hier semble aujourd’hui moins efficace. Alors, on passe à deux, puis à trois, parfois en se gardant bien d’en informer son médecin. Ce mécanisme, c’est la tolérance : le corps s’habitue à la substance et, pour obtenir le même apaisement, il en réclame toujours plus. C’est un engrenage particulièrement rapide avec les opioïdes, dont l’effet analgésique peut s’estomper vite en cas d’usage régulier.
Le rituel de l'anticipation : prendre un cachet « au cas où »
Un autre changement s’opère au niveau du comportement. La douleur n’est même plus là, ou à peine perceptible, mais l’heure, c’est l’heure. On prend son médicament par réflexe, par peur qu’elle ne revienne. Cette prise préventive, presque rassurante, est un basculement majeur. Le médicament n’est plus un outil pour gérer une douleur existante, mais une béquille psychologique pour prévenir une angoisse. C’est le signe que la consommation sort du cadre strictement médical pour devenir une habitude.
Quand le corps sonne l'alarme : les symptômes du manque
Et puis, il y a ces moments où l’on oublie une dose, ou que l’on tente de l’espacer. C’est là que le corps se rebelle. Sueurs, tremblements, une anxiété sourde, une irritabilité à fleur de peau, une fatigue intense… Beaucoup confondent ces symptômes avec un retour en force de leur mal initial. En réalité, il n’en est rien. Il s’agit de signaux de sevrage, la preuve physique que l’organisme est devenu dépendant et qu’il réclame sa dose pour fonctionner normalement.
Le secret et la dissimulation : la peur du jugement
Vient ensuite le temps du secret. Consciente, même confusément, que quelque chose ne va pas, la personne commence à dissimuler. On minimise sa consommation auprès des proches, on « oublie » de mentionner qu’on a augmenté les doses à son médecin, voire on change de praticien pour obtenir plus facilement une nouvelle ordonnance. Ce besoin de cacher les choses, parfois en inventant des douleurs, est un signal clair que le contrôle est en train de s’échapper. La honte et l’isolement s’installent.
L'ultime signal : l'incapacité d'arrêter seul
C’est peut-être le signe le plus criant, et le plus douloureux. Malgré une volonté sincère de réduire ou d’arrêter, c’est tout simplement impossible. Chaque tentative se solde par un mal-être physique et psychologique si intense que l’on finit par céder. L’idée même de passer une journée sans ses comprimés devient une source d’angoisse insurmontable. Cette perte totale d’autonomie est la confirmation qu’une aide extérieure est devenue indispensable.
Briser le silence : des structures existent pour accompagner
Cette spirale n’est pourtant pas une fatalité. Il est crucial de ne pas rester seul face à cette épreuve. En France, des structures comme les CSAPA (Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) accueillent gratuitement et confidentiellement toute personne en difficulté avec une consommation. Pour les plus jeunes, les Consultations Jeunes Consommateurs (CJC) offrent un espace d’écoute. Enfin, des groupes de parole comme ceux des Narcotiques Anonymes permettent de partager son expérience et de trouver un soutien précieux auprès de pairs.
un enjeu de santé publique silencieux
La dépendance aux antidouleurs n’est pas une question de volonté ou une faiblesse morale, mais une réelle pathologie qui peut toucher n’importe qui. Elle s’installe à bas bruit, derrière la façade rassurante d’un traitement médical. Apprendre à en reconnaître les premiers signes, pour soi-même ou pour un proche, est le premier pas, le plus essentiel, pour éviter que le remède ne se transforme en poison.
Selon la source : passeportsante.net