La mangue est-elle vraiment l’ennemie des diabétiques ? des études indiennes sèment le doute
Auteur: Mathieu Gagnon
Chaque été, c’est la même histoire. Dès que les étals se colorent de jaune et d’orangé, une question revient sans cesse chez les personnes diabétiques : « Docteur, ai-je le droit de manger des mangues ? ». Ce fruit, surnommé le « roi des fruits » en Inde, est un vrai plaisir de saison, mais il traîne une mauvaise réputation. On entend tout et son contraire : certains pensent qu’il faut l’éviter à tout prix, d’autres, à l’inverse, imaginent qu’en manger beaucoup pourrait même « guérir le diabète ».
La vérité, comme souvent, se trouve quelque part entre les deux. Un grand diabétologue de Mumbai, le Dr Rahul Baxi, le confirme : beaucoup de ses patients reviennent après la saison des mangues avec une glycémie en hausse. La coupable ? Souvent, une consommation excessive de ce fruit tant aimé. Cette peur a transformé ce plaisir estival en une source d’angoisse pour beaucoup. Et pourtant… de nouvelles recherches pourraient bien tout changer.
La science vient bousculer les certitudes
Accrochez-vous, car les vieilles recommandations diététiques sont peut-être sur le point de vaciller. Deux nouvelles études cliniques menées en Inde suggèrent quelque chose d’assez incroyable : manger de la mangue avec modération, à la place d’autres glucides comme le pain, pourrait en fait améliorer la glycémie et la santé métabolique des personnes atteintes de diabète de type 2.
Pour rappel, le diabète de type 2 (qui représente plus de 90 % des cas) survient lorsque le corps n’utilise plus correctement l’insuline. En Inde, où la mangue est une véritable institution, on compte 77 millions d’adultes diabétiques. Ces nouvelles découvertes sont donc un immense rayon de soleil pour des millions de gourmands.
Qu'ont-ils découvert exactement ?
Alors, concrètement, que disent ces études ? La première a comparé l’effet de trois variétés populaires de mangues indiennes (Safeda, Dasheri et Langra) à celui du pain blanc. Le résultat est sans appel : les mangues ont provoqué une augmentation du sucre dans le sang (la fameuse « réponse glycémique ») similaire, voire plus faible, que le pain.
Mieux encore : en surveillant en continu des personnes diabétiques, les chercheurs ont remarqué que les pics de sucre après le repas étaient beaucoup moins importants après avoir mangé une mangue. À long terme, cette stabilité est excellente pour le corps. La deuxième étude, menée sur huit semaines, a confirmé ces bienfaits. Des adultes diabétiques qui ont remplacé leur pain du petit-déjeuner par 250g de mangue ont vu des améliorations sur plusieurs points clés : leur glycémie à jeun, leur hémoglobine glyquée (la moyenne du sucre sur 3 mois), leur résistance à l’insuline, leur poids, leur tour de taille et même leur bon cholestérol !
Attention, ce n'est pas une invitation à se gaver !
C’est là que se trouve le point le plus important. Le professeur Anoop Misra, qui a dirigé l’étude, est très clair : « Ceci n’est pas un permis pour des festins de mangues illimités ». Le mot d’ordre est : la modération.
Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est simple. Si votre régime quotidien vous autorise 1600 calories, les calories de la mangue doivent faire partie de ce total, pas s’y ajouter. L’étude a utilisé 250g de mangue, ce qui représente environ 180 calories. Pour obtenir les mêmes bienfaits, il faut donc remplacer une quantité équivalente de glucides (comme le pain, les pâtes ou les pommes de terre) par la mangue. On ne l’ajoute pas, on la substitue. C’est toute la différence.
Comment bien manger la mangue : les conseils du docteur
Le Dr Baxi donne des conseils très pratiques à ses patients pour profiter de la mangue sans risque. Si votre glycémie est bien contrôlée, voici comment faire :
- Le contrôle des portions est la clé : visez environ une demi-portion (qui apporte 15g de glucides), une à deux fois par jour maximum.
- Mangez-la entre les repas : considérez-la comme une collation, pas comme un dessert après un repas déjà copieux.
- Associez-la intelligemment : pour ralentir l’absorption du sucre, mangez votre mangue avec une source de protéines ou de fibres, comme une petite poignée d’amandes ou un peu de fromage blanc.
- Fuyez les formes transformées : évitez absolument les jus, les nectars et les milkshakes de mangue. Ils sont souvent bourrés de sucres ajoutés et privés des fibres bénéfiques du fruit entier.
Un fruit qui raconte l'histoire d'un pays
En Inde, la mangue n’est pas juste un fruit. C’est un véritable symbole culturel, social et même politique. On parle de « diplomatie de la mangue », où des caisses de fruits soigneusement sélectionnées peuvent aider à sceller des accords ou apaiser des tensions. Des festivals sont organisés dans tout le pays pour la célébrer.
Chaque Indien a sa variété préférée, et les débats pour savoir laquelle est la meilleure sont passionnés ! Il existe plus de 1000 variétés de mangues en Inde. Celles du nord, comme la Langra ou la Dasheri, sont très sucrées. Celles du sud ont un goût plus subtil, entre le sucré et l’acide. Et la fameuse Alphonso, de l’ouest, doit son goût unique à un équilibre parfait entre sucre et acidité. Le poète Ghalib la décrivait même comme « un verre de miel scellé ».
Conclusion : alors, la mangue, amie ou ennemie ?
Finalement, la mangue n’est ni un poison à fuir, ni un remède miracle. C’est un plaisir de la nature qui, grâce à la science, retrouve sa place à table, même pour les diabétiques. Loin d’être l’ennemie jurée, elle pourrait même être une alliée, à condition d’être consommée intelligemment : avec modération, en remplacement d’autres glucides, et jamais sous forme de jus.
La clé, c’est l’équilibre. Alors, cet été, avec l’accord de votre médecin, vous pourrez peut-être savourer une tranche de ce fruit délicieux sans culpabilité. Une bonne nouvelle qui a le goût sucré de l’espoir.
Selon la source : bbc.com