Un mystérieux requin orange, unique au monde, au Costa Rica, la mer a rendu un trésor
Auteur: Adam David
C’est le genre de prise qui marque une vie de pêcheur. En août dernier, au large du parc national de Tortuguero, au Costa Rica, une sortie de pêche sportive s’est soldée par une rencontre hors du commun : un requin nourrice d’un orange presque irréel. L’océan a parfois des couleurs qu’on ne lui soupçonne pas.
Relâché après avoir été immortalisé, ce spécimen unique au monde est rapidement devenu une petite célébrité dans le milieu scientifique. Une étude publiée dans la revue *Marine Biodiversity* tente aujourd’hui de percer le mystère de sa pigmentation, soulevant des questions qui dépassent de loin ce simple cas.
Portrait d'un animal hors norme
Oubliez le gris-brun habituel du requin nourrice atlantique (*Ginglymostoma cirratum*). Celui-ci, un adulte d’environ deux mètres, arborait une livrée « jaune-orange intense ». Plus étrange encore, ses yeux étaient blancs, dépourvus de l’iris noir caractéristique de l’espèce. On a du mal à imaginer la scène.
Les chercheurs ont posé un diagnostic : un « albino-xanthochromisme ». Un terme un peu barbare pour décrire une double anomalie génétique. D’un côté, une forme d’albinisme qui réduit la mélanine (le pigment sombre), et de l’autre, un xanthisme qui, au contraire, surproduit des pigments jaunes. Le résultat est ce spécimen spectaculaire, premier cas scientifiquement documenté pour cette espèce dans la mer des Caraïbes.
Le paradoxe de la survie
Dans le monde impitoyable des océans, une telle couleur devrait être une condamnation. Être aussi visible, c’est s’exposer aux prédateurs sans pouvoir se cacher. C’est aussi renoncer au camouflage, si utile pour surprendre une proie. Pour un requin, c’est un handicap majeur.
Sans compter que ce type d’anomalie peut compliquer les interactions sociales, la reproduction, et parfois s’accompagner de troubles de la vision. Et c’est là que réside tout le paradoxe. Car ce requin était un adulte en parfaite santé. Sa taille et sa condition physique prouvent que, contre toute attente, sa couleur ne l’a pas empêché de grandir et de prospérer.
Une anomalie qui interroge
Forcément, une telle découverte ouvre la boîte de Pandore des questions scientifiques. « Est-ce un cas isolé ? Ou pourrait-il représenter une tendance génétique émergente au sein de la population régionale ? », s’interrogent les auteurs de l’étude. Une question simple, mais aux implications profondes.
Le contexte de la capture apporte peut-être un début de réponse. Le requin a été pêché à 37 mètres de profondeur dans une eau à 31,2 °C. Une température particulièrement élevée qui, selon les chercheurs, pourrait jouer un rôle dans l’expression de certaines mutations génétiques. L’environnement local influence-t-il l’ADN de ces animaux ?
quand un requin devient le miroir de l'océan
Ce requin orange est bien plus qu’une simple curiosité. Pour les scientifiques, ces phénomènes rares sont de précieux indicateurs. Dans une zone comme la mer des Caraïbes, qui subit de plein fouet le réchauffement climatique et d’autres pressions humaines, l’apparition de traits génétiques inhabituels pourrait être un signal.
Simple anomalie ou symptôme d’un écosystème en pleine mutation ? L’histoire de ce requin nous rappelle que les océans ont encore bien des secrets à nous livrer. Et que parfois, leurs habitants les plus étranges sont ceux qui ont le plus de choses à nous dire sur l’état de notre planète.
Selon la source : geo.fr