Le nez fracturé, le menton brûlé : l’interminable nuit d’une femme de 83 ans, abandonnée 13 heures au sol dans son Ehpad
Auteur: Adam David
Un nez fracturé, un œil au beurre noir, le menton comme brûlé et des hématomes partout sur le corps. C’est dans cet état que les enfants de Jeannine, 83 ans, ont retrouvé leur mère aux urgences le 24 juillet dernier. L’Ehpad Les Oliviers-de-Saint-Jean à Martigues, où elle réside, avait pourtant évoqué un simple incident, une résidente « coincée dans son lit ». Une version qui s’est vite fissurée, laissant place à un scénario de cauchemar.
Une version officielle qui ne tient pas la route
Dès le départ, l’histoire d’une simple chute entre le lit et le mur peine à convaincre. Pour Corinne, l’une des filles de Jeannine, le doute n’est pas permis : « Pour moi, ce n’est pas un accident, c’est de la maltraitance », assène-t-elle. Un sentiment rapidement partagé par le corps médical. « Leur version ne tient pas, on va faire des examens complémentaires », aurait confié un praticien à la famille, visiblement interpellé par la violence des blessures.
Les analyses médicales, premiers indices accablants
Les résultats ne se font pas attendre et ils sont sans appel. Une prise de sang révèle une rhabdomyolyse, un terme médical qui indique une dégradation sévère des muscles. C’est le signe quasi certain que la vieille dame est restée immobilisée au sol pendant de très longues heures. Comme si cela ne suffisait pas, des escarres au talon et à la hanche suggèrent un défaut de soins bien antérieur à cette nuit-là.
Ce que les caméras de surveillance révèlent
La vérité, ou du moins une partie, se trouve sur les bandes de la vidéosurveillance que la famille a pu consulter. Les images sont glaçantes. À 18h33, une aide-soignante entre dans la chambre de Jeannine et en ressort… une minute plus tard. « Ce n’est pas possible de la coucher en seulement une minute », s’étrangle sa petite-fille. Après ce passage éclair, plus rien. Le vide absolu jusqu’au lendemain matin, 13 heures plus tard.
Les registres de l’établissement, eux, racontent une tout autre histoire : celle, fictive, de passages réguliers durant la nuit. Un mensonge flagrant, exposé par la technologie.
Une découverte si choquante que les soignantes paniquent
Le lendemain, à 7h30, la caméra filme la scène de la découverte. Deux soignantes entrent et leur réaction est loin d’être anodine. « On voit l’une ressortir en courant et l’autre, affolée, avec des haut-le-cœur », raconte la petite-fille de Jeannine. La famille les confronte alors directement : « J’ai demandé : ‘Qu’est-ce qui vous a choquée autant, en tant que soignante, puisque ma grand-mère était censée être ‘seulement’ coincée ?’ Elles n’ont pas répondu ». Un silence qui en dit long.
Quand le doute laisse place à la certitude
Face à ces incohérences, et notamment à l’absence de sang dans la chambre alors que leur mère en portait encore les stigmates aux urgences, la famille a compris. Les explications confuses du directeur ont achevé de briser le peu de confiance qu’il restait. « On parle d’une octogénaire avec des fractures au visage, pas d’un bout de viande », s’indigne sa petite-fille. Aujourd’hui, Jeannine a été transférée. Elle est très affaiblie et a perdu plus de sept kilos.
L'affaire Jeannine, la pointe de l'iceberg ?
Cette affaire pourrait bien ne pas être un cas isolé. D’autres témoignages commencent à émerger et dessinent le portrait d’un établissement à la dérive. Une ancienne employée, licenciée après avoir dénoncé des pratiques indignes, parle de chutes camouflées et de recrutements de personnel non diplômé. L’Ehpad, qui appartient au groupe Entraide, avait déjà fait l’objet d’une plainte l’an dernier et de signalements à l’Agence Régionale de Santé (ARS).
la justice pour Jeannine, et pour les autres
Aujourd’hui, la famille de Jeannine, assistée d’une avocate, s’apprête à saisir le procureur. Mais leur combat va plus loin. Ils veulent monter un collectif pour libérer la parole et éviter que d’autres drames ne se produisent. « Ce n’est pas que pour nous, c’est pour prévenir les familles afin qu’il n’y ait plus de victimes », expliquent-ils. Un appel à témoins a été lancé. L’établissement, de son côté, reste pour l’instant silencieux face aux sollicitations de la presse.
Selon la source : aufeminin.com