Vivre plus longtemps avec alzheimer : le sursis qui met les proches aidants à rude épreuve
Auteur: Adam David
C’est une nouvelle en demi-teinte, un de ces progrès qui soulèvent autant d’espoirs que de questions. Les personnes atteintes de troubles neurocognitifs majeurs, comme la maladie d’Alzheimer, vivent plus longtemps. Mais ce gain d’années de vie, révélé par une vaste étude internationale, met en lumière une réalité souvent invisible : le fardeau grandissant qui pèse sur les épaules des proches aidants.
Une tendance mondiale, mais pas universelle
Le constat émane d’une étude d’envergure publiée dans la prestigieuse revue Nature, portant sur 1,2 million de personnes de 60 ans et plus. Les chercheurs ont observé une baisse constante du risque de mortalité dans plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, la Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et l’Ontario, au Canada. C’est un signal fort.
Pourtant, le tableau n’est pas uniforme. En Allemagne ou en Finlande, aucune tendance claire ne se dégage. Pire, la Nouvelle-Zélande enregistre même une hausse de la mortalité. Ces disparités géographiques suggèrent que la prise en charge et les systèmes de santé jouent un rôle déterminant.
Au québec, des années de vie qui bousculent les familles
Et le Canada ne fait pas exception à la tendance globale. L’étude révèle qu’une personne de 60 à 64 ans diagnostiquée vit en médiane près de cinq ans de plus. Un chiffre qui ne diminue que très lentement avec l’âge. Une réalité qui trouve un écho direct dans les données québécoises : après le diagnostic d’Alzheimer, l’espérance de vie moyenne est de six ans, mais elle peut s’étirer jusqu’à vingt ans. Vingt ans, c’est une vie.
Le répit, ce mot qui revient comme un cri du cœur
Derrière ces statistiques se cache une tension humaine palpable. Pour Sylvie Grenier, directrice générale de la Fédération québécoise des Sociétés Alzheimer, l’urgence est d’adapter les services. « La pression est très grande pour le répit, que ce soit à domicile ou en hébergement », confie-t-elle. Les associations locales sont surchargées, prises d’assaut par des familles à bout de souffle.
« Plus la maladie prend de l’espace chez la personne qui en est atteinte, plus le proche aidant va avoir besoin de soutien », explique Mme Grenier. Ce n’est pas un besoin ponctuel, mais une nécessité qui grandit avec le temps, une course de fond où chaque pause devient vitale.
L'usure ne vient pas toujours d'où on l'attend
Mais qu’est-ce qui pèse si lourd sur les épaules des aidants ? Contrairement à l’idée reçue, ce ne sont pas tant les pertes de mémoire ou les troubles du langage. « C’est souvent plus les symptômes psychologiques et comportementaux », précise le Dr Félix Pageau, gériatre au CHU de Québec. L’agressivité, les hallucinations, les fugues en plein hiver… Voilà ce qui use, ce qui épuise les réserves d’énergie et de patience.
Une nuance, toutefois : le rôle d’aidant n’est pas dénué de sens. Pour certains, « ça peut être très bénéfique même, de redonner à un parent aimant », rappelle le médecin. Mais le risque d’épuisement est réel si l’on se pousse au-delà de ses limites.
Mieux diagnostiquer pour mieux accompagner
Alors, comment expliquer ce gain d’années de vie ? Plusieurs facteurs se conjuguent. D’abord, on diagnostique plus tôt. « Plus tôt on a un diagnostic, mieux c’est », martèle Sylvie Grenier. Cela ne guérit pas, mais permet de « travailler au maintien des capacités » et de donner à la personne un certain pouvoir sur sa santé cognitive.
Ensuite, la médecine a fait des bonds de géant. Le Dr Pageau évoque les ponctions lombaires ou les scanners spécialisés capables de détecter les protéines toxiques responsables. Sans oublier l’impact, désormais prouvé, d’une bonne hygiène de vie pour retarder la progression de la maladie.
Le défi n'est plus de vivre plus, mais de vivre mieux
Vivre plus longtemps avec Alzheimer est sans conteste une victoire de la science. Mais cette victoire a un coût social que l’on commence à peine à mesurer. Les systèmes de santé, conçus pour des maladies aiguës, sont mal adaptés à cet accompagnement au long cours. L’enjeu n’est plus seulement de prolonger la vie, mais de s’assurer qu’elle vaille la peine d’être vécue, pour les malades comme pour ceux qui les aiment. Et pour cela, le soutien aux proches aidants n’est plus une option, c’est une condition sine qua non.
Selon la source : lesoleil.com