Enfants et santé : face à une exposition massive (98 %), l’État revoit sa stratégie
Auteur: Adam David
C’était une promesse forte, attendue par près de 70 % des Français : encadrer drastiquement l’usage des écrans chez les plus jeunes. Pourtant, le plan ambitieux, fruit du travail d’une commission d’experts, semble aujourd’hui enterré dans les couloirs de l’Élysée. Un revirement qui laisse médecins et parents démunis face à une urgence sanitaire de plus en plus visible.
Un plan né de l'urgence
Tout partait d’un cri d’alarme, celui des pédiatres et des psychiatres qui, depuis des années, voient les dégâts s’accumuler : troubles du langage, de l’attention, du sommeil… En réponse, Emmanuel Macron avait commandé un rapport à une commission d’experts, coprésidée par la neurologue Servane Mouton et le psychiatre Amine Benyamina. Leurs conclusions, remises en avril 2024, devaient servir de base à une action rapide et décisive.
« On nous a demandé ce rapport dans un délai extrêmement court, avec l’engagement d’agir vite », confie, non sans amertume, Servane Mouton. « Aujourd’hui, il semble avoir été mis sous le tapis ». Une douche froide pour tous ceux qui espéraient un signal fort.
Des mesures radicales pour protéger les cerveaux
Le document n’avait rien d’une simple note d’orientation. Sur la base de dizaines d’études scientifiques, les 29 recommandations formaient un véritable bouclier sanitaire. Interdiction totale des écrans avant 3 ans, âge crucial pour le développement. Usage très limité et toujours accompagné jusqu’à 6 ans. Pas de smartphone avant 11 ans, et aucun accès aux réseaux sociaux avant 15 ans, sur des plateformes dites « éthiques ».
Le plan allait plus loin, proposant de bannir les écrans des écoles maternelles et d’imposer des avertissements clairs sur les téléphones, à la manière des paquets de cigarettes. L’idée était de faire de la surexposition un enjeu de santé publique, au même titre que l’alimentation ou le tabac.
Sur le terrain, une réalité déjà palpable
Loin des rapports ministériels, la réalité est déjà là. Une enquête en Auvergne-Rhône-Alpes chiffre le temps d’écran moyen d’un enfant de plus de 2 ans à 66 minutes par jour en semaine, et bien plus le week-end. Les données de la cohorte nationale Elfe sont encore plus parlantes : à 5 ans et demi, 98 % des enfants regardent la télévision chaque semaine.
Ces chiffres ont des visages. Ceux de ces tout-petits qui arrivent épuisés à la crèche, de ces élèves de maternelle incapables de se concentrer, ou de ces familles qui consultent pour gérer des crises de colère au moment de couper la tablette. Un début de dépendance, s’inquiètent les pédiatres.
Lobbies et couloirs ministériels : le grand silence
Alors, pourquoi un tel blocage ? Si personne ne le dit ouvertement, les regards se tournent vers l’influence des géants du numérique. « Dans un secteur où autant d’intérêts financiers sont en jeu, il est difficile d’imaginer qu’il n’y ait pas de pressions », souffle Servane Mouton. Une peur de freiner l’innovation ou de s’attaquer à un lobby puissant aurait-elle eu raison de l’urgence sanitaire ?
Du côté des ministères, on se veut rassurant, on assure que « le sujet n’est pas abandonné », qu’une campagne de communication est dans les tuyaux. Une réponse bien mince face à l’ampleur du problème, qui sonne pour beaucoup comme une façon de gagner du temps.
Un rendez-vous manqué ?
En attendant une décision politique qui ne vient pas, le compteur tourne. Chaque jour, des milliers d’enfants sont exposés sans filtre ni cadre à un environnement numérique qui n’a pas été conçu pour leur cerveau en développement. Les experts ont parlé, les citoyens ont exprimé leur soutien, mais le dernier mot reste suspendu à une volonté politique qui semble s’être évanouie.
Ce retard n’est pas anodin. Il pourrait bien être ce fameux rendez-vous manqué, dont la facture sanitaire et sociale pourrait, demain, être lourde à payer.
Selon la source : passeportsante.net