Le chiffre, brutal, est posé par l’INSEE : en France, près d’un enfant sur deux élevé par une mère seule grandit sous le seuil de pauvreté. Face à des loyers qui s’envolent et un quotidien qui ressemble souvent à une course contre la montre, une idée, venue des États-Unis, commence à faire son chemin : les « mommunes ». Derrière ce mot-valise se cache une réalité simple : des mères qui décident de vivre sous le même toit pour mutualiser les frais, le temps et la charge mentale. Plus qu’une simple colocation, c’est une réinvention du foyer.
La double peine de la monoparentalité
Pour comprendre l’attrait de ce modèle, il faut d’abord se pencher sur ce qu’il cherche à résoudre. Pour beaucoup de mères célibataires, le quotidien est une équation quasi insoluble. Il y a d’un côté la pression financière, écrasante, où le moindre imprévu peut faire basculer un budget fragile. De l’autre, un isolement social et un épuisement psychologique que les aides publiques, aussi nécessaires soient-elles, peinent à combler. C’est cette double peine, économique et humaine, qui pousse de plus en plus de femmes à chercher des solutions en dehors des sentiers battus.
L'étincelle américaine et le pouvoir des réseaux
Le concept n’est pas neuf, mais il a trouvé un nouveau souffle de l’autre côté de l’Atlantique, porté par l’adage « il faut tout un village pour élever un enfant ». Le terme « mommune » y est né, contraction de *mom* (maman) et *commune*. Le phénomène a explosé sur les réseaux sociaux, notamment grâce à des témoignages comme celui de Kristin Batykefer. Sa vidéo sur TikTok, où elle raconte sa vie en communauté avec une autre mère et leurs enfants, a été vue des millions de fois. « Quand l’une est malade, l’autre prend le relais pour les repas ou les enfants », résume-t-elle. Une évidence qui sonne comme une révolution pour beaucoup.
Concrètement, une bouffée d'air au quotidien
Imaginez. Le loyer est divisé par deux, voire trois. Les courses se font en commun, les repas du soir se partagent. Fini, les soirées seule face aux devoirs des enfants après une journée de travail éreintante. Quand l’une doit s’absenter pour un rendez-vous ou simplement pour souffler, une autre est là pour veiller sur les petits. Pour les enfants, c’est la promesse d’un environnement plus stable, avec des camarades de jeu à domicile et plusieurs figures adultes bienveillantes. Ce n’est plus seulement un logement, c’est un écosystème de soutien.
Bien plus qu'une simple question d'argent
Si l’argument économique est souvent le point de départ, les bénéfices, semble-t-il, dépassent de loin le simple portefeuille. Des plateformes comme Mommunes.org mettent en avant l’impact sur la santé mentale. Les mères retrouvent du temps pour elles, un espace pour se reconstruire professionnellement ou personnellement. Moins de stress pour la mère, c’est aussi moins d’anxiété pour l’enfant. En ce sens, ces communautés ne sont pas qu’une astuce pour boucler les fins de mois ; elles agissent comme un levier de bien-être et, potentiellement, de santé publique.
Et en France, on en est où ?
En France, le mouvement reste encore discret, presque souterrain. Il se développe à la marge, via des groupes Facebook ou des associations locales, particulièrement dans les grandes métropoles où se loger est devenu un luxe. Le modèle est séduisant, mais il soulève aussi son lot de questions. Comment gérer les inévitables conflits de la vie en communauté ? Quelle organisation pour les règles de vie, l’éducation, les finances ? Pour l’instant, tout repose sur la bonne volonté et des arrangements informels, faute de cadre légal adapté.
un modèle d'avenir ou un pansement sur la précarité ?
Alors, les mommunes sont-elles une tendance passagère ou l’esquisse d’une nouvelle forme de solidarité familiale ? Difficile à dire. Ce modèle ne remplacera jamais des politiques familiales ambitieuses. Il reste un pari audacieux, un bricolage social qui répond à une urgence. Mais il a le mérite de poser une question essentielle : et si, face à l’individualisme de nos sociétés, la solution était tout simplement de refaire collectif ? Une chose est sûre, l’idée fait son chemin, et elle raconte beaucoup de notre époque.
Selon la source : passeportsante.net