Quelques grammes, puis un kilo, puis cinq. Sur la balance, le verdict est parfois sans appel, et il ne s’explique ni par un changement de régime, ni par un manque d’exercice. Et si le coupable se trouvait dans notre armoire à pharmacie ? Cortisone, antidépresseurs, antidiabétiques… De nombreux traitements courants peuvent entraîner une prise de poids, un effet secondaire souvent tabou qui pèse lourd sur la santé et le moral des patients.
Un dilemme bien plus qu'esthétique
Car il ne s’agit pas simplement d’une question d’image. Comme le révèle une récente enquête de *60 Millions de Consommateurs*, ces kilos superflus peuvent ouvrir la porte à d’autres pathologies : risques cardiovasculaires accrus, diabète de type 2, hypertension. Le phénomène est si préoccupant que certains patients, désemparés, en viennent à stopper leur traitement en secret, avec tous les dangers que cela implique. Un véritable enjeu de santé publique, donc.
« La prise de poids doit être discutée entre le médecin et le patient », insiste le Dr Jean-Pierre Thierry, conseiller médical de France Assos Santé. Pour lui, la balance bénéfice-risque est claire : on ne peut accepter cet effet secondaire « que lorsque le traitement a un effet majeur sur la maladie ». Une discussion qui, malheureusement, n’a pas toujours lieu.
Antidépresseurs, corticoïdes : qui est sur le banc des accusés ?
La liste des médicaments potentiellement responsables est longue et touche des pathologies très répandues. En première ligne, on trouve certains antidépresseurs, notamment les plus anciens (tricycliques) et certains ISRS. Une étude espagnole a montré qu’un quart des utilisateurs pouvaient prendre plus de 5 % de leur poids initial. À l’inverse, des molécules comme la fluoxétine semblent plus neutres.
Les corticoïdes (prednisone, prednisolone…) sont aussi bien connus pour cet effet. Ils provoquent rétention d’eau et une redistribution des graisses qui se logent sur le haut du corps, donnant ce fameux « visage lunaire ». Près de 10 % des patients sous traitement long gagneraient plus d’un dixième de leur poids. Le même phénomène s’observe avec des antipsychotiques (olanzapine, rispéridone) ou encore certains antiépileptiques (gabapentine, valproate).
Le cas particulier des antidiabétiques : le paradoxe
Ironiquement, certains traitements contre le diabète peuvent eux-mêmes faire grossir. L’insuline, les glitazones ou les sulfamides hypoglycémiants peuvent ajouter 3 à 4 kilos en moins d’un an. Paul, 54 ans, diabétique de type 2, en sait quelque chose. Après des années sous metformine, un traitement neutre pour le poids, son passage à l’insuline s’est soldé par 5 kilos en quelques mois, aggravant ses douleurs articulaires et son essoufflement.
Son histoire est celle de milliers d’autres, pris en étau entre la nécessité de contrôler leur glycémie et l’impact du traitement sur leur quotidien. Heureusement, le tableau n’est pas tout noir. D’autres classes d’antidiabétiques, comme les analogues du GLP-1 (le sémaglutide, principe actif de l’Ozempic), provoquent au contraire une perte de poids significative.
Pourquoi le corps réagit-il ainsi ?
Il n’y a pas un seul mécanisme, mais plutôt un cocktail d’effets qui varient selon les molécules et les individus. Certains médicaments, comme les psychotropes ou les corticoïdes, semblent dérégler les signaux de satiété envoyés au cerveau, stimulant ainsi l’appétit. On a faim plus souvent, et pour des aliments plus riches.
D’autres vont plutôt ralentir le métabolisme de base, c’est-à-dire l’énergie que le corps brûle au repos. Résultat : à alimentation égale, on stocke davantage. Enfin, la fameuse rétention d’eau et de sel est un grand classique des corticoïdes et de certains anti-inflammatoires, provoquant un gonflement rapide qui se voit sur la balance.
Agir sans tout arrêter : les pistes pour limiter les dégâts
Face à cette situation, la pire des réactions serait de jeter ses médicaments à la poubelle. La première étape, essentielle, est d’en parler à son médecin. Parfois, un simple ajustement de la dose, un changement de molécule pour une autre de la même famille ou l’ajout d’un traitement complémentaire (un diurétique avec la cortisone, par exemple) peut faire une vraie différence.
En parallèle, l’hygiène de vie reste le meilleur allié. Sans se lancer dans un régime drastique, réduire sa consommation de sel et de sucres rapides peut limiter la rétention d’eau et le stockage. Maintenir ou démarrer une activité physique régulière, même douce, aide à réveiller un métabolisme endormi et à préserver sa masse musculaire. C’est un travail d’équipe, entre le patient et son soignant.
soigner le mal, sans en créer un autre
La prise de poids médicamenteuse n’est pas une fatalité, mais un effet secondaire qui doit être pris au sérieux. Il ne s’agit pas de diaboliser des traitements qui sauvent ou améliorent des vies, mais de reconnaître que soigner une maladie, c’est prendre en charge une personne dans sa globalité, avec son corps et son ressenti. Replacer ce dialogue au cœur de la consultation est sans doute la clé pour que le remède ne devienne pas, à son tour, une partie du problème.
Selon la source : passeportsante.net