L’alaska, ce trésor russe vendu pour une bouchée de pain : l’histoire d’une erreur colossale
Auteur: Mathieu Gagnon
On connaît tous l’Alaska de nom. C’est grand, c’est froid, et c’est aux États-Unis. Simple, non ? Eh bien, pas tout à fait. Ce que beaucoup ignorent, c’est que cet immense territoire de plus de 1,7 million de kilomètres carrés a un jour appartenu à la Russie. Oui, à la Russie !
Alors, comment un bout de l’empire des tsars a-t-il pu se retrouver sous la bannière étoilée ? C’est une histoire fascinante, pleine de mauvais calculs, de difficultés et de regrets. Une histoire qui, aujourd’hui encore, fait grincer quelques dents du côté de Moscou.
Quand l'alaska était russe : une histoire de fourrure
Remontons un peu le temps, jusqu’au 18ème siècle. C’est en 1732 qu’un navigateur russe, Ivan Fedorov, met pour la première fois le pied sur ces terres. Quelques années plus tard, en 1741, un autre explorateur, Vitus Béring, découvre les îles Aléoutiennes. Le nom « Alaska » vient d’ailleurs d’un mot de la langue locale qui voulait dire « grande terre ».
Mais qu’est-ce que les Russes allaient bien pouvoir faire si loin de chez eux ? La réponse tient en un mot : la fourrure. Le territoire regorgeait de loutres de mer, dont la fourrure se vendait à prix d’or. Rapidement, des comptoirs commerciaux ont été installés et une compagnie, la Compagnie russo-américaine, a été créée pour gérer tout ça. L’aventure commençait.
Le début des ennuis pour la russie
Le problème, c’est que cette chasse intensive a très vite tourné au vinaigre. Les loutres de mer ont été chassées jusqu’à leur quasi-disparition. Imaginez un peu : la principale richesse du coin qui s’évanouit… Les profits de la Compagnie russo-américaine ont alors chuté de manière spectaculaire.
On pourrait se dire que ce n’est qu’un petit souci, mais pour la Russie de l’époque, c’était une tuile. Le pays sortait tout juste d’une guerre très coûteuse, la guerre de Crimée (1853-1856), et les caisses de l’État étaient désespérément vides. L’Alaska commençait à coûter plus cher qu’elle ne rapportait.
Un territoire devenu un vrai fardeau
Il n’y avait pas que l’argent. Gérer l’Alaska depuis Saint-Pétersbourg, la capitale russe, était un vrai casse-tête. La distance était immense, les communications prenaient des mois, c’était quasiment impossible d’administrer correctement la colonie. D’ailleurs, il n’y a jamais eu beaucoup de Russes là-bas, à peine 2 500 personnes avant la vente.
Et puis, il y avait une menace qui grandissait. Le Royaume-Uni, grand rival de la Russie, était présent juste à côté, au Canada. Le tsar Alexandre II avait très peur que les Britanniques, avec leur puissante marine, ne décident tout simplement de s’emparer de l’Alaska. Un territoire si isolé était impossible à défendre. La situation devenait intenable.
Pourquoi vendre aux américains ?
Face à tous ces problèmes, la décision a été prise : il fallait vendre. Mais vendre à qui ? Pas question de céder le territoire aux ennemis britanniques, bien sûr. La solution la plus logique semblait être de se tourner vers une puissance amie, et à l’époque, les relations avec les États-Unis étaient plutôt bonnes.
L’idée était simple : mieux valait vendre l’Alaska pour un peu d’argent que de risquer de le perdre pour rien. Les négociations ont donc commencé avec Washington. Le tsar Alexandre II a donné son feu vert, et les choses se sont mises en place très rapidement.
Une vente pour une bouchée de pain
Le 30 mars 1867, l’affaire est conclue. Le prix de vente ? 7,2 millions de dollars. Cela peut sembler beaucoup, mais ramené à aujourd’hui, cela équivaut à environ 140 millions de dollars. Pour un territoire aussi gigantesque, c’est une somme qui paraît aujourd’hui ridicule. On parle d’environ 2 centimes par acre !
C’est une somme dérisoire quand on y pense. Les Russes se sont débarrassés d’un problème, c’est sûr, mais ils n’imaginaient pas une seconde ce qu’ils étaient en train de laisser filer entre leurs doigts. Le contrat a été signé, et le drapeau russe a été descendu pour laisser place au drapeau américain.
Un achat qui ne plaisait à personne
Le plus drôle dans cette histoire, c’est que personne n’était vraiment content de cette vente. En Russie, beaucoup ont crié à l’humiliation et à la trahison. Vendre un morceau de l’empire pour une misère, ça ne passait pas du tout.
Et aux États-Unis ? Ce n’était pas mieux ! La plupart des Américains pensaient que leur gouvernement avait fait une bêtise. La presse se moquait de cet achat, le surnommant « la folie de Seward », du nom du secrétaire d’État qui avait mené les négociations. Tout le monde pensait que l’Alaska n’était qu’un grand désert de glace inutile. Quelle erreur de jugement !
La bonne affaire du siècle, mais pour qui ?
L’avenir a vite donné raison aux Américains, et tort aux Russes. Peu de temps après la vente, on a découvert que le sous-sol de l’Alaska était incroyablement riche. On y a trouvé de l’or, du cuivre, du bois, du poisson en abondance, et surtout, d’énormes réserves de pétrole et de gaz. L’Alaska est devenue un véritable trésor.
En plus de ces richesses, le territoire a donné aux États-Unis une position stratégique très importante dans le Pacifique et face à la Russie. Finalement, l’achat qui semblait être une folie s’est révélé être l’une des meilleures affaires de l’histoire. Une affaire qui a de quoi donner des regrets éternels aux Russes.
Conclusion : et si la russie regrettait sa décision ?
Plus de 150 ans après, cette histoire résonne encore. En Russie, certains n’ont jamais vraiment digéré cette vente. Récemment, avec les tensions actuelles, des voix se sont même élevées pour dire que la Russie devrait « récupérer » l’Alaska. En 2022, un homme politique russe a même parlé d’organiser un référendum sur la question.
Bien sûr, cela reste des paroles en l’air, mais elles montrent à quel point cette vente est restée en travers de la gorge de certains. L’histoire de l’Alaska est la preuve qu’une décision prise à un moment donné peut avoir des conséquences immenses et inattendues des décennies plus tard. L’histoire est-elle vraiment terminée ? Seul l’avenir nous le dira.
Selon la source : slate.fr