On la savait coupable de nos toux, de nos crises d’asthme et de nos infarctus. Mais si la pollution de l’air était aussi responsable de la confusion dans nos esprits ? Une étude d’envergure, publiée dans la revue Science, vient de jeter un pavé dans la mare : l’exposition chronique aux particules fines serait directement liée à une forme de démence particulièrement redoutable, la démence à corps de Lewy.
La démence à corps de lewy, ce mal méconnu
Moins médiatisée qu’Alzheimer, la démence à corps de Lewy (DCL) est pourtant la troisième cause de démence neurodégénérative dans le monde, après Alzheimer et la démence vasculaire. Imaginez une maladie qui combine des troubles cognitifs, des hallucinations visuelles parfois très précises, une rigidité musculaire proche de Parkinson et des sautes de vigilance déroutantes. Son nom vient des « corps de Lewy », des amas d’une protéine, l’alpha-synucléine, qui s’accumulent anormalement dans les neurones et finissent par les détruire.
Ce que l'étude révèle : une corrélation troublante
Pour en avoir le cœur net, une équipe de l’Université Johns Hopkins a passé au crible les données de plus de 56 millions de patients américains sur une période de 14 ans. Le résultat est sans appel. Une exposition prolongée aux particules fines, ces fameuses PM2,5 si petites qu’elles s’infiltrent partout, augmente de manière significative le risque de développer une démence à corps de Lewy. L’association semble même plus forte que pour d’autres maladies comme Parkinson sans démence.
La preuve par le laboratoire
Les chercheurs ne se sont pas arrêtés là. En exposant des souris à des niveaux de pollution similaires à ceux des zones urbaines denses, ils ont vu le scénario se confirmer sous leurs yeux. Les animaux ont développé une atrophie cérébrale et des troubles cognitifs. Plus frappant encore, leurs cerveaux contenaient des fibres de protéine alpha-synucléine particulièrement toxiques et résistantes, des structures pathogènes quasi identiques à celles observées chez les malades humains. « Mettre ces résultats bout à bout montre une forte association », confirme le Pr Ted Dawson, l’un des auteurs principaux.
Comment la pollution pirate notre cerveau
Mais comment une simple particule de poussière peut-elle semer un tel chaos ? C’est une question de taille. Les PM2,5, mesurant moins de 2,5 micromètres, ne sont pas arrêtées par les barrières naturelles du corps. Elles pénètrent les poumons, passent dans le sang et, de là, voyagent jusqu’au cerveau. Une fois sur place, elles agiraient comme un catalyseur toxique, forçant la protéine alpha-synucléine à mal se replier sur elle-même. C’est le début d’une réaction en chaîne : ces protéines déformées s’agrègent, forment les corps de Lewy et asphyxient lentement les neurones.
Un enjeu majeur de santé publique
Cette découverte change radicalement la donne. Elle dessine la réalité inquiétante d’un retraité vivant près d’une autoroute ou d’un ancien chauffeur routier dont le déclin cognitif ne serait pas seulement dû à l’âge ou à la génétique, mais aussi à des décennies passées à respirer un air vicié. La bonne nouvelle, c’est que la pollution est un facteur de risque sur lequel on peut agir. Réduire les émissions des voitures et des industries, mieux gérer les feux de forêt ou limiter le chauffage au bois sont autant de leviers pour notre santé collective.
protéger nos poumons pour sauver nos esprits
En identifiant la pollution comme un déclencheur potentiel, sinon un accélérateur, de la démence à corps de Lewy, la science nous offre une nouvelle perspective sur la prévention. Comme le résume le Pr Xiaobo Mao, coauteur de l’étude : « Contrairement à l’âge ou à la génétique, la pollution est un facteur que nous pouvons changer ». Lutter pour un air plus pur n’est plus seulement un combat écologiste, c’est devenu une politique de santé cérébrale. Protéger ses poumons, aujourd’hui, c’est peut-être tout simplement protéger son cerveau pour demain.
Selon la source : passeportsante.net