C’est une simple roche, tachetée et couleur rouille, qui pourrait contenir une réponse à l’une des plus grandes questions de l’humanité. Découverte par le rover Perseverance de la NASA au fond d’un lit de rivière asséché, elle présente des indices troublants qui suggèrent la présence passée d’une vie microscopique sur Mars. L’enthousiasme des scientifiques est palpable, mais la prudence reste de mise.
Des taches qui racontent une histoire
Après plus d’un an d’analyse des données, le verdict est tombé. L’échantillon, prélevé dans une argilite (ou *mudstone*), s’est formé il y a des milliards d’années, lorsque les sédiments se déposaient lentement au fond d’un lac. Ce qui intrigue les chercheurs, ce sont ses motifs. Imaginez une pierre aux allures de peau de léopard, parsemée de points sombres comme des graines de pavot. Sur Terre, de telles structures sont parfois le résultat de réactions chimiques impliquant… des microbes.
Un indice, pas (encore) une preuve
C’est ce que la communauté scientifique appelle une « biosignature potentielle ». Un indice, donc, qui pourrait avoir une origine biologique, mais qui demande bien plus de données pour être confirmé. Car une autre possibilité existe : ces mêmes motifs auraient pu être créés par des processus purement géologiques, sans la moindre intervention du vivant. La nature est parfois une excellente imitatrice.
Joel Hurowitz, de l’université Stony Brook et auteur principal de l’étude parue dans *Nature*, précise que la roche date d’une période faste, il y a 3,2 à 3,8 milliards d’années, quand le cratère Jezero était encore un environnement aquatique propice à l’émergence de la vie.
L'enquête sur le terrain
Pour la NASA, la communication est un exercice d’équilibriste. « Il ne s’agit pas de vie en soi », a martelé Nicky Fox, une des responsables scientifiques de l’agence, lors d’une conférence de presse. Pas question de crier victoire trop vite. Le travail de Perseverance est un travail de fourmi. Depuis 2021, il arpente méthodiquement ce cratère, qui fut autrefois un delta luxuriant, prélevant des carottes de roche et de sol.
L’échantillon en question, baptisé « Sapphire Canyon », a été foré en juillet 2024 dans un affleurement rocheux nommé « Cheyava Falls », aux abords d’une ancienne vallée fluviale. Un lieu stratégique, où l’eau a un jour coulé à flots.
Dans le secret des minéraux
Le cœur de l’intrigue se niche dans la chimie. Les instruments du rover ont détecté deux minéraux clés : la vivianite (un mélange de fer et de phosphore) et la greigite (fer et soufre). Pour Joel Hurowitz, leur présence est révélatrice. « Sur Terre, explique-t-il, les réactions de ce type […] sont souvent provoquées par l’activité de microbes. »
En clair, ces minéraux pourraient être les « déchets » laissés par des micro-organismes après s’être nourris de la matière organique présente dans la boue du lac. Un métabolisme fossilisé dans la pierre.
Un cocktail chimique prometteur
Pour couronner le tout, la roche s’est révélée riche en carbone organique, en soufre, en phosphore et en fer oxydé (la rouille). « Cette combinaison de composés chimiques aurait pu constituer une riche source d’énergie pour le métabolisme microbien », remarque le chercheur. C’était, en quelque sorte, un garde-manger idéal pour d’éventuelles formes de vie primitives. Tous les ingrédients semblaient réunis.
Le verdict attendra le retour sur Terre
Alors, preuve de vie ou simple coïncidence géologique ? Impossible de trancher à des millions de kilomètres de distance. « La Nature a-t-elle conspiré pour présenter des caractéristiques qui imitent l’activité de la vie ? », s’interroge poétiquement Joel Hurowitz. Les données sont désormais à la disposition des chercheurs du monde entier pour tenter de percer le mystère depuis la Terre.
Mais le test ultime, la réponse définitive, ne viendra que lorsque l’échantillon de Sapphire Canyon, précieusement conservé dans un tube à bord du rover, fera le voyage retour. La vérité est là-bas, sur Mars, et elle attend son billet pour la Terre.
Selon la source : rts.ch