On le croyait simple planeur nocturne, un acrobate discret des forêts d’Amérique et d’Eurasie. Pourtant, le polatouche, ou écureuil volant, cachait un secret étonnant : sous une lumière ultraviolette, son pelage s’illumine d’un rose fluorescent. Une découverte fortuite qui force les biologistes à repenser tout ce qu’ils savaient de ce rongeur insaisissable.
Plus qu'un écureuil, un maître du vol plané
Oubliez l’image d’un simple écureuil. Ce qui distingue le polatouche, c’est sa capacité à se déplacer d’arbre en arbre sans toucher le sol. On l’appelle « écureuil volant », mais c’est un abus de langage. Il ne vole pas à proprement parler ; il plane. Grâce à une membrane de peau, le patagium, qui relie ses pattes avant et arrière, il se transforme en une sorte de parachute vivant.
En s’élançant d’une branche, il déploie cette membrane et peut ainsi parcourir des distances impressionnantes, parfois jusqu’à 80 mètres d’une seule traite. Sa queue plate, agissant comme un gouvernail, lui permet de manœuvrer avec une agilité déconcertante entre les obstacles. Un mode de vie aérien qui le rend difficile à observer.
La découverte d'une lumière inattendue
L’histoire de sa fluorescence a tout d’une heureuse coïncidence. En 2019, Jon Martin, un biologiste américain, arpentait une forêt la nuit, une lampe UV à la main. Il cherchait des lichens et des champignons, connus pour leur capacité à briller dans le noir. C’est alors que son faisceau a croisé la route d’un polatouche.
Et là, surprise : au lieu du sobre pelage gris-brun visible en plein jour, l’animal s’est illuminé d’un rose presque irréel. Intrigués, les chercheurs ont examiné d’autres spécimens, y compris des peaux conservées dans des musées depuis le XIXe siècle. Le constat était sans appel : tous les polatouches d’Amérique du Nord et centrale partagent cette étrange particularité, contrairement à leurs cousins écureuils, qui restent désespérément ternes sous les UV.
Pourquoi briller dans la nuit ?
Cette luminescence, rarissime chez les mammifères, pose une question fondamentale : à quoi peut-elle bien servir ? La première piste, et la plus évidente, est celle de la communication. Actifs la nuit, les polatouches possèdent des yeux capables de percevoir les ultraviolets. Cette lueur rose pourrait donc être un signal, une sorte de phare pour se reconnaître entre congénères dans l’obscurité quasi totale.
Dans les régions enneigées, cet effet serait même amplifié, la neige réfléchissant fortement les UV ambiants. Ce serait un peu leur canal de communication privé, invisible pour de nombreuses autres espèces.
L'hypothèse du camouflage par la lumière
Mais l’autre théorie est encore plus fascinante, car elle flirte avec le paradoxe : se rendre visible pour mieux se cacher. Le principal prédateur du polatouche est la chouette. Or, il se trouve que le plumage de certaines chouettes et hiboux présente lui aussi des pigments fluorescents dans les tons rosés. En imitant la signature visuelle de leur ennemi, les polatouches pourraient brouiller les pistes.
Une autre stratégie de camouflage consisterait à se fondre dans le décor. Les arbres où ils vivent sont souvent couverts de lichens et de champignons, eux-mêmes fluorescents. Leur pelage lumineux leur permettrait ainsi de se fondre dans cet environnement bioluminescent. Se fondre dans la masse, en quelque sorte.
Un acrobate lumineux menacé par l'ombre
Pourtant, derrière cette biologie presque magique se cache une réalité bien plus terre à terre. Le polatouche est un animal fragile, dont la survie dépend étroitement de son habitat : les vieilles forêts. Il a besoin des cavités des arbres morts pour nicher, des grands arbres pour se lancer et d’une canopée dense pour se déplacer.
Or, l’exploitation forestière qui élimine ces vieux arbres fragmente son territoire, créant des clairières infranchissables pour ce planeur. À cela s’ajoute la compétition avec l’écureuil gris, plus adaptable, et l’impact des pesticides qui déciment ses proies. Sans être officiellement classé comme espèce en danger partout, ses populations accusent un déclin inquiétant.
le secret d'une survie à déchiffrer
Selon la source : geo.fr