Des chercheurs étudient une crème solaire au pollen de camélia, efficace et sans impact sur les coraux
Auteur: Adam David
Le geste est devenu un réflexe estival, presque une seconde nature : s’enduire de crème solaire pour parer les assauts du soleil. Mais ce bouclier protecteur a un coût écologique lourd, particulièrement pour les récifs coralliens, aujourd’hui à l’agonie. Des chercheurs de Singapour pensent avoir trouvé une alternative surprenante, inspirée du pollen de camélia, qui protège la peau tout en laissant les coraux indemnes.
Un bouclier toxique pour les océans
Les récifs coralliens, poumons de la biodiversité marine, suffoquent. Victimes du réchauffement climatique qui provoque des épisodes de blanchissement massifs — près de 84 % des récifs mondiaux ont été touchés depuis 2023 —, ils subissent aussi l’assaut de la pollution chimique. En première ligne : nos crèmes solaires.
Chaque année, on estime que 14 000 tonnes de ces produits finissent dans les océans. Leurs filtres chimiques, comme l’oxybenzone ou l’octinoxate, sont de véritables poisons pour les coraux, accélérant leur déclin. Un paradoxe terrible : en nous protégeant d’un risque sanitaire bien réel, nous contribuons à détruire un écosystème vital.
Et si la solution était dans la nature ?
Face à cette impasse, une équipe de l’Université technologique de Nanyang (NTU) à Singapour s’est tournée vers une solution pour le moins inattendue : le pollen. « Nous voulions développer une crème solaire naturelle, abordable et efficace, non allergène et respectueuse de l’environnement », explique le professeur Cho Nam-Joon, qui a co-dirigé l’étude.
Leur intuition ? Le pollen est conçu par la nature pour survivre à des conditions extrêmes. Son enveloppe extérieure, la sporopollénine, est un biopolymère d’une résistance phénoménale, un bouclier naturel contre les UV qui protège le matériel génétique de la plante. C’est si robuste qu’on en retrouve des traces intactes dans des fossiles vieux de millions d’années.
Du pollen de camélia à un microgel transparent
Les scientifiques ont jeté leur dévolu sur le pollen de la fleur de camélia. L’un de ses avantages est d’être autogame, ce qui signifie qu’elle s’autoféconde et que son pollen est considéré comme non allergène. Grâce à un procédé doux, à base d’eau et sans produits chimiques agressifs, ils ont réussi à transformer ces grains de pollen en un microgel.
Une fois appliqué, le produit forme une couche transparente de quelques microns seulement, presque imperceptible. Le résultat est une protection solaire comparable aux standards du marché, avec un indice de protection (FPS) de 30, bloquant environ 97 % des rayons UV. À titre de comparaison, un gel similaire à base de pollen de tournesol n’atteignait qu’un modeste FPS de 5.
Une protection efficace et... rafraîchissante
Mais la surprise ne s’arrête pas là. Lors des tests sur des modèles murins, non seulement la crème a réduit significativement les dommages et inflammations cutanés, mais elle a aussi révélé un bénéfice inattendu : un effet rafraîchissant. La peau enduite du microgel restait jusqu’à 5 °C plus fraîche après 20 minutes d’exposition au soleil que celle protégée par une crème classique.
Cet effet s’expliquerait par les propriétés naturelles du pollen, qui absorbe moins d’énergie dans le spectre visible et infrarouge. Pour Andrew Tan Nguan Soon, expert en dermatologie non impliqué dans l’étude, cette capacité à « réduire naturellement la température de la peau promet un confort accru et une peau plus saine ».
L'épreuve du feu, ou plutôt de l'eau
Restait le test crucial : l’impact sur les coraux. Les chercheurs ont exposé des coraux de type *Acropora* dans des aquariums. Le résultat fut sans appel. Les coraux en contact avec une crème solaire standard ont complètement blanchi en deux jours, avant de mourir au sixième jour.
En revanche, ceux exposés au microgel de pollen de camélia sont restés en parfaite santé, conservant leurs couleurs vives même après 60 jours d’immersion continue. Une différence spectaculaire qui valide la promesse initiale du projet.
une lueur d'espoir pour les récifs ?
Le chemin est encore long avant de voir cette crème sur les étals de nos pharmacies. L’équipe doit maintenant évaluer son impact sur la faune en milieu naturel et lancer des essais cliniques sur l’homme. Si tout se passe bien, une commercialisation pourrait être envisagée d’ici cinq à huit ans.
Cette innovation ne sauvera pas à elle seule les récifs coralliens, dont le sort dépend avant tout de notre capacité à juguler le réchauffement climatique. Mais elle offre une piste prometteuse, qui rappelle que parfois, les solutions aux problèmes les plus modernes se cachent dans les mécanismes les plus anciens de la nature.
Selon la source : trustmyscience.com