Nutrition : une étude établit un lien entre régimes riches en graisses et altération de la mémoire à long et moyen terme
Auteur: Adam David
On le sait, le contenu de notre assiette influence notre santé cardiovasculaire, notre poids, notre bien-être. Mais son impact sur nos fonctions cognitives, et notamment sur notre mémoire, reste un champ d’exploration fascinant et complexe. Une nouvelle étude japonaise, menée sur des mouches du vinaigre, vient d’ajouter une pièce cruciale au puzzle, en montrant comment un régime riche en graisses peut directement saboter nos souvenirs à moyen et long terme.
La mouche, un cobaye précieux pour nos neurones
Pourquoi la drosophile, cette minuscule mouche qui tourne autour de nos corbeilles de fruits ? Parce que, malgré les apparences, cet insecte partage avec nous des voies métaboliques et neuronales étonnamment similaires. Plus simple à manipuler génétiquement qu’un rongeur, elle offre un modèle d’étude puissant. L’équipe de l’Université de Chiba a donc nourri des groupes de mouches pendant une semaine, les uns avec une alimentation standard, les autres avec un régime très gras.
Les résultats ne se sont pas fait attendre. Les mouches sous régime gras présentaient des taux de lipides et de glucose bien plus élevés, un peu comme un humain en situation de pré-diabète. Le premier signe que l’organisme était bel et bien chamboulé.
Le verdict des tests de mémoire
Pour évaluer l’impact sur la mémoire, les chercheurs ont utilisé un test olfactif bien rodé. Le verdict est sans appel. Si la mémoire à court terme, celle de quelques minutes, restait intacte, les choses se gâtaient sérieusement pour les souvenirs plus ancrés. La mémoire à moyen terme (testée après 3 heures) et surtout à long terme (après 24 heures) était significativement altérée chez les mouches nourries au gras.
C’est comme si le cerveau perdait sa capacité à consolider les informations sur la durée. Une observation qui fait écho aux difficultés cognitives parfois observées chez les personnes souffrant de troubles métaboliques.
Autophagie : quand le grand nettoyage cellulaire est perturbé
Mais comment expliquer ce lien ? Les scientifiques japonais pointent du doigt un processus fondamental : l’autophagie. Il s’agit, pour le dire simplement, du service de nettoyage interne de nos cellules. Des petites vésicules, les lysosomes, parcourent la cellule pour digérer et recycler les déchets, comme les protéines abîmées ou les organites défectueux. Un mécanisme vital pour maintenir les neurones en bonne santé.
L’étude, publiée dans PLOS Genetics, montre que le régime gras grippe cette belle mécanique. Les chercheurs ont constaté que la formation des vésicules de recyclage était freinée et que leur fusion avec les lysosomes ne se faisait plus correctement. Les déchets s’accumulent, la cellule fonctionne moins bien, et la mémoire trinque.
Une lueur d'espoir : le déclin n'est pas une fatalité
La conclusion la plus intéressante n’est peut-être pas la plus alarmante. Car les chercheurs ont aussi montré que ces dégâts n’étaient pas irréversibles. En stimulant artificiellement l’autophagie chez les mouches (via des modifications génétiques ou l’administration d’un composé connu, la rapamycine), ils ont réussi à restaurer leurs capacités de mémorisation, et ce, même sans changer leur régime alimentaire.
« Nos résultats suggèrent que le déclin cognitif induit par l’alimentation n’est pas irréversible », confirme Ayako Tonoki, l’autrice principale. Elle évoque des pistes simples pour relancer ce nettoyage cellulaire : « des changements de mode de vie favorisant l’autophagie, comme l’exercice physique ou le jeûne intermittent ».
vers de nouvelles stratégies préventives ?
Si cette étude a été menée sur des mouches, ses implications nous concernent directement. Elle lève un coin du voile sur la manière dont nos choix alimentaires peuvent, au niveau le plus microscopique, façonner la santé de notre cerveau. Comprendre ce lien entre nutrition, autophagie et mémoire ouvre la voie à de nouvelles stratégies de prévention contre le déclin cognitif lié à l’âge, comme la maladie d’Alzheimer.
Au-delà d’une simple mise en garde contre les excès, ces travaux pourraient accélérer l’identification de nutriments ou de thérapies capables de donner un coup de pouce à nos cellules pour qu’elles continuent, le plus longtemps possible, de faire le ménage dans nos souvenirs.
Selon la source : trustmyscience.com