Un zoo indien affirme posséder le grand singe le plus menacé au monde : une acquisition mystérieuse qui interroge sur ses origines
Auteur: Adam David
Il n’en resterait que 800, nichés au cœur des forêts d’Indonésie. Et pourtant, l’un d’eux serait aujourd’hui la vedette d’un zoo indien. L’orang-outan de Tapanuli, grand singe le plus menacé de la planète, est au centre d’une controverse qui jette une lumière crue sur les zones d’ombre du commerce international d’animaux sauvages.
Vantara, un projet pharaonique sous les projecteurs
Vantara n’est pas un zoo comme les autres. Inauguré en grande pompe en mars par le Premier ministre indien Narendra Modi, ce parc de 1 400 hectares se veut le plus grand au monde. Porté par Anant Ambani, fils de l’homme le plus riche d’Asie, le projet affiche des ambitions démesurées : 150 000 animaux de 2 000 espèces différentes.
Mais derrière la vitrine rutilante, les questions s’accumulent. La présence de cet orang-outan rarissime et d’autres espèces protégées a déclenché l’ouverture d’une enquête pour acquisition illégale. Si le parc a été blanchi par la justice indienne le 15 septembre, le verdict est loin d’avoir apaisé les esprits des experts, dont certains, craignant des représailles, ne s’expriment plus que sous couvert d’anonymat.
La version officielle peine à convaincre
Comment un tel animal a-t-il pu se retrouver dans l’État du Gujarat ? Selon les documents fournis par Vantara aux autorités, l’orang-outan serait arrivé entre 2023 et 2024 depuis les Émirats arabes unis. Le parc assure qu’il est né en captivité, seule exception qui permettrait de contourner l’interdiction de commerce édictée par la Cites (Convention sur le commerce international des espèces menacées).
Une explication qui sonne faux pour de nombreux spécialistes. Serge Wich, de l’Université John-Moores de Liverpool, le rappelle : l’espèce, identifiée seulement en 2017, est en danger critique et strictement protégée. Pour Panut Hadisiswoyo, fondateur du Centre indonésien d’information sur les orangs-outans, c’est même un choc : « Il n’existe aucun programme de reproduction en captivité pour ces orangs-outans en Indonésie ».
La piste d'une capture dans la nature
Les quelques tapanulis captifs recensés se trouvent tous dans des centres de soins en Indonésie. L’idée même qu’un individu ait pu être exporté pour un zoo privé semble aberrante. Erik Meijaard, expert de la conservation basé à Jakarta, est catégorique : si c’est bien un tapanuli, son acquisition est « presque inévitablement » illégale.
Un cas de figure loin d'être isolé
Reste une dernière hypothèse : et si l’animal n’était pas un vrai tapanuli ? La ressemblance avec d’autres espèces d’orangs-outans est forte, et seul un test ADN pourrait trancher. Mais le malaise persiste, car le cas de Vantara ne semble pas isolé.
Le zoo héberge aussi 26 aras de Spix, une espèce de perroquet bleu originaire du Brésil et dont le commerce est ultra-réglementé. Ils sont arrivés d’Allemagne en 2023, sans l’accord de Brasilia, qui a vivement protesté. Le secrétariat de la Cites lui-même reconnaît recevoir de « nombreux rapports » sur des transferts d’animaux menacés vers l’Inde. Concernant l’orang-outan, il a simplement indiqué que « la question est en cours d’examen ».
la conservation, un prétexte ?
Selon la source : geo.fr