World Rhino Day : malgré des progrès dans la lutte contre le braconnage, l’Afrique du Sud continue de perdre un rhinocéros par jour
Auteur: Adam David
Combien de rhinocéros vivent dans la réserve de Dinokeng, en Afrique du Sud ? Personne ne vous le dira. C’est un secret, au même titre que les détails de l’opération de sécurité qui les protège. Dans ce combat pour la survie, le silence est devenu la première ligne de défense contre les braconniers.
Alors que le monde célébrait ce lundi la Journée mondiale du rhinocéros, le pays-gardien de l’espèce dresse un bilan en demi-teinte. Des progrès indéniables, certes, mais assombris par une réalité macabre : chaque jour, un rhinocéros tombe encore sous les balles.
Des chiffres qui racontent deux histoires
L’Afrique du Sud abrite la plus grande population mondiale de rhinocéros noirs et blancs. Une responsabilité immense. Les chiffres, pourtant, racontent une histoire de progrès. Il y a dix ans, on comptait plus de mille rhinocéros tués chaque année. L’an dernier, ce chiffre est tombé à 420. Une victoire ? Pas tout à fait.
Car la macabre moyenne d’un rhinocéros abattu par jour persiste. Rien que pour les six premiers mois de cette année, 195 animaux ont été tués pour leur corne, un produit qui se vend parfois plus cher que l’or sur les marchés illégaux asiatiques, alimentant des réseaux de crime organisé.
Sur le terrain, la « dernière ligne verte »
Sur le terrain, la lassitude pourrait guetter. Mais pas ici. « S’il vous plaît, ne dites jamais à un ranger que nous n’allons pas gagner cette guerre », lance Marius Fuls, superviseur de la faune à Dinokeng. Pour lui et ses équipes, il n’y a pas d’alternative. « Si nous, les défenseurs de la nature, cessons de croire que nous allons gagner, alors nous avons déjà perdu. Nous sommes la dernière, la mince ligne verte avant l’extinction des rhinocéros. »
Même dans une réserve comme Dinokeng, qui n’a pas connu d’incident depuis des années, la pression est constante. « Il serait naïf de penser que le braconnage n’est pas une menace », confie Fuls. Une guerre de l’ombre, sans répit.
La technologie en renfort, jusqu'à la radioactivité
Cette guerre se mène aussi avec des armes du XXIe siècle. Drones, caméras à détection de mouvement, surveillance nocturne, intelligence artificielle… L’arsenal technologique est vaste. À Dinokeng, chaque rhinocéros porte un dispositif de suivi. Ailleurs, certaines réserves continuent de couper préventivement les cornes de leurs animaux pour les rendre sans valeur aux yeux des braconniers.
Une nouvelle frontière est même en train d’être franchie. Des scientifiques, en collaboration avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), ont lancé un programme pour injecter de faibles doses de matière radioactive dans les cornes. L’objectif : les rendre indétectables pour le rhinocéros mais facilement repérables aux frontières, et donc invendables. Une dissuasion d’un nouveau genre.
Quand le salut vient du ciel : la renaissance de l’opération rhino
Face à cette menace moderne, une stratégie historique fait son grand retour : le déplacement. Dans les années 1960, l’« Opération Rhino » avait sauvé le rhinocéros blanc du sud de l’extinction en déplaçant les quelques dizaines de survivants vers des zones plus sûres. Aujourd’hui, le principe renaît.
La fondation Peace Parks, par exemple, a récemment transféré près de 50 rhinocéros vers le parc national de Zinave, au Mozambique voisin, une zone autrefois décimée par le braconnage. Un pari audacieux, coûteux, mais qui porte ses fruits : pour la première fois en 40 ans, des rhinocéros foulent cette terre, et déjà huit petits y sont nés. « C’est une réussite incroyable », souligne Gillian Rhodes de la fondation, tout en rappelant que les taux de braconnage restent « dévastateurs ».
une lueur d'espoir sur le continent
L’Afrique du Sud n’est pas seule dans ce combat. L’Ouganda, où l’espèce avait été éradiquée, vient de célébrer la naissance de 17 rhinocéros dans un sanctuaire. Une réintroduction qui, selon le directeur de l’agence de la faune, est « une déclaration puissante que l’Ouganda a choisi la restauration plutôt que le désespoir ».
De la haute technologie aux déplacements audacieux, la lutte pour la survie du rhinocéros est multiforme. Elle témoigne d’une résilience et d’une ingéniosité remarquables. Mais le rappel quotidien des pertes montre que la guerre est loin d’être gagnée. La ligne verte est encore fragile.
Selon la source : apnews.com