On la croyait reléguée aux pages des livres d’histoire, associée aux sanatoriums d’un autre siècle. Pourtant, la tuberculose fait un retour aussi discret qu’inquiétant au Québec, où les cas atteignent des sommets inégalés depuis au moins dix ans. Un phénomène qui s’inscrit dans une tendance mondiale préoccupante.
Une courbe qui ne cesse de grimper
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Après une année 2024 record avec 464 cas, l’année 2025 s’annonce déjà dans la même lignée, avec 373 infections recensées à la mi-septembre. En l’espace de cinq ans à peine, depuis 2020, le nombre de cas a pratiquement doublé dans la province. Une progression rapide qui interpelle les autorités sanitaires.
« On ne veut pas créer un sentiment de panique », tempère d’emblée Cassi Bergeron-Caron, microbiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). « Mais c’est sûr que ce sont des taux records », concède-t-elle, soulignant un paradoxe bien réel.
Le nunavik, épicentre de la crise
Derrière cette tendance provinciale se cachent des réalités bien différentes. Si Montréal concentre logiquement le plus grand nombre de cas en chiffres absolus, c’est au Nunavik que la situation est la plus critique. En 2024, le taux de contamination y atteignait 648 cas pour 100 000 habitants, un chiffre alarmant qui a déjà coûté la vie à trois personnes ces dernières années.
« C’est un problème extrêmement complexe », confie Jessika Huard, coordonnatrice régionale en maladies infectieuses au Nunavik. Elle évoque une tendance « inquiétante », non pas par manque d’efforts sur le terrain, mais par un besoin criant de « beaucoup plus de ressources pour les travailleurs de la santé et des infrastructures ».
Loin de la psychose d'une contagion facile
Faut-il pour autant craindre une épidémie généralisée ? Pas si vite. La spécialiste de l’INSPQ se veut rassurante : la tuberculose n’est pas la COVID-19. Pour qu’il y ait contagion, une personne doit non seulement présenter des symptômes, mais aussi être en contact étroit et prolongé avec d’autres. On parle d’environ 100 heures cumulées.
« Les éclosions qu’on voit, c’est dans les familles ou entre des gens qui sont tous les jours dans le même bureau », précise Mme Bergeron-Caron. Vous ne risquez donc pas grand-chose en prenant le métro ou en faisant vos courses. Une nuance de taille, quand on sait qu’un quart de la population mondiale serait porteur de la bactérie, le plus souvent sous une forme latente et non contagieuse.
L'immigration, un facteur d'explication mondial
L’une des principales explications à cette hausse au Québec, comme ailleurs en Occident, est liée aux dynamiques migratoires. De nombreuses personnes arrivant de pays où la bactérie circule davantage peuvent être porteuses sans le savoir. La maladie se réactive parfois des années plus tard, à la faveur d’un affaiblissement du système immunitaire.
« Il y en a partout dans le monde. Plus les gens sont en contact, plus il y a de transmission », résume la microbiologiste. Elle plaide pour « un effort concerté mondial pour le suivi des cas », seule véritable solution pour endiguer le phénomène à la source, bien au-delà des frontières du Québec.
Reconnaître les signes et se soigner
Le symptôme d’alerte numéro un reste une toux qui s’éternise au-delà de deux semaines. S’y ajoutent parfois de la fièvre, des sueurs nocturnes, une perte de poids inexpliquée ou une grande fatigue. Dans les cas plus avancés, des crachats peuvent contenir du sang, signe que la maladie creuse des cavités dans les poumons.
La bonne nouvelle, c’est que la tuberculose se soigne très bien avec des antibiotiques. Au Québec, elle fait l’objet d’une surveillance étroite : c’est une maladie à déclaration et à traitement obligatoires. « Il y a des suivis rigoureux et des barrières pour ne pas que ça explose », assure Cassi Bergeron-Caron.
Entre vigilance et action ciblée
Le retour en force de la tuberculose au Québec n’est pas une fatalité, mais un rappel que les vieilles maladies ne meurent jamais vraiment. Face à cette situation, des mesures ciblées sont mises en place, comme la campagne de vaccination lancée en 2023 pour les nouveau-nés du Nunavik, où 65 % d’entre eux ont été immunisés l’an dernier. Une stratégie locale pour un problème global, qui illustre la nécessité d’une vigilance de tous les instants.
Selon la source : journaldequebec.com