Pourquoi certaines barbes ont-elles des zones sans poils ? Une explication scientifique
Auteur: Adam David
C’est une scène familière : dans la rue, au bureau, on croise ces hommes à la barbe dense et homogène, un véritable tapis de poils qui semble avoir poussé sans le moindre effort. Et puis il y a les autres, ceux qui luttent avec une pilosité clairsemée, des zones imberbes qui brisent le rêve d’une toison virile. Cette inégalité, presque une injustice pour certains, n’a rien à voir avec le hasard. Derrière ces trous se cache une mécanique hormonale et génétique bien précise.
Au fond, à quoi peut bien servir une barbe ?
Avant de comprendre pourquoi elle manque, il est intéressant de se demander pourquoi elle existe. La barbe est ce qu’on appelle un caractère sexuel secondaire, qui pointe le bout de ses poils à la puberté. Elle ne joue aucun rôle direct dans la reproduction, alors pourquoi la nature nous l’a-t-elle laissée ? Les pistes sont nombreuses, et pas toujours évidentes.
L’hypothèse la plus simple est celle de la protection. Comme tout poil, la barbe pourrait former une barrière contre le froid, le soleil ou les poussières. Un bouclier naturel, en quelque sorte. Mais Charles Darwin y voyait tout autre chose : un outil de sélection sexuelle. Une barbe bien fournie aurait pu, à travers les âges, servir à la fois à séduire les partenaires et à intimider les concurrents, en accentuant par exemple la taille de la mâchoire pour paraître plus menaçant.
Une étude plus récente, parue en 2020, avance une hypothèse plus… martiale. La barbe pourrait en fait amortir les coups au visage. En absorbant une partie de l’énergie d’un impact, elle protégerait la mâchoire. Une idée qui demande encore à être confirmée, mais qui ajoute une couche de mystère à cette parure faciale.
Une hormone aux commandes, mais pas seule
Si l’on parle pilosité masculine, le mot « testostérone » vient immédiatement à l’esprit. C’est vrai, cette hormone est le chef d’orchestre. Mais la véritable cheville ouvrière, ce n’est pas tant la testostérone elle-même que sa version surpuissante : la dihydrotestostérone, ou DHT. C’est elle qui, en se fixant sur les follicules pileux du visage, déclenche la croissance du poil.
Cependant, le secret d’une barbe dense ne réside pas dans la quantité de DHT qui circule dans le sang. Le facteur décisif, c’est la sensibilité de votre peau à cette hormone. Et cette sensibilité dépend du nombre de récepteurs à DHT présents sur les cellules de vos joues et de votre menton. Plus vous avez de récepteurs, et plus ils sont bien répartis, plus votre barbe sera uniforme et fournie. Autrement dit, avoir un taux de DHT élevé ne sert à rien si personne n’est là pour « entendre » le message.
L'ADN, ce juge de paix capillaire
Et qui décide de cette armée de récepteurs ? Votre code génétique, bien sûr. C’est une histoire de loterie, où plusieurs gènes tirent les ficelles. Le principal suspect est le gène du « récepteur aux androgènes » (AR), situé sur le chromosome X. C’est une information cruciale : ce chromosome X étant transmis par la mère, la prédisposition à avoir une barbe drue peut tout aussi bien venir de votre grand-père maternel que de votre père.
La sensibilité de ces récepteurs dépend de subtiles variations dans ce gène. Moins certaines séquences d’ADN se répètent, plus le récepteur est « à l’écoute » de la DHT, et plus la barbe pousse. D’autres gènes, comme LNX1 ou EDAR, entrent aussi dans l’équation, influençant la densité et la forme même des follicules. L’hérédité est donc reine : un père et un grand-père peu poilus donnent rarement un descendant à la barbe de bûcheron.
Peut-on vraiment tout mettre sur le dos de notre ADN ?
La génétique distribue les cartes, c’est un fait. Mais elle ne fait pas toute la partie. D’autres éléments, liés à notre environnement et notre mode de vie, peuvent moduler l’expression de ce potentiel génétique. L’âge est le premier facteur. La barbe continue souvent de se densifier jusqu’à la trentaine, au gré des fluctuations hormonales, avant de connaître un déclin progressif avec l’andropause.
L’hygiène de vie joue également un rôle non négligeable. Une alimentation équilibrée, un sommeil de qualité et une activité physique régulière contribuent à un équilibre hormonal sain. À l’inverse, le stress chronique est connu pour perturber ce système délicat et peut affecter la croissance des poils. Agir sur ces leviers ne transformera pas un visage imberbe en barbe fournie, mais peut aider à optimiser ce que la nature vous a donné.
accepter sa nature
En définitive, avoir des trous dans la barbe n’est ni une maladie, ni une anomalie. C’est simplement le reflet d’une signature génétique personnelle, une carte d’identité hormonale unique. Si les soins et une bonne hygiène de vie peuvent donner un coup de pouce, ils ne peuvent réécrire le code source qui sommeille en nous.
Plutôt que de voir ces zones moins denses comme un défaut, on peut aussi y voir une particularité. Après tout, l’uniformité est rarement synonyme de caractère. La barbe, qu’elle soit pleine, clairsemée ou absente, reste avant tout une affaire de perception et d’acceptation de soi.
Selon la source : science-et-vie.com