Une avancée majeure : des chercheurs transforment un rein de groupe A en groupe O avant transplantation
Auteur: Adam David
C’est une barrière médicale et humaine qui pourrait un jour tomber. Pour la toute première fois, des chercheurs ont réussi à transformer un rein de groupe sanguin A en un rein de groupe O, le rendant universellement compatible, avant de le transplanter avec succès sur un patient en état de mort cérébrale. Une avancée qui, bien que préliminaire, pourrait changer la vie de milliers de personnes en attente d’une greffe.
Le casse-tête de la compatibilité sanguine
Depuis les années 1950, la greffe de rein sauve des vies. Mais elle se heurte à un mur : la compatibilité des groupes sanguins. Les antigènes A et B, présents à la surface de nos organes, agissent comme des cartes d’identité. Si un organe est transplanté chez un receveur incompatible, son système immunitaire le rejette violemment, parfois en quelques minutes.
Ce sont les patients du groupe O qui paient le plus lourd tribut. Considérés comme « donneurs universels », ils ne peuvent, paradoxalement, recevoir d’organe que d’un autre donneur de groupe O. Résultat : leur attente sur les listes de greffe est souvent deux à quatre ans plus longue que pour les autres groupes. Une attente que beaucoup ne surmontent pas.
Changer l'organe plutôt que d'affaiblir le patient
Certes, des techniques pour contourner cette incompatibilité existent depuis la fin des années 80. Mais elles sont lourdes, exigeant de traiter le receveur pendant des jours pour affaiblir son système immunitaire et « filtrer » ses anticorps. Ces protocoles, complexes, reposent de plus quasi exclusivement sur des dons de personnes vivantes.
La nouvelle approche, elle, change radicalement de perspective. Plutôt que de s’acharner sur le système immunitaire du patient, pourquoi ne pas rendre l’organe lui-même neutre ? L’idée est d’utiliser un cocktail d’enzymes pour littéralement « gommer » les marqueurs sanguins de l’organe du donneur.
Des ciseaux moléculaires pour une toile blanche
Le secret réside dans deux enzymes, identifiées en 2019, qui agissent comme de minuscules ciseaux moléculaires. Leur mission : découper les antigènes A à la surface des vaisseaux sanguins du rein. « C’est comme enlever la peinture rouge d’une voiture et découvrir l’apprêt neutre en dessous », explique Stephen G. Withers, l’un des auteurs de l’étude. Une fois cette étape franchie, l’organe ne crie plus « étranger » au système immunitaire du receveur.
Concrètement, les chercheurs ont simplement ajouté ces enzymes au liquide de conservation qui maintient l’organe viable avant la greffe. En deux heures environ, le rein de type A était suffisamment « nettoyé » pour être considéré comme un organe de type O.
L'épreuve du feu : deux jours de fonctionnement
Une fois transplanté chez un patient en état de mort cérébrale – un modèle essentiel pour ce type de recherche –, le rein a commencé à fonctionner normalement. Il a produit de l’urine et filtré le sang sans aucun signe de rejet hyperaigu. Un succès. Pour pousser le test à ses limites, l’équipe a délibérément choisi de ne pas administrer les traitements anti-rejet habituels.
Pendant deux jours, tout s’est bien passé. Ce n’est qu’au troisième jour que les marqueurs du groupe sanguin ont commencé à réapparaître timidement à la surface de l’organe, déclenchant une légère réaction immunitaire. Les dommages observés étaient cependant bien moindres que lors d’une greffe incompatible classique.
une promesse d'équité
Loin d’être un échec, cette réapparition tardive des antigènes est une mine d’informations. « C’est la première fois que nous observons ce phénomène chez l’humain », souligne le professeur Withers. Cela donne des pistes précieuses pour affiner la technique et, peut-être, la combiner avec des traitements anti-rejet plus légers à l’avenir.
La route est encore longue avant que cette méthode ne devienne une pratique courante dans les hôpitaux. Mais ce premier essai réussi chez l’humain est bien plus qu’une prouesse technique. C’est la promesse d’un accès plus équitable à la transplantation, où la chance d’obtenir un organe ne dépendrait plus de son groupe sanguin.
Selon la source : trustmyscience.com