On dit qu’ils survivraient à tout, même au nucléaire… mais est-ce vraiment vrai ? Ce que la science révèle sur les cafards
Auteur: Adam David
C’est une image tenace, presque un cliché de film catastrophe : après l’apocalypse, seuls les cafards ramperaient encore dans les ruines de notre civilisation. Cet insecte, aussi détesté que fascinant, incarne l’idée d’une survie absolue. Mais cette légende urbaine, aussi séduisante soit-elle, résiste mal à l’épreuve des faits.
Aux origines du mythe : les fantômes d'Hiroshima
Tout serait parti des décombres fumants d’Hiroshima et de Nagasaki. La rumeur voulait que, là où toute vie avait été anéantie, les cafards pullulaient déjà. Une histoire frappante, mais qui manque cruellement de preuves. Tilman Ruff, professeur à l’Université de Melbourne et spécialiste des conséquences sanitaires du nucléaire, est formel : « Je n’ai jamais vu de preuve documentée qu’il y avait des cafards rampant dans les décombres ».
Il nuance toutefois, en apportant un détail plus sordide : « J’ai vu des photographies de personnes blessées à Hiroshima entourées de mouches ». Certains insectes ont donc pu survivre à l’explosion initiale, mais ils n’en sont pas sortis indemnes pour autant, même s’ils semblaient plus costauds que les humains.
Passés au crible : que dit la science ?
L’idée a même fait l’objet d’une célèbre expérience télévisée dans l’émission américaine *MythBusters*. En exposant des blattes à divers niveaux de radiation, ils ont confirmé une chose : oui, les cafards tiennent le coup bien plus longtemps qu’un être humain. Mais aucun n’a survécu aux doses les plus extrêmes.
Pour le biologiste Mark Elgar, ce test est de toute façon incomplet. Survivre, est-ce suffisant ? « Ils n’ont examiné que la durée de vie après l’exposition, pas la capacité à produire des œufs viables », explique-t-il. Or, sans reproduction, pas de survie de l’espèce. C’est là que le bât blesse.
Des concurrents inattendus pour le titre de champion
Pire encore pour leur réputation, les cafards ne sont même pas les champions de la radiorésistance dans le monde des insectes. Des études ont montré qu’ils sont six à quinze fois plus résistants que nous, ce qui est déjà notable. Mais la modeste mouche du vinaigre, par exemple, fait bien mieux.
Le professeur Elgar va même plus loin, en désignant un autre prétendant au trône : « On pourrait même dire que certaines fourmis, notamment celles qui creusent profondément dans le sol, auraient plus de chances de survivre à une apocalypse que les cafards ». Le bouclier de terre serait leur meilleure protection contre les radiations de surface.
Leurs vraies forces, et leur talon d'Achille
Alors, d’où vient cette réputation de « dur à cuire » ? Il faut le reconnaître, le cafard est un athlète de l’adaptation. Il se faufile partout, se reproduit vite, et résiste à une panoplie de produits chimiques. « Si vous essayez d’en écraser un, il dégage une odeur désagréable qui agit comme un moyen de défense efficace », ajoute Mark Elgar.
Mais toute cette panoplie de survie repose sur un besoin fondamental, leur véritable talon d’Achille : la faim. Un temps, ils pourraient se nourrir des cadavres et des matières en décomposition. « Mais si tout meurt, il n’y aura plus rien à manger, explique le biologiste. Et ils ne feront pas long feu. »
face à la bombe, nous sommes tous logés à la même enseigne
Au final, le mythe s’effondre face à la réalité glaçante d’un hiver nucléaire. L’onde de choc initiale, puis les radiations ionisantes qui déchirent l’ADN et contaminent durablement les sols, l’eau et la chaîne alimentaire, ne laisseraient aucune chance. Les leçons de Tchernobyl l’ont montré : tous les organismes, des insectes aux mammifères, y subissent des mutations, des tumeurs et voient leurs populations s’effondrer.
Le mythe du cafard invincible est donc surtout une projection de nos propres angoisses. Comme le résume sobrement Tilman Ruff : « Très peu, voire rien, ne survivrait à une catastrophe nucléaire majeure. À long terme, cela n’aurait pas d’importance que vous soyez un humain ou un cafard ».
Selon la source : geo.fr