Des oiseaux d’espèces différentes lancent le même cri d’alerte : une découverte qui défie l’évolution !
Auteur: Adam David
Imaginez un son. Un seul et même cri d’alerte, strident et bref, qui résonne de la même manière dans une savane zambienne, une forêt chinoise ou le bush australien. Ce qui est fascinant, ce n’est pas tant le cri lui-même que ceux qui le poussent : plus de vingt espèces d’oiseaux que des millions d’années d’évolution et des océans entiers séparent. Cette convergence acoustique, révélée par une étude récente, lève le voile sur une forme de communication animale bien plus complexe qu’on ne l’imaginait.
Un code universel né d'une menace commune
Tout part d’un même antagoniste : l’oiseau parasite. Le coucou en Europe, le vacher en Amérique, ou d’autres espèces similaires en Asie et en Australie, partagent une stratégie de reproduction redoutable. Ils pondent leurs œufs dans le nid d’autres oiseaux, laissant à ces hôtes involontaires le soin d’élever une progéniture qui n’est pas la leur, souvent au détriment de leurs propres petits. C’est face à cette menace existentielle que ce cri partagé semble avoir émergé, de manière totalement indépendante sur chaque continent.
C’est la conclusion troublante d’une équipe internationale de chercheurs, dont les travaux ont été publiés dans la revue Nature Ecology and Evolution. En analysant des enregistrements sonores et en menant des expériences sur le terrain, ils ont prouvé que ce « gémissement » court et aigu était structurellement quasi identique chez toutes les espèces étudiées. Le Cornell Chronicle précise même que certaines de ces espèces n’ont pas d’ancêtre commun depuis plus de 50 millions d’années. Et pourtant, le signal fonctionne. Lorsqu’on leur diffuse le cri d’une espèce inconnue venant d’un autre continent, les oiseaux locaux réagissent instantanément : ils se ruent pour défendre le nid.
L'instinct ne suffit pas : l'importance de l'apprentissage social
Alors, simple réflexe inné ? Pas tout à fait. Le mécanisme est en réalité bien plus subtil, un mélange fascinant d’instinct et d’acquis. L’alerte ne sert pas seulement à exprimer la peur, mais à recruter des renforts. En entendant le cri, les autres oiseaux des alentours, y compris ceux d’autres espèces, accourent pour harceler collectivement l’intrus et le chasser. C’est ce qu’on appelle le « mobbing ».
Mais comment un oiseau apprend-il à associer ce son précis à cette menace particulière ? Une étude de 2013, parue dans Biology Letters, avait déjà mis en lumière le cas du Mérion superbe, en Australie. Cet oiseau n’apprend à identifier le coucou comme un ennemi qu’en observant la réaction de ses congénères. Il voit les autres s’agiter, pousser ce cri spécifique, et il mémorise l’association. Dans The Conversation, les auteurs de la nouvelle étude confirment cette idée : si la capacité à réagir à une alarme est probablement instinctive, l’usage de ce cri précis est une compétence socialement transmise. Un savoir qui se propage de proche en proche, et même au-delà des barrières d’espèces.
Quand la communication animale bouscule nos certitudes
Cette découverte vient ébranler une idée longtemps tenue pour acquise : la supposée simplicité de la communication animale face à la complexité du langage humain. Dès 1871, pourtant, Charles Darwin émettait l’hypothèse que nos propres mots pourraient descendre de cris instinctifs, peu à peu affinés par l’usage. Le cri anti-coucou semble être une illustration vivante de cette intuition.
Ce son n’est pas juste l’expression d’une émotion, comme un cri de douleur. Il désigne quelque chose de précis dans le monde extérieur : « Attention, un parasite ! ». L’évolutionniste William Feeney, interrogé par New Scientist, insiste sur cette dimension « référentielle ». C’est ce qui le rapproche, fonctionnellement, d’un mot. On passe d’une communication sur son état interne à une communication sur le monde. Un pas de géant.
plus qu'un cri, un quasi-mot
Le Smithsonian Magazine va plus loin, décrivant ce signal comme un point médian entre les vocalisations purement instinctives et les mots que nous apprenons. Il s’agirait donc moins d’un langage que d’un code partagé, sculpté par les mêmes pressions évolutives sur des continents différents. Un exemple spectaculaire de la façon dont la nature, face à un problème identique, peut converger vers une solution identique.
Non, ces oiseaux ne parlent pas. Mais ils franchissent un seuil que l’on pensait être le propre de l’Homme : celui d’associer un son à une information, de l’apprendre des autres, et de le partager pour s’entraider. Même avec un parfait étranger. Et cela, en soi, suffit à nous inviter à écouter la nature avec un peu plus d’humilité.
Selon la source : science-et-vie.com