Une image révolutionnaire montre pour la première fois deux trous noirs en orbite l’un autour de l’autre
Auteur: Simon Kabbaj
C’est une première qui va entrer dans les livres d’histoire de l’astronomie. Pour la toute première fois, des scientifiques ont réussi à prendre une ‘photo’ de deux trous noirs en orbite l’un autour de l’autre, confirmant visuellement ce que la théorie prédisait depuis des décennies. Cette image incroyable, publiée le 9 octobre dans la prestigieuse revue The Astrophysical Journal, nous offre un aperçu d’une danse cosmique se déroulant à 5 milliards d’années-lumière de nous.
Comment a-t-on pu 'voir' l'invisible ?
On ne peut pas voir un trou noir directement, c’est vrai. Mais on peut voir ce qui se passe autour. Ces deux trous noirs ont été repérés grâce aux jets de particules extrêmement puissants qu’ils éjectent. C’est le premier auteur de l’étude, l’astronome Mauri Valtonen de l’Université de Turku en Finlande, qui l’explique : ‘Les trous noirs eux-mêmes sont parfaitement noirs, mais ils peuvent être détectés par ces jets de particules ou par le gaz incandescent qui les entoure’. C’est en combinant les observations de plusieurs radiotélescopes, sur Terre et dans l’espace, que les astronomes ont pu obtenir cette image d’une précision inédite.
Un couple pour le moins déséquilibré
Le couple de trous noirs est assez impressionnant. Le plus gros, surnommé OJ287, est un monstre supermassif dont la masse est environ 18 milliards de fois supérieure à celle de notre soleil. Son compagnon est plus petit, mais tout de même gigantesque. Ils sont enfermés dans une orbite qui dure 12 ans. C’est le jet du plus petit trou noir qui a particulièrement attiré l’attention des scientifiques : il se tord et oscille comme ‘un tuyau d’arrosage rotatif ou la queue d’un chien qui remue’, un mouvement provoqué par la danse orbitale des deux objets.
Un mystère qui remonte au XIXe siècle
L’objet OJ287 n’est pas un inconnu. Il est observé depuis la fin du XIXe siècle, bien avant même que l’on sache que les trous noirs existaient ! Les astronomes de l’époque avaient remarqué sur des plaques photographiques que cet ‘astre’ avait des variations de luminosité régulières. Ce n’est que dans les années 1980 que les scientifiques ont commencé à émettre l’hypothèse que ces flashs périodiques étaient causés par la présence de deux trous noirs en orbite, le plus petit traversant régulièrement le disque de matière du plus gros.
La clé : un télescope qui est allé 'à mi-chemin de la Lune'
Pour obtenir une image aussi nette d’un objet si lointain, il a fallu une astuce. Les chercheurs ont utilisé les données d’un satellite russe appelé RadioAstron (ou Spektr-R), qui a fonctionné de 2011 à 2019. ‘L’antenne radio du satellite est allée à mi-chemin de la Lune, ce qui a considérablement amélioré la résolution de l’image’, explique Mauri Valtonen. En combinant ce télescope spatial avec des télescopes au sol, ils ont créé un ‘télescope virtuel’ de la taille de la distance Terre-Lune, capable de distinguer des détails incroyablement fins.
Une petite incertitude demeure
Les scientifiques sont-ils sûrs à 100% ? Pas tout à fait. Ils restent prudents. Dans leur article, ils avertissent que les deux jets pourraient se superposer sur l’image, et qu’on ne peut donc pas ‘exclure totalement’ qu’il ne s’agisse que d’un seul jet avec une forme complexe. Pour en avoir le cœur net, il faudra attendre de nouvelles observations avec une résolution similaire à celle de RadioAstron. ‘Il serait alors possible de vérifier le ‘remuement de la queue’ du trou noir secondaire’, écrivent-ils. La chasse à la preuve définitive est donc toujours ouverte.
Conclusion : une nouvelle fenêtre sur l'univers
Même avec cette petite incertitude, cette image est une avancée majeure. C’est la première fois que nous avons une preuve visuelle aussi forte de l’existence de paires de trous noirs supermassifs, ces couples cosmiques destinés à fusionner un jour dans un cataclysme qui enverra des ondes gravitationnelles à travers tout l’univers. Chaque nouvelle image de ce type est une fenêtre qui s’ouvre sur les phénomènes les plus extrêmes de l’univers, nous aidant à comprendre comment les galaxies et les monstres qui se cachent en leur cœur naissent, vivent et meurent.
Selon la source : earth.com