Les oiseaux réagissent de façon surprenante lors d’une éclipse totale de Soleil, selon les chercheurs
Auteur: Adam David
Le soleil disparaît en plein jour, et la nature se tait. C’est du moins l’image d’Épinal, cette idée que les oiseaux, désorientés, cessent de chanter pour se préparer à une nuit impromptue. Une vaste étude menée lors de l’éclipse américaine de 2024 vient pourtant nuancer ce tableau : face au disque noir, les oiseaux ont eu des réactions aussi variées qu’imprévisibles.
Un laboratoire à ciel ouvert
Le 8 avril 2024, une ombre a balayé le continent nord-américain, du Mexique au Canada. Une occasion en or pour les scientifiques du Cornell Lab of Ornithology et de l’entreprise Loggerhead Instruments. Car si les anecdotes sur le comportement animal abondent à chaque éclipse, elles sont souvent polluées par le bruit et l’agitation des humains venus assister au spectacle. Cette fois, l’objectif était d’obtenir des données propres, à grande échelle, pour enfin y voir plus clair.
Les résultats de cette ambitieuse observation, publiés un an plus tard jour pour jour dans la revue Scientific Reports, dessinent une réalité bien plus complexe que prévu.
Des 'boîtes à coucou' intelligentes pour tendre l'oreille
Pour mener à bien cette enquête, les chercheurs ont déployé un réseau de 344 enregistreurs acoustiques, les Haikubox. Ces petites boîtes connectées, installées par des particuliers, sont de véritables oreilles artificielles. Grâce à l’intelligence artificielle, elles sont capables d’identifier les oiseaux à leur seul chant, 24 heures sur 24.
Leur véritable atout dans ce contexte : savoir aussi repérer la présence humaine. En excluant automatiquement les enregistrements où les cris et les exclamations couvraient le son de la nature, les scientifiques ont pu, pour la première fois à une telle échelle, isoler la réaction purement animale.
Plus que la nuit en plein jour
Une éclipse, ce n’est pas juste un interrupteur qu’on bascule sur ‘off’. À mesure que la Lune masque le Soleil, les conditions changent brutalement. Les chercheurs rappellent que la température peut chuter de plusieurs degrés – jusqu’à 7°C lors de la totalité – et l’humidité grimpe en flèche. Ce sont autant de signaux que les animaux, bien plus sensibles que nous, peuvent interpréter.
La question n’est donc pas seulement de savoir comment les oiseaux réagissent à l’obscurité, mais à ce bouleversement rapide et complet de leur environnement immédiat.
Un concert aux partitions multiples
Alors, que s’est-il passé ? Dans les zones où l’obscurcissement a dépassé 99 %, une tendance s’est dessinée : une augmentation des chants dans la demi-heure précédant l’apogée, suivie d’une accalmie au moment le plus sombre. Une sorte de chant du crépuscule accéléré. Mais ce n’était qu’une trame de fond sur laquelle se sont greffées d’étonnantes improvisations.
Ici, un merle d’Amérique a continué de chanter en plein cœur de la totalité, devenant un soliste inattendu dans un silence quasi complet. Ailleurs, les mésanges à tête noire se sont révélées être un véritable casse-tête : sur un site, elles ont repris leur chant juste après le pic, tandis que sur un autre, elles ont vocalisé en pleine obscurité. Pour les oiseaux situés hors de la bande de totalité, ce fut, pour la plupart, un non-événement.
le mystère reste entier
« La variabilité des réactions était fascinante », admet David Mann, co-auteur de l’étude. Malgré l’analyse de la température, de la couverture nuageuse ou du vent, « nous n’avons trouvé aucune corrélation significative » pour expliquer pourquoi une même espèce réagit si différemment d’un endroit à l’autre. Le grand enseignement de cette étude est donc qu’il n’y a pas de règle universelle.
Loin d’apporter une réponse définitive, ces travaux ouvrent de nouvelles portes. L’analyse ne portait que sur les sons. Qui sait ce que les oiseaux ont fait ? Se sont-ils figés sur leur branche ? Ont-ils cherché un abri ? L’éclipse a peut-être rendu certains oiseaux silencieux, mais elle a surtout caché leurs véritables comportements aux yeux des chercheurs.
Selon la source : sciencesetavenir.fr